Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/486

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prudence exige que l’on y ait égard. Cette attention est d’autant plus importante que, lorsqu’on a la conscience troublée, on est porté à croire que l’on parle toujours de vous. Un seul mot entendu par hasard, quelque étranger qu’il vous soit, suffit pour jeter l’épouvante dans l’âme, pour faire croire qu’il a été prononcé à votre intention, et vous forcer à manifester vous-même vos projets en vous dérobant au danger par la fuite, ou à les faire échouer en précipitant hors de propos leur exécution. Ces obstacles naissent d’autant plus facilement, que les complices d’une conjuration sont plus nombreux.

Quant aux accidents, comme on ne saurait les prévoir, ce n’est que par des exemples qu’on peut les faire connaître, et enseigner aux hommes à prendre leurs précautions suivant les circonstances.

Giulio Belanti de Sienne, dont nous avons fait mention précédemment, indigné de ce que Pandolfo, après lui avoir donné sa fille en mariage, la lui avait reprise, résolut de le poignarder, et choisit ainsi le moment : Pandolfo allait presque tous les jours visiter un de ses parents malades, et passait devant la maison de Belanti : celui-ci, ayant remarqué cette habitude, disposa les conjurés dans sa maison, de manière à pouvoir tuer Pandolfo à son passage : il les réunit tout armés derrière la porte, et plaça l’un d’eux à une fenêtre, afin que, quand leur ennemi passerait près de la porte, il pût les avertir. Ce dernier, le voyant venir, crut devoir donner le signal ; mais Pandolfo rencontra en ce moment un de ses amis, et s’arrêta pour lui parler. Une partie de ceux qui l’accompagnaient, ayant continué leur chemin, aperçurent quelque mouvement et entendirent le bruit des armes ; ce qui leur fit découvrir l’embûche. C’est ainsi que Pandolfo se sauva, et que Belanti et ses complices se trouvèrent contraints de s’échapper de Sienne.

Une rencontre imprévue mit donc seule obstacle à ce