Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/287

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« Jeune et charmante fille, » dit-il en arabe, car ses voyages en Orient lui avaient rendu cette langue familière, et le turban ainsi que le cafetan que portait cette femme bienfaisante l’induisaient à croire qu’elle le comprendrait ; « je vous en prie, charmante et généreuse demoiselle, ayez la bonté de… » Mais l’aimable juive l’interrompit, et un sourire qu’elle eut peine à retenir, vint un instant animer son visage, dont l’expression habituelle était celle d’une mélancolie rêveuse.

« Je suis Anglaise, sire chevalier, dit-elle, et je parle la langue de mon pays, quoique mon costume et ma famille appartiennent à une autre nation.

— Noble demoiselle, » reprit Ivanhoe… ; mais Hébecca se hâta de l’interrompre de nouveau :

« Sire chevalier, ne me donnez pas l’épithète de noble. Il est à propos que vous sachiez dès à présent que celle qui vous donne des soins est une pauvre juive, la fille de cet Isaac d’York envers qui vous vous êtes montré si bon et si secourable. Il est bien juste que lui et toute sa famille vous donnent les secours que réclame votre situation présente. »

Je ne sais si lady Rowena aurait été très satisfaite de l’espèce d’émotion avec laquelle son tout dévoué chevalier avait jusqu’alors fixé ses regards sur les beaux traits, l’ensemble enchanteur de la figure et les yeux brillants de l’aimable Rébecca, de ces yeux surtout dont l’éclat était adouci par des cils longs et soyeux, qui les couvraient comme d’un voile, et qu’un ménestrel aurait comparés à l’étoile du soir dardant ses rayons à travers un berceau de jasmin. Mais Ivanhoe était trop bon catholique pour conserver des sentiments de cette nature envers une juive. La jeune Israélite l’avait prévu, et c’était pour cela qu’elle s’était empressée de lui faire connaître le nom et l’origine de son père. Néanmoins, car la belle et sage fille d’Isaac n’était pas sans avoir sa petite part des faiblesses de son sexe, elle ne put s’empêcher de soupirer lorsqu’elle vit le regard d’admiration respectueuse, de tendresse même, qu’Ivanhoe avait jusqu’alors jeté sur sa bienfaitrice inconnue, se changer tout-à-coup en un air froid, composé, recueilli, et n’exprimant que le simple sentiment de reconnaissance que l’on ne peut s’empêcher de témoigner pour un service rendu par un individu de qui on ne devait point l’attendre, et qui appartient à une classe proscrite. Ce n’est pas que le premier regard d’Ivanhoe eût exprimé quelque chose de plus que cet hommage que la jeu-