Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était Isaac d’York pour qui il avait autrefois travaillé ; l’autre le rabbin Ben-Samuel. Tous deux étaient venus aussi près de la préceptorerie qu’ils l’avaient osé, car le bruit que le grand-maître avait convoqué les chevaliers en chapitre pour faire le procès à une sorcière, était parvenu jusqu’à eux.

« Frère Ben-Samuel, disait Isaac, le trouble est dans mon âme, et c’est avec raison. Cette accusation de sorcellerie n’est que trop souvent un prétexte sous lequel on cache de mauvais desseins contre notre peuple.

— Tranquillise-toi, fière, répondit le médecin ; tu peux entrer en accommodement avec ces Nazaréens, car tu possèdes le mammon de l’iniquité qui te met en état d’obtenir d’eux toute espèce d’immunité. L’or a sur les esprits féroces de ces hommes abandonnés de Dieu le même pouvoir que l’anneau du puissant roi Salomon avait pour commander aux mauvais génies. Mais quel est ce pauvre malheureux qui s’avance vers nous, appuyé sur des béquilles ? Je crois qu’il désire nous parler… Ami, » dit-il à Higg, « je ne te refuse pas le secours de mon art, si tu viens l’implorer ; mais je ne donnerais pas même un aspre à un homme qui demande l’aumône sur le grand chemin. Fi ! n’as-tu pas de honte ? Tu es paralysé des jambes ; en bien, travaille des mains pour gagner ta vie ; car, si tu ne peux être ni courrier, ni soldat, ni berger, si tu ne peux te mettre au service d’un maître impatient, il y a d’autres occupations… Eh bien, frère, qu’avez-vous donc ? » dit-il en se tournant tout-à-coup vers Isaac. Isaac, pendant que Ben-Samuel parlait, avait reçu le billet que Higg devait lui remettre ; à peine y eut-il jeté les yeux qu’il pâlit, poussa un gémissement, et tomba à terre plus mort que vif : il y resta quelques instants comme un homme privé de tout sentiment.

Le rabbin alarmé descendit de cheval, et employa tous les remèdes que son art lui suggérait pour rappeler son compagnon à la vie. Il avait même tiré de sa poche une boîte à ventouses, et se préparait à en faire usage, lorsque l’objet de ses inquiétudes reprit tout-à-coup ses sens ; mais ce fut pour jeter son bonnet loin de lui et se couvrir la tête de poussière. Le médecin crut d’abord devoir attribuer cette subite et violente émotion à un accès de démence ; et, persistant dans sa première intention, il reprit en main ses instruments. Cependant Isaac le convainquit bientôt de son erreur.

« Enfant de ma douleur, s’écria-t-il, on aurait dû te nommer Benoni au lieu de Rébecca ! Faut-il que ta mort conduise mes cheveux