Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/460

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« Saisissez ces coquins de moines ! jetez-les dans le cachot !… précipitez-les du haut des murailles !…

— Au nom de Dieu ! » dit Cedric s’adressant à celui qui lui semblait être le spectre de son défunt ami, « si tu es un homme, parle ; si tu es un esprit, dis-moi pourquoi tu viens visiter de nouveau cette terre, et si je puis faire quelque chose pour ton repos. Vivant ou mort, noble Athelstane, parle à Cedric.

— Je parlerai, » dit le spectre avec un merveilleux sang-froid ; « je parlerai lorsque j’aurai repris haleine et que vous m’en donnerez le temps. Tu me demandes si je suis vivant ? Je le suis autant que peut l’être celui qui a été nourri de pain et d’eau pendant trois jours, qui m’ont paru trois siècles. Oui, de pain et d’eau ! mon père, mon ami Cedric. Par le ciel et par les saints qui s’y trouvent, meilleure nourriture n’a pas passé par mon gosier pendant trois grands jours, et c’est par un miracle de la Providence que je suis ici pour vous le dire.

— Comment, noble Athelstane, dit le chevalier Noir, je vous ai vu moi-même renversé par le farouche templier après la prise du château de Torquilstone ! et, comme je l’ai cru, comme Wamba l’a dit lui-même, vous aviez eu la tête fendue jusqu’aux dents !

— Vous avez mal cru, sire chevalier, et Wamba a menti. Mes dents sont en bon ordre ; et je vous en donnerai la preuve tout à l’heure en soupant… Au surplus, ce n’est pas la faute du templier ; mais son épée tourna dans sa main, de sorte que je ne fus frappé que du plat. Si j’avais eu mon casque d’acier sur la tête, je n’y aurais pas plus fait attention qu’à une paille, et je lui aurais appliqué une riposte qui lui aurait ôté tout moyen d’effectuer sa retraite. Mais enfin je fus renversé, étourdi à la vérité, mais non blessé. D’autres, tant de l’un que de l’autre parti, furent renversés et tués sur moi, en sorte que lorsque je repris mes sens, ce fut pour me trouver dans un cercueil qui, fort heureusement pour moi, était ouvert, placé devant l’autel de l’église de Saint Edmond. J’éternuai plusieurs fois, je soupirai, je gémis ; je m’éveillai, et j’étais au moment de me lever, lorsque le sacristain et l’abbé, tout pleins de terreur, accoururent au bruit, surpris sans doute, mais nullement satisfaits, de voir vivant un homme dont ils avaient espéré être eux-mêmes les héritiers. Je demandai du vin : on m’en donna ; mais il contenait sans doute quelque drogue, car je m’endormis encore plus profondément qu’auparavant, et je ne me réveillai qu’au bout de plusieurs heures. Mes bras étaient étendus et enveloppés, et mes