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Pandore (Voltaire)/1877

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Pandore (Voltaire)
tome 3 - Théâtre (2)
Œuvres complètes de VoltaireGarnier.
AVERTISSEMENT
DE BEUCHOT.


L’opéra de Pandore, que Voltaire appelle aussi Prométhée *, et par plaisanterie le Péché originel., fut composé en 1740. L’auteur désirait beaucoup que sa pièce fût représentée *. Il avait, en 1744, confié Pandore « à Mme Dupin, qui voulait s’en amuser, et l’orner de quelques croches avec M. de Franqueville et Jéliotte ^ », Mais, de son côté, Richelieu l’avait donnée à mettre en musique à Royer, qui la fit retoucher et arranger par Sireuil, ancien porte-manteau du roi ; ce dont Voltaire fut très-mécontent.

J.-B. de Laborde ayant fait une nouvelle musique pour Pandore, Voltaire espéra que sa pièce paraîtrait au théâtre pour les fêtes du mariage du Dauphin ( depuis Louis XVI ; en 1770 ; puis à celles pour le mariage du comte d’Artois (depuis Charles X) en 1773 ; il n’en fut rien : Pandore n’a jamais été jouée.

Cet opéra avait été imprimé, en 1748, dans le tome III de l’édition des OEuvres de Voltaire, faite à Dresde cette année. Il est au tome IV de l’édition faite, en 1752^ dans la même ville ; et c’est de cette édition de 1752 que date une faute d’impression longtemps répétée, dont je parle dans une note *.

1. Lettres à Cidevillc, 8 mai 17 ii ; à Hénaiilt, 15 octobre 1754 ; à d’Argental, 21 septembre 1754 ; à Cidoville, 23 janvier 1755.

2. Lettres à d’Argental, 2 février et L2 mars 1740.

3. Lettre à Cideville, 8 mai 1744.

4. Voyez la note de la page 583.
PERSONNAGES


PROMÉTHÉE, fils du Ciel et de la Terre, demi-dieu.

PANDORE.

JUPITER.

MERCURE.

NÉMÉSIS.

NYMPHES.

TITANS.

DIVINITÉS CÉLESTES.

DIVINITÉS INFERNALES.

ACTE I


Le théâtre représente une campagne, et des montagnes dans le fond



Scène I


PROMETHEE, CHOEUR, PANDORE  dans l'enfoncement, couchée sur une estrade.


PROMETHEE
.

Prodige de mes mains, charmes que j'ai fait naître,
Je vous appelle en vain, vous ne m'entendez pas :
Pandore, tu ne peux connaître
Ni mon amour ni tes appas.
Quoi ! j'ai formé ton coeur, et tu n'es pas sensible !
Tes beaux yeux ne peuvent me voir !
Un impitoyable pouvoir
Oppose à tous mes voeux un obstacle invincible ;
Ta beauté fait mon désespoir.
Quoi ! toute la nature autour de toi respire !
Oiseaux, tendres oiseaux, vous chantez, vous aimez ;
Et je vois ses appas languir inanimés,
La mort les tient sous son empire.

 


Scène II


PROMETHEE, TITANS, ENCELADE, TYPHON, ETC


ENCELADE ET TYPHON

Enfant de la terre et des cieux,
Tes plaintes et tes cris on ému ce bocage.
Parle, quel est celui des dieux
Qui t'ose faire quelque outrage ?

PROMETHEE, en montrant Pandore
,

Jupiter est jaloux de mon divin ouvrage ;
Il craint que cet objet n'ait un jour des autels ;
Il ne peut sans courroux voir la terre embellie ;
Jupiter à Pandore a refusé la vie !
Il rend mes chagrins éternels.

TYPHON

Jupiter ? quoi ! c'est lui qui formerait nos âmes ?
L'usurpateur des cieux peut être notre appui ?
Non, je sens que la vie et ses divines flammes
Ne viennent point de lui.

ENCELADE, en montrant Typhon son frêre

Nous avons pour aïeux la Nuit et le Tartare.
Invoquons l'éternelle Nuit ;
Elle est avant le Jour qui luit.
Que l'Olympe cède au Ténare.

TYPHON

Que l'enfer, que mes dieux répandent parmi nous
Le germe éternel de la vie :
Que Jupiter frémisse d'envie,
Et qu'il soit vainement jaloux.

PROMETHEE ET LES DIEUX TITANS

Ecoutez-nous, dieux de la nuit profonde : 
De nos astres nouveaux contemplez la clarté ;
Accourez du centre du monde ;
Rendez féconde
La terre qui m'a porté ;
Animez la beauté ;
Que votre pouvoir seconde
Mon heureuse témérité !

PROMETHEE

Au séjour de la nuit vos voix ont éclaté ;
Le jour pâlit, la terre tremble ;
Le monde est ébranlé, l'Erèbe se rassemble.


Le théâtre change, et représente le chaos. Tous les dieux de l'enfer viennent sur la scène.


CHOEUR DES DIEUX INFERNAUX

Nous détestons
La lumière éternelle ;
Nous attendons
Dans nos gouffres profonds
La race faible et criminelle
Qui n'est pas née encore, et que nous haïssons.

NEMESIS
.

Les ondes du Léthé, les flammes du Tartare
Doivent tout ravager.
Parlez, qui voulez-vous plonger
Dans les profondeurs du Ténare ?

PROMETHEE
.

Je veux servir la terre, et non pas l'opprimer.
Hélas, à cet objet j'ai donné la naissance,
Et je demande en vain qu'il s'anime, qu'il pense.
Qu'il soit heureux, qu'il sache aimer.

LES TROIS PARQUES

Notre gloire est de détruire,
Notre pouvoir est de nuire :
Tel est l'arrêt du sort.
Le ciel donne la vie, et nous donnons la mort.

PROMETHEE
.

Fuyez donc à jamais ce beau jour qui m'éclaire :
Vous êtes malfaisants, vous n'êtes point mes dieux.
Fuyez destructeurs odieux
De tout le bien que je veux faire ;
Dieux des malheurs, dieu des forfaits,
Ennemis funèbres,
Replongez-vous dans les ténèbres ;
Ennemis funèbres,
Laissez le monde en paix.

NEMESIS
.

Tremble, tremble pour toi-même ;
Crains notre retour,
Crains Pandore et l'Amour.

Le moment suprême
Vole sur tes pas.
Nous allons déchaîner les démons des combats ;
Nous ouvrirons les portes du trépas.
Tremble, tremble pour toi-même.


Les dieux des enfers disparaissent. On revoit la campagne éclairée et riante. Les Nymphes des bois et des campagnes sont de chaque côté du théâtre.


PROMETHEE
.

Ah, trop cruels amis ! pourquoi déchaînez-vous,
Du fond de cette nuit obscure,
Dans ces champs fortunés, et sous un ciel si doux,
Ces ennemis de la nature ?
Que l'éternel chaos élève entre vous et nous
Une barrière impénétrable !
L'enfer implacable
Doit-il animer
Ce prodige aimable
Que j'ai su former ?
Un dieu favorable
Le doit enflammer.

ENCELADE

Puisque tu mets ainsi la grandeur de ton être
A verser des bienfaits sur ce nouveau séjour,
Tu méritais d'en être seul maître.
Monte au ciel, dont tu tiens le jour ;
Va ravir la céleste flamme :
Ose former une âme,
Et soit créateur à ton tour.

PROMETHEE
.

L'Amour est dans les cieux ; c'est là qu'il faut me rendre :
L'Amour y règne sur les dieux.
Je lancerai ses traits, j'allumerai ses feux :
C'est le dieu de mon coeur, et j'en dois tout attendre.
Je vole à son trône éternel :
Sur les ailes des vents l'Amour m'enlève au ciel.

Il s'envole


CHOEUR DES NYMPHES
.

Volez, fendez les airs, et pénétrez l'enceinte
Des palais éternels ;
Ramenez les plaisirs du séjour de la craintes ;
En répandant des biens méritez des autels.




PROMETHEE, PANDORE, NYMPHES, TITANS, CHOEUR, ETC

ACTE II

Le théâtre représente la même campagne. Pandore inanimée est sur une estrade. Un char brillant de lumière descend du ciel


 

UNE DRYADE.

Chantez, Nymphes des bois, chantez l'heureux retour
Du demi-dieu qui commande à la terre :
Il vous apporte un nouveau jour ;
Il revient dans ce doux séjour
Du séjour brillant du tonnerre :
Il revole en ces lieux sur le char de l'Amour.

CHOEUR DES NYMPHES.

Quelle douce aurore
Se lève sur nous !
Terre, jeune encore,
Embellissez-vous.
Brillantes fleurs, qui parez nos campagnes :
Sommet des superbes montagnes,
Qui divisez les airs, et qui portez les cieux ;
O nature naissante,
Devenez plus charmante,
Plus digne de ses yeux !

PROMETHEE, descendant du char, le flambeau à la main.

Je le ravis aux dieux, je l'apporte à la terre,
Ce feu sacré du tendre Amour,
Plus puissant mille fois que celui du tonnerre,
Et que les feux du dieu du jour.

LE CHOEUR DES NYMPHES.

Filles du ciel, âme du monde,
Passez dans tous les coeurs :

L'air, la terre et l'onde
Attendent vos faveurs.

PROMETHEE, approchant de l'estrade où est Pandore.

Que ce feu précieux, l'astre de la nature,
Que cette flamme pure
Te mette au nombre des vivants.
Terre, soit attentive à ces heureux instants :
Lève-toi, cher objet, c'est l'Amour qui l'ordonne ;
A sa voix, obéis toujours :
Lève-toi, l'Amour te donne
La vie, un coeur, et de beaux jours.

Pandore se lève sur son estrade et marche sur la scène


CHOEUR.

Ciel ! ô Ciel ! elle respire !
Dieu d'amour, quel est ton empire[1] !

PANDORE.

Où suis-je ? et qu'est-ce que je voi ?
Je n'ai jamais été ; quel pouvoir m'a fait naître ?
J'ai passé du néant à l'être.
Quels objets ravissants semblent nés avec moi !

On entend une symphonie


Ces sons harmonieux enchantent mes oreilles ;
Mes yeux sont éblouis de l'amas des merveilles
Que l'auteur de mes jours prodigue sur mes pas.
Ah ! d'où vient qu'il ne paraît pas ?
De moment en moment je pense et je m'éclaire.
Terre qui me portez, vous n'êtes point ma mère ;
Un dieu sans doute est mon auteur :
Je le sens, il me parle, il respire en mon coeur.

Elle s'assied au bord d'une fontaine

Ciel ! est-ce moi que j'envisage ?
Le cristal de cette onde est le miroir des cieux ;
La nature s'y peint ; plus j'y vois mon image,
Plus je dois rendre grâce aux dieux.

NYMPHES et TITANS.

Pandore, fille de l'Amour,
Charmes naissants, beauté nouvelle,
Inspirez à jamais, sentez à votre tour
Cette flamme immortelle
Dont vous tenez le jour.

On danse


PANDORE, apercevant Prométhée au milieu des Nymphes

Quel objet attire mes yeux !
De tout ce que je vois en ces aimables lieux,
C'est vous, c'est vous, sans doute, à qui je dois la vie.
Du feu de vos regards, mon âme est remplie !
Vous semblez encore m'animer.

PROMETHEE

Vos beaux yeux ont su m'enflammer
Lorsqu'ils ne s'ouvraient pas encore :
Vous ne pouviez répondre, et j'osais vous aimer.
Vous parlez, et je vous adore.

PANDORE

Vous m'aimez ! cher auteur de mes jours commencés,
Vous m'aimez ! et je vous dois l'être!
La terre m'enchantait ; et vous l'embellissez!
Mon coeur vole vers vous, il se rend à son maître ;
Et je ne puis connaître
Si ma bouche en dit trop, ou n'en dit pas assez[2]

PROMETHEE

Vous n'en sauriez trop dire, et la simple nature
Parle sans feinte et sans détour.
Que toujours la race future
Prononce ainsi le nom d'Amour !


Ensemble

Charmant Amour, éternelle puissance,
Premier dieu de mon coeur,

Amour, ton empire commence :
C'est l'empire du bonheur.

PROMETHEE

Ciel ! quelle épaisse nuit, quels éclat du tonnerre,
Détruisent les premiers instants
Des innocents plaisirs que possédait la terre !
Quelle horreur a troublé mes sens !

Ensemble


La terre frémit et le ciel gronde ;
Des éclairs menaçants
Ont percé la voûte profonde
De ces astres naissants.
Quel pouvoir ébranle le monde
Jusqu'en ses fondements ?

On voit descendre un char sur lequel sont Mercure, la Discorde, Némésis, etc.


MERCURE

Un héros téméraire a pris le feu céleste :
Pour expier ce vol audacieux,
Montez Pandore, au sein des dieux.

PROMETHEE

Tyrans cruels !

PANDORE

Ordre funeste !
Larmes que j'ignorais, vous coulez de mes yeux.

MERCURE

Obéissez, montez aux cieux.

PANDORE

Ah ! j'étais dans le ciel en voyant ce que j'aime.

PROMETHEE

Cruels ! ayez pitié de ma douleur extrême.

PANDORE ET PROMETHEE

Barbares, arrêtez.

MERCURE

Venez, montez aux cieux, partez :
Jupiter commande ;
Il faut qu'on se rende
A ses volontés.
Venez, montez aux cieux, partez.
Vents, obéissez-nous, et déployez vos ailes ;
Vents, conduisez Pandore au voûtes éternelles.

Le char disparaît

PROMETHEE

On l'enlève : tyrans jaloux,
Dieux, vous m'arrachez mon partage ;
Il était plus divin que vous :
Vous étiez malheureux, vous étiez en courroux
Du bonheur qui fut mon ouvrage ;
Je ne devais qu'à moi ce bonheur précieux.
J'ai fait plus que Jupiter même,
Je me suis fait aimer. J'animais ces beaux yeux ;
Ils m'ont dit en s'ouvrant : Vous m'aimez, je vous aime.
Elle vivait par moi, je vivais dans son coeur,
Dieux jaloux, respectez nos chaînes.
O Jupiter ! ô fureurs inhumaines !
Eternel persécuteur.
De l'infortune créateur[3]
Tu sentiras toutes mes peines.
Je braverai ton pouvoir :
Ta foudre épouvantable
Sera moins redoutable
Que mon amour au désespoir.

ACTE III


JUPITER, MERCURE

 Le théâtre représente le palais de Jupiter, brillant d'or et de lumière

JUPITER.

J'ai vu cet objet sur la terre animé ;
Je l'ai vu, j'ai senti des transports qui m'étonnent :
Le ciel est dans ses yeux[4], les grâces qui l'environnent ;
Je sens que l'amour l'a formé.

MERCURE.

Vous régnez, vous plairez, vous la rendrez sensible.
Vous allez éblouir ses yeux à peine ouverts.

JUPITER.

Non, je ne fus jamais que puissant et terrible :
Je commande à l'Olympe, à la terre, aux enfers ;
Les coeurs sont à l'Amour. Ah ! que le sort m'outrage !
Quand il donna les cieux, quand il donna les mers,
Quand il divisa l'univers,
L'Amour eut le plus beau partage.

MERCURE.

Que craignez-vous ? Pandore à peine a vu le jour,
Et d'elle-même encore à peine a connaissance :
Aurait-elle senti l'amour
Dès le moment de sa naissance ?

JUPITER.

L'Amour instruit trop aisément.
Que ne peut point Pandore ? elle est femme, elle est belle.
La voilà : jouissons de son étonnement.
Retirons-nous pour un moment
Sous les arcs lumineux de la voûte éternelle.
Cieux, enchantez ses yeux, et parlez à son coeur ;

Vous déploierez en vain ma gloire et ma splendeur :
Vous n'avez rien de si beau qu'elle.

Il se retire


PANDORE.

A peine j'ai goûté l'aurore de la vie ;
Mes yeux s'ouvraient au jour, mon coeur à mon amant ;
Je n'ai respiré qu'un moment.
Douce félicité, pourquoi m'es-tu ravie ?
On m'avait fait craindre la mort ;
Je l'ai connue, hélas ! cette mort menaçante :
N'est-ce pas mourir, quand le sort
Nous ravit ce qui nous enchante ?
Dieux, rendez-moi la terre et mon obscurité,
Ce bocage où j'ai vu l'amant qui m'a fait naître :
Il m'avait deux fois donné l'être :
Je respirais, j'aimais : quelle félicité !
A peine j'ai goûté l'aurore de la vie, etc.


Tous les dieux avec tous leurs attributs entrent sur la scène


CHOEUR DES DIEUX.

Que les astres se réjouissent !
Que tous les dieux applaudissent
Au dieu de l'univers !
Devant lui les soleils pâlissent.

NEPTUNE.

Que le sein des mers,

PLUTON.

Le fond des enfers,

CHOEUR DES DIEUX.

Les mondes divers,
Retentissent
D'éternels concerts.
Que les astres, etc.

PANDORE.

Que tout ce que j'entends conspire à m'effrayer !
Je crains, je hais, je fuis cette grandeur suprême.
Qu'il est dur d'entendre louer
Un autre dieu que ce que j'aime !

LES TROIX GRACES.

Filles du charmant Amour,
Régnez dans son empire ;
La terre vous désire,
Le ciel est votre cour.

PANDORE.

Mes yeux sont offensés du jour qui m'environne :
Rien ne me plait, et tout m'étonne.
Mes déserts avaient plus d'appas.
Disparaissez, ô splendeur infinie !
Mon amant ne vous voit pas.

On entend une symphonie

Cessez, inutile harmonie !
Il ne vous entend pas.

Le choeur recommence. Jupiter sort d'un nuage


JUPITER.

Nouveau charme de la nature,
Digne d'être éternel,
Vous tenez de la terre un corps faible et mortel,
Et vous devez cette âme inaltérable et pure
Au feu sacré du ciel.
C'est pour les dieux que vous venez de naître ;
Commencez à jouir de la divinité :
Goûtez auprès de votre maître
L'heureuse immortalité.

PANDORE.

Le néant d'où je sors à peine
Est cent fois préférable à ce présent cruel :
Votre immortalité, sans l'objet qui m'enchaîne,
N'est rien qu'un supplice immortel.

JUPITER.

Quoi ! méconnaissez-vous le maître du tonnerre ?
Dans les palais des dieux regrettez-vous la terre ?

PANDORE.

La terre est mon vrai séjour ;
C'est là que j'ai senti l'amour.

JUPITER.

Non, vous n'en connaissez qu'une image infidèle,
Dans un mode indigne de lui.
Que l'amour tout entier, que sa flamme éternelle,
Dont vous sentiez une étincelle,
De tous ses traits de feu nous embrasse aujourd'hui.

PANDORE.

Je les ai tous sentis, du moins j'ose le croire ;
Ils ont égalé mes tourments.
Ah ! vous avez pour vous la grandeur et la gloire ;
Laissez les plaisirs aux amants.

Vous êtes dieu, l'encens doit vous suffire ;
Vous êtes dieu, comblez mes voeux.
Consolez tout ce qui respire ;
Un dieu doit faire des heureux.

JUPITER.

Je veux vous rendre heureuse, et par vous je veux l'être.
Plaisirs qui suivez vos maîtres,
Ministres plus puissants que tous les autres dieux,
Déployez vos attraits, enchantez ses beaux yeux :
Plaisirs, vous triomphez dès qu'on peut vous connaître.

Les Plaisirs dansent autour de Pandore, en chantant ce qui suit.


CHOEUR.

Aimez, aimez, et régnez avec nous ;
Le dieu des dieu est seul digne de vous[5].

UNE VOIX.

Sur la terre on poursuit avec peine
Des plaisirs l'ombre légère et vaine ;
Elle échappe et le dégoût la suit.
Si Zéphire un moment plait à Flore,
Il flétrit les fleurs qu'il fait éclore ;
Un seul jour les forme et les détruit.

CHOEUR.

Aimez, aimez, et régnez avec nous ;
Le dieu des dieux est seul digne de vous.

UNE VOIX.

Les fleurs immortelles
Ne sont qu'en nos champs.
L'Amour et le Temps
Ici n'ont point d'ailes.

CHOEUR.

Aimez, aimez, et régnez avec nous ;
Le dieu des dieux est seul digne de vous.


PANDORE.

Oui, j'aime, oui, doux plaisirs, vous redoublez ma flamme ;
Mais vous redoublez ma douleur.
Dieux charmants, si c'est vous qui faites le bonheur,
Allez au maître de mon âme.

JUPITER.

Ciel ! ô ciel ! quoi ! mes soins ont ce succès fatal ?
Quoi ! j'attendris son âme, et c'est pour mon rival !

MERCURE., arrivant sur la scène.

Jupiter, arme-toi du foudre ;
Prends tes feux, va réduire en poudre
Tes ennemis audacieux.
Prométhée est armé ; les Titans furieux
Menacent les voûtes des cieux ;
Ils entassent des monts la masse épouvantable :
Déjà leur foule impitoyable
Approche de ces lieux.

JUPITER.

Je les punirai tous... Seul, je suffis contre eux.

PANDORE.

Quoi ! vous le puniriez, vous qui causez sa peine ?
Vous n'êtes qu'un tyran jaloux et tout-puissant.
Aimez-moi d'un amour encore plus violent,
Je vous punirai par ma haine.

JUPITER.

Marchons, et que la foudre éclate devant moi.

PANDORE.

Cruel ! ayez pitié de mon mortel effroi :
Jugez de mon amour, puisque je vous implore.

JUPITER, à Mercure.

Prends soin de conduire Pandore.
Dieux, que mon coeur est désolé !
J'éprouve les horreurs qui menacent le monde.
L'univers reposait dans une paix profonde[6] ;
Une beauté paraît, l'univers est troublé.

Il sort


PANDORE.

O jour de ma naissance ! ô charmes trop funestes !
Désirs naissants, que vous étiez trompeurs !

Quoi ! la beauté, l'amour, et les faveurs célestes,
Tous les biens ont fait mes malheurs !
Amour, qui m'a fait naître, apaise tant d'alarmes :
N'es-tu pas souverain des dieux ?
Viens sécher mes larmes,
Enchaîne et désarmes
La terre et les cieux.

ACTE IV



PROMETHEE, TITANS

(Le théâtre représente les Titans armés, et des montagnes dans le fond ; plusieurs géants sont sur les montagnes, et entassent des rochers


ENCELADE.

Oui, nos frères et nous, et toute la nature, Ont senti ta cruelle injure. La terrible vengeance est déjà dans nos mains[7] : Vois-tu ces monts pendant en précipices ? Vois-tu ces rochers entassés ? Ils seront bientôt renversés Sur les barbares dieux qui nous ont offensés. Nous punirons les injustices De nos tyrans jaloux, par nos mains terrassés.

PROMETHEE

Terre, contre le ciel apprends à te défendre.
Trompettes et tambours, organes de combats,
Pour la première fois vos sons se font entendre ;
Eclatez, guidez nos pas.

on sort au son des trompettes


Le ciel sera le prix de votre heureux courage.
Amis, je ne prétends que Pandore et sa foi.
Laissez-moi ce juste partage ;
Marchez, Titans, et suivez-moi.

CHOEUR DE TITANS

Courons aux armes
Contre ces dieux cruels ;

Répandons les alarmes
Dans les coeurs immortels.
Courons aux armes
Contre ces dieux cruels.

PROMETHEE
.

Le tonnerre en éclats répond à nos trompettes.

Un char, qui porte les dieux, descend sur les montagnes, au bruit du tonnerre. Pandore est près de Jupiter. Prométhée continue


Jupiter quitte ses retraites ;
La foudre a donné le signal :
Commençons ce combat fatal.


Les géants montent


CHOEUR DES NYMPHES, qui bordent le théâtre

Tambours, trompettes, et tonnerre,
Dieux et Titans, que faites-vous ?
Vous confondez par vos terribles coups,
Les enfers, le ciel et la terre.


Bruit du tonnerre et des trompettes


LES TITANS.

Cédez, tyrans de l'univers ;
Soyez punis de vos fureurs cruelles :
Tombez, tyrans.

LES DIEUX.

Mourez, rebelles.

LES TITANS.

Tombez, descendez dans nos fers.

LES DIEUX.

Précipitez-vous aux enfers.

PANDORE.

Terre, ciel, ô douleur profonde !
Dieux, Titans, calmez mon effroi.
J'ai causé les malheurs du monde :
Terre, ciel, tout périt pour moi.

LES TITANS.

Lançons nos traits.

LES DIEUX.

Frappez, tonnerre.

LES TITANS.

Renversons les dieux.

LES DIEUX

Détruisons la terre.

Ensemble

Tombez, descendez dans nos fers ;
Précipitez-vous aux enfers.


Il se fait un grand silence ; un nuage brillant descend ; le Destin paraît au milieu des nuages.


LE DESTIN[8].

Arrêtez ; le Destin, qui vous commande à tous,
Veut suspendre vos coups.


Il se fait un grand silence


PROMETHEE

Etre inaltérable,
Souverain des temps,
Dicte à nos tyrans
Ton ordre irrévocable.

CHOEUR.

O destin, parle, explique-toi :
Les dieux fléchiront sous ta loi.

LE DESTIN.

au milieu des dieux, qui se rassemblent autour de lui.

Cessez, cessez, guerre funeste ;
Ce jour forme un autre univers.
Souverains du séjour céleste,
Rendez Pandore à ses déserts.
Dieux, comblez cet objet de tous vos dons divers.
Titans, qui jusqu'au ciel avez porté la guerre,
Malheureux, soyez terrassés ;
A jamais gémissez
Sous ces monts renversés,
Qui vont retomber sur la terre.


Les rochers se détachent et retombent. Le char des dieux descend sur la terre. On remet Pandore à Prométhée.


JUPITER.

O Destin ! le maître des dieux
Est l'esclave de ta puissance.
Eh bien ! sois obéi ; mais que ce jour commence
Le divorce éternel de la terre et des cieux.
Némésis, sort des sombres lieux.


Némésis sort du fond du théâtre, et Jupiter continue

Séduis le coeur,trompe les yeux
De la beauté qui m'offense.
Pandore, connais ma vengeance
Jusque dans mes dons précieux.
Que cet instant commence
Le divorce éternel de la terre et des cieux.

ACTE V


PROMETHEE, PANDORE

Le théâtre représente un bocage, à travers lequel on voit les débris des rochers


PANDORE, tenant la boite

Eh quoi ! vous me quittez, cher amant que j'adore ?
Etes-vous soumis ou vainqueur ?

PROMETHEE

La victoire est à moi, si vous m'aimez encore.
L'Amour et le destin parlent en ma faveur.

PANDORE.

Eh quoi ! vous me quittez, cher amant que j'adore ?

PROMETHEE

Les Titans sont tombés ; plaignez leur sort affreux.
Je dois soulager leur chaîne.
Apprenons à la race humaine
A secourir les malheureux.

PANDORE.

Demeurez un moment. Voyez votre victoire.
Ouvrons ce don charmant du souverain des dieux :
Ouvrons.

PROMETHEE

Que faites-vous ? hélas, daignez me croire.
Je crains tout d'un rival ; et ces soins curieux
Sont des pièges nouveaux que vous tendent les dieux.

PANDORE.

Quoi ! vous pensez...?

PROMETHEE

Songez à ma prière,

Songez à l'intérêt de la nature entière,
Et du moins, attendez mon retour en ces lieux.

PANDORE.

Eh bien ! vous le voulez ; il faut vous satisfaire.
Je soumets ma raison ; je ne veux que vous plaire.
Je jure, je promets à mes tendres amours
De vous croire toujours.

PROMETHEE

Vous me le promettez ?

PANDORE.

J'en jure par vous-même.
On obéit dès que l'on aime.

PROMETHEE

C'en est assez, je pars, et je suis rassuré.
Nymphes des bois, redoublez votre zèle ;
Chantez cet univers détruit et réparé.
Que tout s'embellisse à son gré,
Puisque tout est formé pour elle.


Il sort.


UNE NYMPHE

Voici le siècle d'or, voici le temps de plaire. 
Doux loisir, ciel pur, heureux jours,
Tendres amours,
La nature est votre mère.
Comme elle, durez toujours.

UNE AUTRE NYMPHE

La discorde, la triste guerre,
Ne viendront plus nous affliger :
Le bonheur est né sur la terre.
Le malheur était étranger.
Les fleurs commencent à paraître ;
Quelle main pourrait les flétrir ?
Les plaisirs s'empressent de naître ;
Quels tyrans les feraient périr ?

LE CHOEUR, répète.

Voici le siècle d'or, etc.

UNE NYMPHE

Vous voyez l'éloquent Mercure ;
Il est avec Pandore, il confirme en ces lieux,
De la part du maître des dieux,

La paix de la nature.


Les Nymphes se retirent ; Pandore s'avance avec Némésis, qui paraît sous la figure de Mercure.


NEMESIS.

Je vous l'ai déjà dit, Prométhée est jaloux ;
Il abuse de sa puissance.

PANDORE.

Il est l'auteur de ma naissance,
Mon roi, mon amant, mon époux.

NEMESIS.

Il porte à trop d'excès les droits qu'il a sur vous.
Devrait-il jamais vous défendre
De voir ce don charmant que vous tenez des dieux ?

PANDORE.

Il craint tout ; son amour est tendre,
Et j'aime à complaire à ses voeux.

NEMESIS.

Il en exige trop, adorable Pandore ;
Il n'a point fait pour vous ce que vous méritez.
Il put en vous formant vous donner des beautés
Dont vous manquez peut-être encore.

PANDORE.

Il m'a fait un coeur tendre, il me charme, il m'adore ;
Pouvait-il mieux m'embellir ?

NEMESIS.

Vos charmes périront.

PANDORE.

Vous me faites frémir !

NEMESIS.

Cette boite mystérieuse
Immortalise la beauté :
Vous serez, ne ouvrant ce trésor enchanté,
Toujours belle, toujours heureuse' ;
Vous régnerez sur votre époux ;
Il sera soumis et facile.
Craignez un tyran jaloux ;
Formez un sujet docile.

PANDORE.

Non, il est mon amant, il doit l'être à jamais.
Il est mon roi, mon dieu, pourvu qu'il soit fidèle.
C'est pour l'aimer toujours qu'il faut être immortelle ;
C'est pour le mieux charmer que je veux plus d'attraits.


NEMESIS.

Ah ! c'est trop vous défendre[9] ;
Je sers vos tendres amours ;
Je ne veux que vous apprendre
A plaire, à brûler toujours.

PANDORE.

Mais, n'abusez-vous point de ma faible innocence ?
Auriez-vous tant de cruauté ?

NEMESIS.

Ah ! qui pourrait tromper une jeune beauté ?
Tout prendrait votre défense.

PANDORE.

Hélas, je mourrais de douleur,
Si je méritais sa colère,
Si je pouvais déplaire
Au maître de mon coeur.

NEMESIS.

Au nom de la nature entière,
Au nom de votre époux, rendez-vous à ma voix[10].

PANDORE.
.

Ce nom l'emporte, et je vous crois ;
Ouvrons.


Elle ouvre la boite ; la nuit se répand sur le théâtre, et l'on entend un bruit souterrain.


Quelle vapeur épaisse, épouvantable.

M'a dérobé le jour et trouble tous mes sens ?
Dieu trompeur, ministre implacable !
Ah ! quels maux affreux je ressens !
Je me vois punie et coupable.

NEMESIS.

Fuyons de la terre et des airs.
Jupiter est vengé, rentrons dans les enfers.


Némésis s'abîme ; Pandore est évanouie sur un lit de gazon


PROMETHEE, arrive au fond du théâtre.

Ô surprise ! Ô douleur profonde !
Fatale absence ! horribles changements !
Quels astres malfaisants
Ont flétri la face du monde ?
Je en vois point Pandore ; elle ne répond pas
Aux accents de ma voix plaintive.
Pandore ! mais, hélas ! de l'infernale rive
Les monstres déchaînés volent dans ces climats.

LES FURIES ET LES DEMONS, accourant sur le théâtre

Les temps sont remplis :
Voici notre empire ;
Tout ce qui respire
Nous sera soumis.
La triste froidure
Glace la nature
Dans les flancs du Nord.
La Crainte tremblante,
L'Injure arrogante,
Le sombre Remord,
La Guerre sanglante,
Arbitre du sort,
Toutes les furies
Vont avec transport
Dans ces lieux impies
Apporter la mort.

PROMETHEE

Quoi ! la mort en ces lieux s'est donc fait un passage !
Quoi ! la terre a donc perd son éternel printemps,
Et ces malheureux habitants
Sont tombés en partage
A la fureur des dieux, de l'enfer, et du temps !
Ces nymphes de leurs pleurs arrosent ce rivage.
Pandore ! cher objet, ma vie et mon image,

Chef-d'oeuvre de mes mains, idole de mon coeur,
Répondez à ma douleur.
Je la vois, de ses sens elle a perdu l'usage.

PANDORE.

Ah ! je suis indigne de vous ;
J'ai perdu l'univers, j'ai trahi mon époux.
Punissez-moi : nos maux sont mon ouvrage.
Frappez.

PROMETHEE
.

Moi, la punir !

PANDORE.

Frappez, arrachez-moi
Cette vie odieuse
Que vous rendiez heureuse,
Ce jour que je vous doi.

CHOEUR DES NYMPHES

Tendre époux, essuyez ses larmes ;
Faites grâce à tant de beauté :
L'excès de sa fragilité
Ne saurait égaler ses charmes.

PROMETHEE

Quoi ! malgré ma prière, et malgré vos serments,
Vous avez donc ouvert cette boite odieuse ?

PANDORE.

Un dieu cruel, par ses enchantements,
A séduit ma raison faible et trop curieuse.
O fatale crédulité !
Tous les maux sont sortis de ce don détesté,
Tous les maux sont venus de la triste Pandore.

L'AMOUR, descendant du ciel
,

Tous les biens sont à vous, l'Amour vous reste encore.


(Le décor change, et représente le palais de l'Amour.


L'AMOUR, continue.

Je combattrai pour vous le Destin rigoureux.
Aux humains j'ai donné l'être ;
Ils ne seront point malheureux
Quand il n'auront que moi pour maître.

PANDORE.

Consolateur charmant, dieu digne de mes voeux,
Vous qui vivez dans moi, vous, l'âme de mon âme,
Punissez Jupiter en redoublant la flamme
Dont vous nous embrasez tous deux.


PROMETHEE et PANDORE

Le ciel en vain sur nous rassemble
Les maux, la crainte, et l'horreur de mourir.
Nous souffrirons ensemble,
Et ce n'est point souffrir.

L'AMOUR.

Descendez, douce Espérance,
Venez, Désirs flatteurs ;
Habitez dans tous les coeurs,
Vous serez leur jouissance.
Fussiez-vous trompeurs,
C'est vous qu'on implore ;
Par vous on jouit,
Au moment qui passe et qui fuit,
Du moment qui n'est pas encore.

PANDORE.
.

Des destins la chaîne redoutable
Nous entraîne à d'éternels malheurs :
Mais l'Espoir, à jamais secourable,
De ses mains viendra sécher nos pleurs.
Dans nos maux il sera des délices ;
Nous aurons de charmantes erreurs ;
Nous serons au bord des précipices,
Mais l'Amour les couvrira de fleurs.

  1. Dans sa lettre à Chabanon, du 11 janvier 1768, Voltaire proposait, après ce vers, de mettre :

    PROMÉTHÉE.

    Je revole ans autels du jilus charmant des dieux.
    Son ouvrage m'étonne et sa beauté m'enflamme.
    Amour, descends tout entier dans son âme,
    Comme tu règnes dans ses yeux !



    Mais dans sa lettre au même, du 23 janvier, au lieu do ces quatre vers, il propose:

    Observons ses appas naissants,
    Sa surprise, son trouble, et son premier usage
    Des colestes présents
    Dont l'Amour a fait son partage. (B.)

  2. Ces deux couplets sont dans la manière de Quinault, et la scène entière rappelle la fameuse entrevue de l'Amour et de Psyché dans la Psyché de Corneille. (G. A.).
  3. Dans sa lettre à Chabanon, du 18 décembre 1707, Voltaire se plaint des imprimeurs, qui avaient mis :

    De l'infortuné créateur.

    La faute n'est pas dans l'édition de 1748 ; mais on la commit dans l'édition de 1752. (B.)
  4. Cet hémistiche est dans la Henriade, chant VII, vers 156. (B.)
  5. A ces vers le porte-manteau du roi Sireuil avait substitué :

    Les Grâces
    Sont sur vos traces;
    Régnez.
    Triomphez ;
    Un tendre amour
    Veut du retour.



    Le parterre pourrait, pour retour, écrit Voltaire, donner des sifflets. (G. A.)
  6. Racine à dit dans Almexandrez, acte II, scène II:

    L’Inde se reposait dans une paix profonde. (B.)
  7. Ce vers est sans rime dans toutes les éditions. (B.°
  8. « Je ne haïrais pas, écrit Voltaire à d'Argental, que le Destin lui-même parût au milieu du combat et réglât les deux partis. Il n'y aura pas grand mal quand Jupiter aura un eou tort; il est accoutumé, sur la scène de l'Opéra, à ne pas jouer le beau rôle; et, sur la scène de ce monde, quels reproches ne lui fait-on pas? Dans ce monde chacun l'accuse, et sur le théâtre il reçoit des soufflets. »
  9. Voltaire, mécontent de ce couplet, propose dans sa lettre à d'Argental, du 20 septembre 1769, de le remplacer par :

    NÉMÉSIS, sous la figure de Mercure

    Confiez-vous à moi, je viens pour vous apprendre
    Le grand secret d'aimer et de plaire toujours.

    PANDOHE.

    Ah! si je le croyais !

    NÉMÉSIS.

    C'est trop vous en défondre.
    J'éternise vos amours,
    Et vous craignez de m'entendre, etc.



    Mais Voltaire ne donne pas la fin du nouveau couplet, 11 y manque au moins un vers. (B.)

  10. « Vous ne goûtez pas la scène de la friponnerie de Mercure, écrit Voltaire à d'Argontal, mais Mercure fait là l'office du serpent qui persuada Eve. Si Eve eût mangé par pure gourmandise, cela eût été bien froid; mais le discours avec le serpent récbauffe l’histoire… Je sais fort bien que l'aventure de Pandore n'est pas à l'honneur des dieux ; je n'ai pas prétendu justifier leur providence... Au bout du compte, il faut bien que les dieux soient coupables du mal moral et du mal physique. »