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LETTRE DE PASCAL A M ET A Mlle DE ROUANNEZ

abandonné. Il me semble que c’est un tems où le service qu’on luy rend luy est bien agreable. Il veut que nous jugions de la grace par la nature, et ainsi il permet de considerer que comme un Prince chassé de son païs par ses sujets a des tendresses extremes pour ceux qui luy demeurent fîdelles dans la revolte publique, de mesme il semble que Dieu considere avec une bonté particuliere ceux qui deffendent aujourd’huy la pureté de la Religion et de la Morale qui est si fort combattüe. Mais il y a cette difference entre les Roys de la terre et le Roy des Roys, que les Princes ne rendent pas leurs sujets fîdelles, mais qu’ils les trouvent tels : au lieu que Dieu ne trouve jamais les hommes qu’infidelles, et qu’il les rend fîdelles quand ils le sont. De sorte qu’au lieu que les Roys ont une obligation insigne à ceux qui demeurent dans leur obeissance, il arrive, au contraire, que ceux qui subsistent dans le service de Dieu luy sont eux-mesmes redevables infiniment. Continuons donc à le loüer de cette grace, s’il nous l’a faite, de laquelle nous le louërons dans l’eternité, et prions le qu’il nous la fasse encore, et qu’il ait pitié de nous et de l’Eglise entiere, hors laquelle il n’y a que malediction.

Je prens part au... [1]persecuté dont vous parlez. Je vois bien que Dieu s’est reservé des serviteurs

  1. Ms. Guerrier : [au † persecuté] ; la copie de Mlle de Théméricourt (Bibliothèque Nationale, ms. fr. 12988) et le ms. de Troyes: [aux 4 persecutez]. Il semble que le signe † de Guerrier a été pris par un copiste pour le chiffre 4. — S’agit-il de quelques prêtres de St Merry, paroisse des Rouannez, persécutés par le curé Amyot et les Jésuites du-