Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/314

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tiens qui n’ont jamais négligé les occasions de pillage ou de conquête que leur offrait l’absence d’un rival parti pour la sainte croisade.

— Par la sainte croix ! » dit Henri, sur le point d’éclater, car ceci l’attaquait particulièrement, mais, s’arrêtant tout à coup, il dit, d’un air de mépris : « Conduisez ce misérable au gibet.

— Encore une question, dit de Lacy : Renault, ou quel que soit ton autre nom, depuis mon retour tu m’as rendu des services qui ne s’accordent nullement avec la résolution que tu avais prise contre ma vie : tu m’as aidé dans mon naufrage, et m’as guidé en sûreté dans le pays de Galles, où mon nom seul m’eût voué à la mort ; et pourtant la croisade était finie.

— J’éclaircirais bien tes doutes, dit le barde, mais on penserait que je sollicite pour ma vie.

— N’hésite pas, dit le roi ; notre saint-père intercéderait pour toi, que ses prières seraient vaines.

— Eh bien donc, dit le barde, apprends la vérité : j’étais trop fier pour permettre aux vagues et aux Gallois d’accomplir ma vengeance. Apprends aussi, ce qui peut-être était une faiblesse de Cadwallon, que l’habitude de vivre avec toi avait divisé mes sentiments entre la haine et l’admiration. Je pensais toujours à ma vengeance, mais comme à une chose que je ne pourrais jamais terminer, et qui me paraissait plutôt une image dans les cieux qu’un but que je pouvais jamais atteindre ; et quand je te vis aujourd’hui même si déterminé, si fermement résolu à supporter en homme le sort qui te menaçait, tu me parus ressembler à la dernière tour d’un palais ruiné, qui élève encore sa tête vers le ciel malgré qu’il soit entouré des débris de ses murs splendides ; puissé-je périr, me dis-je, avant d’achever sa destruction ! Alors, oui, même alors, il n’y a que quelques heures, si tu avais accepté ma main, je t’aurais servi comme jamais serviteur n’a servi son maître. Tu la rejetas avec mépris. Et encore il fallait que je te visse, comme je me le figurais, foulant aux pieds avec tout l’orgueil normand ce terrain où tu tuas mon maître, pour que je prisse la résolution de frapper ce coup que je te destinais, mais qui a tué au moins un homme de ta race usurpatrice. Je ne répondrai plus à d’autres questions. Conduisez-moi à la hache ou au gibet, c’est indifférent à Cadwallon : mon âme sera bientôt avec mes libres et nobles ancêtres.

— Mon souverain et mon prince, » dit de Lacy en ployant un