Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mettait le matin. Monsieur Jules était un homme violent, mais aussi plein de délicatesse, et il lui répugna de placer sa femme en face d’un démenti. Dans une telle situation, tout doit être fini pour la vie entre certains êtres. Cependant ces gouttes d’eau furent comme une lueur qui lui déchira la cervelle. Il sortit de sa chambre, descendit à la loge, et dit à son concierge, après s’être assuré qu’il y était seul : — Fouquereau, cent écus de rente si tu dis vrai, chassé si tu me trompes, et rien si, m’ayant dit la vérité, tu parles de ma question et de ta réponse.

Il s’arrêta pour bien voir son concierge qu’il attira sous le jour de la fenêtre, et reprit : — Madame est-elle sortie ce matin ?

— Madame est sortie à trois heures moins un quart, et je crois l’avoir vue rentrer il y a une demi-heure.

— Cela est vrai, sur ton honneur ?

— Oui, monsieur.

— Tu auras la rente que je t’ai promise ; mais si tu parles, souviens-toi de ma promesse ! alors tu perdrais tout.

Jules revint chez sa femme.

— Clémence, lui dit-il, j’ai besoin de mettre un peu d’ordre dans mes comptes de maison, ne t’offense donc pas de ce que je vais te demander, Ne t’ai-je pas remis quarante mille francs depuis le commencement de l’année ?

— Plus, dit-elle Quarante-sept.

— En trouverais-tu bien l’emploi ?

— Mais oui, dit-elle. D’abord, j’avais à payer plusieurs mémoires de l’année dernière…

— Je ne saurai rien ainsi, se dit Jules, je m’y prends mal.

En ce moment le valet de chambre de Jules entra, et lui remit une lettre qu’il ouvrit par contenance ; mais il la lut avec avidité lorsqu’il eut jeté les yeux sur la signature.

« Monsieur,

» Dans l’intérêt de votre repos et du nôtre, j’ai pris le parti de vous écrire sans avoir l’avantage d’être connue de vous ; mais ma position, mon âge et la crainte de quelque malheur me forcent à vous prier d’avoir de l’indulgence dans une conjoncture fâcheuse où se trouve notre famille désolée. Monsieur Auguste de Maulincour nous a donné depuis quelques jours des preuves d’aliénation mentale, et nous craignons qu’il ne trouble votre bon-