Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/335

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trine, et lady Rowena espérait qu’il ne l’avait pas remarquée. Cependant il leva les yeux ; et lorsqu’il la vit devant lui, une vive rougeur, occasionée par la honte, vint colorer ses joues, et il parut hésiter s’il l’aborderait ; enfin, s’avançant vers elle, il saisit la bride de son palefroi, et mettant un genou à terre : « Lady Rowena, dit-il, daignera-t-elle jeter les yeux sur un chevalier captif, sur un soldat déshonoré ?

— Sire chevalier, répondit-elle, dans des entreprises telles que la vôtre, le véritable déshonneur ne vient pas d’avoir échoué, mais d’avoir réussi.

— La joie du triomphe, noble dame, doit adoucir l’aigreur du ressentiment. Que lady Rowena daigne me dire qu’elle pardonne la violence occasionée par une malheureuse passion, et elle apprendra bientôt que de Bracy sait la servir d’une manière digne d’elle.

— Je vous pardonne, sire chevalier ; mais c’est en qualité de chrétienne.

— Ce qui signifie, dit Wamba, qu’elle ne lui pardonne pas du tout.

— Mais, » continua lady Rowena, « je ne saurais vous pardonner les malheurs et la désolation que votre folie a occasionés.

— Lâche la bride du cheval de cette dame, » dit Cedric en s’avançant. « Par le soleil qui nous éclaire, et si ce n’était la honte qui me retient, je te clouerais à la terre avec ma javeline. Mais sois bien assuré, Maurice de Bracy, que tu paieras cher la part que tu as prise dans cette infâme action.

— On a beau jeu à menacer un prisonnier, dit de Bracy ; mais vit-on jamais un Saxon éprouver le moindre sentiment de courtoisie ? » Reculant alors deux pas, il laissa lady Rowena se remettre en marche.

Cedric, avant de partir, exprima sa reconnaissance toute particulière envers le chevalier Noir, et le pressa vivement de l’accompagner à Rotherwood. « Je sais, lui dit-il, que vous autres chevaliers errants, vous aimez à promener votre fortune à la pointe de votre lance, et que vous vous occupez fort peu de terres ou d’autres propriétés ; mais la gloire des armes est une maîtresse inconstante, et un domicile assuré, un chez soi est parfois un objet digne de fixer les désirs, même du champion le plus aventureux. Tu t’en. es assuré un dans le château de Rotherwood, noble chevalier : Cedric est assez riche pour réparer les torts de la fortune, et tout ce qu’il possède appartient à son libérateur. Viens donc à Rother-