Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/68

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Probablement les mêmes motifs qui induisirent Cedric à ouvrir sa maison à cet enfant d’un peuple réprouvé l’auraient porté à engager ses domestiques à recevoir Isaac avec quelques égards ; mais l’abbé, en ce moment, le tenait occupé à une intéressante discussion sur l’éducation et le caractère de ses chiens favoris, discussion qu’il n’aurait pas interrompue pour des sujets de plus grande importance que l’arrivée d’un juif implorant un lit sans même prendre aucune nourriture. Tandis qu’Tsaac était ainsi traité, comme son peuple au milieu des nations, cherchant en vain un accueil et un lieu pour s’asseoir, le pèlerin qui s’était mis près de la grande cheminée eut compassion de lui, et lui céda son siège, en lui disant brièvement : « Vieillard, mes vêtements sont secs, ma faim est apaisée ; tu es mouillé et pressé de besoin. » À ces mots il rapprocha et réveilla des tisons dispersés dans l’ample cheminée, prit de la grande table une assiette de potage, un peu de chevreau bouilli, et plaça le tout sur une petite table sur laquelle il avait soupé, et, sans attendre les remercîments du juif, il s’en alla de l’autre côté de la salle, soit qu’il voulût éviter toute communication avec l’objet de sa bienveillance, soit qu’il désirât se rapprocher du haut bout de la table.

S’il y avait eu alors un peintre capable de dessiner un sujet comme le juif, baissant sa tête flétrie, et étendant ses mains gelées et tremblantes sur le feu, il eût composé une personnification emblématique bien véritable de l’hiver. Ayant chassé le froid, il s’empara en hâte du plat fumant qui était devant lui, et mangea avec une avidité et une précipitation propres à tout assaisonner, et qui semblaient prouver la longue abstinence du juif. Cependant le prieur et Cedric continuaient leurs discours sur les chiens ; lady Rowena paraissait engagée dans une conversation avec une de ses suivantes, et l’orgueilleux templier, dont les yeux erraient tour à tour sur le juif et sur la belle saxonne, semblait rouler dans son esprit des pensées qui l’intriguaient singulièrement.

« Je m’étonne, digne Cedric, disait l’abbé en continuant leur entretien, que nonobstant votre prédilection pour votre propre et énergique idiome, vous n’ayez pas admis à votre faveur le français-normand, au moins en ce qui regarde les termes pour exprimer les ruses et les usages de la chasse. Assurément nul idiome n’est aussi riche en phrases variées et ne fournit autant de moyens d’exprimer tous les incidents de cet art joyeux et si agréable à l’homme des bois.