Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/399

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la bouche pour la première fois, elle répondit d’un ton timide, mais avec dignité, que ce n’était pas la coutume parmi les filles de son peuple de se découvrir le visage au milieu d’une assemblée. Le doux son de sa voix et la modestie de sa réponse firent naître dans l’auditoire un sentiment de pitié et de sympathie ; mais Beaumanoir, qui aurait cru manquer à sa conscience s’il n’eût réprimé tout sentiment d’humanité capable de l’empêcher d’accomplir ce qu’il regardait comme un rigoureux devoir, réitéra son ordre ; et plusieurs gardes se disposaient à enlever son voile à la victime, lorsque Rébecca, se levant de son siège, parla en ces termes au grand-maître et aux chevaliers qui composaient le tribunal : « Pour l’amour de vos filles !… Mais, hélas ! j’oublie que vous n’avez point de filles, » ajouta-t-elle après une courte pause : « mais par le souvenir que vous gardez de vos mères, par l’affection que vous devez avoir pour vos sœurs, enfin au nom du respect que mérite mon sexe, ne souffrez pas qu’en votre présence ces hommes grossiers arrachent son voile à une jeune fille. Je vous obéirai, » ajouta-t-elle avec une expression de douleur et de résignation qui attendrit presque le cœur de Beaumanoir lui-même ; « vous êtes les anciens de votre peuple, je vous obéirai, et vous montrerai les traits d’une infortunée. »

En parlant ainsi elle leva son voile et découvrit un visage sur lequel on apercevait autant de modestie que de noblesse. Sa beauté excita un murmure de surprise, et les jeunes chevaliers, se regardant les uns les autres, se dirent des yeux que la meilleure excuse de Brian était dans le pouvoir de ces attraits plutôt que dans celui de sortilèges imaginaires. Mais Higg, fils de Snell, fut celui que la vue du visage de sa bienfaitrice affecta le plus douloureusement.

« Laissez-moi sortir, » dit-il à ceux qui gardaient la porte de la salle, « laissez-moi sortir : la regarder est un supplice pour moi… j’aurai la douleur d’être la cause de sa mort !

— Paix ! brave homme, » dit Rébecca, qui avait entendu cette exclamation, « tu ne m’as fait aucun mal en disant la vérité ; tes plaintes et tes lamentations ne pourraient me faire aucun bien. Garde donc le silence, je t’en prie ; retire-toi, et que Dieu te protège ! »

Les gardes, tout en sympathisant avec Higg, se disposaient à le mettre à la porte, de crainte qu’une nouvelle interruption de sa part ne leur attirât des reproches ; mais il leur promit de se taire, et ils lui permirent de rester.