Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/145

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que les événements de la soirée avaient excitées. « Après tout, se dit-elle, pourquoi serais-je inquiète sur lady Éveline ? Chez le fier Normand, comme chez le brutal Saxon, on trouverait à peine une honorable famille qui ne se distinguât des autres par l’observation de quelque pratique superstitieuse, comme s’ils dédaignaient monter au ciel de la même manière qu’une Flamande telle que moi… Si je pouvais seulement apercevoir une des sentinelles normandes, je serais tranquille sur la sûreté de ma maîtresse… En voilà précisément une là-bas qui marche à grands pas, enveloppée de son long manteau blanc, et portant sa lance dont le bout éclairé par la lune brille d’un éclat argenté… Holà, sire cavalier ! »

Le Normand se retourna, et s’approchant du fossé à sa voix : Quel est votre bon plaisir, damoiselle ? lui demanda-t-il.

— La croisée qui est à côté de la mienne est celle d’Éveline Berenger que vous êtes chargé de garder… Veuillez tenir un œil vigilant sur ce côté du château.

— N’en doutez pas, damoiselle, » répondit le cavalier ; et s’enveloppant dans sa longue cape ou manteau militaire, il se retira auprès d’un grand chêne, et s’y tint les bras croisés, appuyé sur sa lance, son immobilité le faisant ressembler plutôt à un trophée d’armes qu’à un guerrier vivant.

Rassurée par la pensée qu’en cas de besoin elle était à portée d’avoir du secours, Rose se retira, et s’étant convaincue, après avoir écouté quelque temps, qu’on n’entendait rien dans la chambre d’Éveline, elle se mit à faire des préparatifs pour se coucher.

Elle alla dans la première antichambre, où la dame Gillian, dont les craintes avaient cédé à l’effet soporifique des libations copieuses de lithe-asos bien douce et de la première qualité, était plongée dans un sommeil profond.

Murmurant avec indignation contre la paresse et l’insensibilité de sa compagne, Rose prit les couvertures du lit qui avait été préparé, et les transportant dans le cabinet, les étendit sur des roseaux qui couvraient le plancher, de manière à s’en former une espèce de couche, sur laquelle à demi étendue, elle résolut de passer la nuit, aussi près de sa maîtresse que les circonstances le lui permettaient.

De cette manière, assise plutôt que couchée, elle contemplait le pâle astre des nuits parcourant dans tout son éclat le sombre azur du firmament, se promettant bien que le sommeil ne vien-