Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gner entre eux. Elle se contenta donc de répondre à ce compliment en le remerciant d’une manière générale de l’honneur de sa visite, espérant qu’il voudrait alors se retirer ; mais ce n’était pas là son dessein.

« Je vois, dit-il, à la froideur avec laquelle lady Éveline Berenger me reçoit, que ce qu’elle a pu entendre dire de moi à mon parent (si toutefois il m’a jugé digne de lui en parler) ne m’a pas été très-favorable ; et cependant il fut un temps où mon nom jouissait d’une aussi bonne renommée à la cour et dans les camps que celui d’Hugo de Lacy. C’est la pauvreté seule, qui, à la vérité, est regardée comme le plus honteux des malheurs, qui m’empêche d’aspirer aujourd’hui aux dignités et à la gloire. Si j’ai fait de nombreuses folies dans ma jeunesse, je les ai expiées par la perte de ma fortune et l’abaissement de mon rang. En cela mon heureux parent pourrait, si tel était son bon plaisir, venir à mon secours, non pas avec sa bourse et ses biens, car tout pauvre que je suis je ne voudrais pas vivre d’aumônes données avec regret par un froid ami, mais quelques égards ne lui coûteraient rien, et je puis peut-être demander et obtenir de lui un tel service.

— En cela, répondit Éveline, c’est à monseigneur le connétable à juger ce qu’il lui convient de faire… je n’ai aucun droit, jusqu’à présent du moins, de me mêler de ses affaires de famille, et si jamais j’acquiers ce droit, je n’en userai qu’avec réserve.

— C’est répondre sagement, dit Randal ; mais tout ce que je vous demande, c’est de vouloir bien, avec la grâce qui vous est naturelle, présenter à mon cousin une requête que ma langue rebelle ne pourrait se résoudre à prononcer d’un ton soumis. Les usuriers, dont l’avidité a dévoré mes biens, me menacent en ce moment de la prison ; ce qu’ils n’oseraient pas murmurer, et encore bien moins exécuter, s’ils ne voyaient pas en moi un proscrit abandonné du chef naturel de ma famille, et ne me regardaient plutôt comme un vagabond sans parents, sans amis, que comme un descendant de la puissante maison de Lacy.

— C’est une triste situation, dit Éveline, mais je ne vois pas comment je puis vous être utile dans une telle extrémité.

— La chose est facile, dit Randal de Lacy ; le jour de vos fiançailles est fixé, à ce que j’ai entendu dire, et vous avez le droit de choisir à votre gré les témoins d’une cérémonie que je prie tous les saints de bénir. Pour tout autre que moi, être présent ou absent ce n’est qu’une pure affaire de forme ; mais