Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/21

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servaient sous lui, attirés par sa réputation, il pouvait se venger des invasions des Anglais par les incursions les plus désastreuses.

Cependant Gwenwyn lui-même sembla oublier alors la haine qu’il avait jurée à ses dangereux voisins. La torche de Pengwen (car on le surnommait ainsi parce qu’il avait souvent mis en feu la province de Shrewsbury), la torche de Pengwen semblait alors brûler avec autant de calme qu’un flambeau dans le boudoir d’une dame ; et le loup du Plinfimmon[1], autre surnom dont les bardes avaient gratifié Gwenwyn, sommeillait alors aussi paisiblement que le chien du berger au foyer domestique.

Mais ce n’était pas l’éloquence seule de Baudouin ou de Gérald qui avait calmé un esprit si turbulent et si fier. Il est vrai cependant que leurs exhortations y avaient plus contribué que les gens de Gwenwyn ne l’avaient cru possible. L’archevêque avait engagé le chef breton à rompre le pain et à se livrer au plaisir de la chasse avec le plus proche et le plus déterminé de ses ennemis, le vieux guerrier normand, sir Raymond de Berenger, qui, quelquefois vaincu, quelquefois victorieux, mais jamais soumis, avait, en dépit des plus terribles incursions de Gwenwyn, conservé son château de Garde-Douloureuse, sur les frontières du pays de Galles, place fortifiée par la nature et par l’art, que le prince gallois n’avait pu conquérir, soit par force ouverte, soit par stratagème. Sa position était telle, qu’elle avait souvent porté obstacle à ses incursions ; car, conservant toujours une forte garnison, elle eût pu rendre la retraite de Gwenwyn précaire et dangereuse.

Aussi Gwenwyn de Powys-Land avait-il cent fois fait le vœu de donner la mort à Raymond de Berenger, et de démolir son château ; mais la politique et la sagacité du vieux guerrier, sa longue expérience dans l’art de la guerre étaient telles, qu’avec l’aide de ses compatriotes les plus puissants, il défiait les attaques de son implacable voisin. S’il existait dans toute l’Angleterre un homme que Gwenwyn haït plus qu’un autre, cet homme était certainement Raymond Berenger ; et cependant le bon archevêque Baudouin eut assez d’influence sur le prince gallois pour le déterminer à avoir une entrevue avec lui, et à le traiter comme un ami, comme un allié pour la cause de la Croix. Gwenwyn donc invita Raymond à se rendre vers l’automne à son palais du pays de Galles, lui donna l’hospitalité, le traita avec magnificence, et le fit chasser pendant plus d’une semaine sur ses domaines.

  1. La plus haute montagne du pays de Galles. a. m.