Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/348

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cogne, l’année dernière, interrompit le Juif ; mais ce n’est qu’une bagatelle.

— Ce chien d’infidèle ! il nous calomnie en donnant à entendre que nous ne sommes endettés que pour avoir acheté des vins que nous avons obtenu la permission de boire propter necessitatem et ad frigus depellendum[1]. Ce scélérat circoncis blasphème la sainte Église, et des chrétiens l’entendent sans lui imposer silence !

— Tout cela est étranger à notre affaire, dit le capitaine. Isaac, dis-nous ce que nous pouvons lui demander sans enlever poil et peau en même temps.

— Six cents couronnes, dit Isaac ; et le bon prieur peut fort bien les donner à Vos Seigneuries sans pour cela être assis moins mollement dans sa stalle.

— Six cents couronnes ? dit gravement le chef ; je m’en contenterai… Tu as fort bien parlé, Isaac… Six cents couronnes, sire prieur : vous avez entendu cet arrêt.

— Oui, oui, s’écria toute la troupe ; c’est un arrêt ; Salomon n’en eût pas prononcé un plus sage.

— Êtes-vous fous, mes maîtres ? dit le prieur : où voulez-vous que je trouve cette somme ? Quand même je vendrais le saint ciboire et les chandeliers d’argent du grand autel de l’abbaye, j’aurais de la peine à m’en procurer la moitié. Encore faudra-t-il pour cela que j’aille moi-même à Jorvaulx : vous retiendrez mes deux prêtres comme otages.

— Ce serait une confiance par trop aveugle, mon cher prieur, répondit Locksley. Tout au contraire, tu resteras avec nous, et tes deux prêtres iront chercher ta rançon. Et attendant, tu boiras de bon vin, tu auras de bonne venaison ; et puisque tu aimes la chasse, ton pays du Nord ne t’offrira jamais rien de comparable à celle que nous te ferons faire avec nous.

— Ou bien, si vous l’aimez mieux, » dit Isaac qui désirait se concilier la bienveillance du chef et de sa bande, « j’enverrai chercher à York les six cents couronnes, à valoir sur certaine somme que j’ai à lui payer, pourvu que le très révérend prieur veuille bien m’en donner quittance.

— Il te donnera tout ce que tu voudras, Isaac, et tu nous compteras la rançon du prieur en même temps que la tienne.

— La mienne ! ah ! braves seigneurs, faites attention que je ne suis qu’un pauvre vieillard ; si je vous payais seulement cinquante

  1. Dans les cas de nécessité, et pour chasser le froid. a. m.