Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/218

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important s’avança d’un pas grave, suivi de quatre domestiques portant une table chargée de mets dont la vue et l’odeur ranimèrent sur-le-champ la contenance d’Athelstane. Ces serviteurs étaient masqués, de même que l’écuyer tranchant.

« Que veut dire cette mascarade ? s’écria Cedric ; votre maître pense-t-il que nous ignorons de qui nous sommes prisonniers dans ce château ? Dites-lui, » ajouta-t-il en voulant profiter de cette circonstance pour entamer une négociation en faveur de sa liberté, « dites à Reginald Front-de-Bœuf que nous ne lui supposons d’autres motifs pour nous traiter ainsi qu’une vile cupidité ; dites-lui, enfin, que nous cédons à sa rapacité, comme en pareil cas nous céderions à celle d’un vrai brigand. Qu’il fixe la rançon à laquelle il prétend, et nous la lui paierons, si elle est proportionnée à nos moyens. »

L’écuyer tranchant ne répondit que par un signe de tête. « Dites encore à Reginald Front-de-Bœuf, ajouta Athelstane, que je lui envoie un cartel à outrance, à pied ou à cheval, dans tel lieu de sûreté qu’il m’indiquera, et dans les huit jours qui suivront notre mise en liberté : s’il a de l’honneur, s’il est chevalier, il ne refusera point. »

L’écuyer salua une seconde fois, en disant : « Je ferai part de votre défi à mon maître. »

Athelstane n’articula pas nettement ce défi : il avait la bouche pleine ; sa mâchoire était très occupée, ce qui, outre l’hésitation qui lui était naturelle, rendait ses paroles d’autant moins menaçantes. Toutefois Cedric accueillit le discours de son compagnon avec une sorte de joie, en voyant qu’il ressentait convenablement l’insulte qu’on leur avait faite, et qu’il commençait à perdre patience. Il lui serra la main, en signe d’approbation ; mais il se refroidit lorsque Athelstane eut ajouté « qu’il combattrait douze hommes tels que Front-de-Bœuf, pour sortir plus promptement d’une prison où l’on mettait de l’ail dans les ragoûts. » Nonobstant cette rechute et ce retour de son compagnon à son apathie et à sa sensualité, Cedric s’assit en face de lui, et l’imitant de son mieux, prouva bientôt que les malheurs de son pays ne l’empêchaient pas d’avoir un excellent appétit, surtout lorsqu’il se trouvait devant une bonne table.

Les prisonniers ne jouirent pas long-temps de leurs délices gastronomiques ; elles furent troublées tout-à-coup par le son d’un cor qui se fit entendre à la porte, et qui fut répété jusqu’à trois fois,