Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/199

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ému par l’action vive et subite du jongleur ; « mais je n’aime pas à plaisanter avec les instruments tranchants, et j’ai trop à démêler sérieusement avec les épées pour m’en jouer ; ainsi je vous prie qu’il n’en soit plus question. Mais appelez mon écuyer et mon chambellan, car il faut que je m’apprête pour aller à la messe. »

Une fois les devoirs religieux du matin remplis, le connétable avait intention de visiter l’abbesse, et de lui apprendre, avec toutes les précautions nécessaires, la position dans laquelle il se trouvait à l’égard de sa nièce, vu sa résolution forcée de partir pour la croisade avant de terminer son mariage, comme il avait été stipulé dans le contrat. Il sentait que ce changement déplairait à la bonne dame, et il fut quelque temps avant de pouvoir trouver un moyen convenable pour lui apprendre cette nouvelle désagréable. Il fut rendre aussi une visite à son neveu, dont la convalescence était aussi favorable que si réellement c’eut été une suite miraculeuse de sa condescendance à l’avis de l’archevêque.

Du logement de Damien le connétable se rendit au couvent de l’abbesse des Bénédictines ; mais elle avait déjà été instruite de ce qu’il avait à lui communiquer, par l’archevêque lui-même. Le primat s’était chargé de la tâche de médiateur, certain que sa victoire avait dû placer le connétable dans une situation fort délicate envers les parents de sa fiancée, et il espéra concilier, par sa présence et son autorité, les disputes qui devaient s’ensuivre. Peut-être eût-il mieux fait de laisser à Hugo de Lacy le soin de plaider sa propre cause ; car l’abbesse, quoiqu’elle écoutât cette nouvelle avec tout le respect dû au plus haut dignitaire de l’Église anglicane, tira de ce changement des conséquences auxquelles le primat ne s’attendait pas. Elle n’osa pas opposer des obstacles à l’accomplissement du vœu de de Lacy, mais elle insista fortement pour que le contrat avec sa nièce fût entièrement mis de côté, et que chaque partie fût libre de faire un nouveau choix.

Ce fut en vain que l’archevêque tenta d’éblouir l’abbesse par la vue des honneurs qu’acquerrait le connétable dans la terre sainte, dont la splendeur rejaillirait, non-seulement sur sa femme, mais sur tous ses parents les plus éloignés ; toute son éloquence ne servit à rien, quoiqu’il s’étendît longuement sur un sujet aussi favori. L’abbesse, il est vrai, garda le silence pendant quelque temps, mais ce n’était que pour considérer comment elle dirait d’une manière convenable, qu’on ne pouvait s’attendre à des en-