Panthéon égyptien/18

La bibliothèque libre.
Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 39-40).

NÉITH CASTIGATRICE.

 
Planche 6 septies

L’image de la déesse que présente la planche 6 sexies, a été calquée sur le second cercueil d’une magnifique momie existant dans le Musée royal égyptien de Turin. Le naos qui renferme cette figure symbolique est entouré d’uræus dont le ventre est censé orné de plaques d’émaux bleus, rouges et verts, comme l’est réellement un très-bel uræus en bois doré et qui appartient au Musée Charles X au Louvre. La tête de lion et toutes les parties nues du corps de la déesse, sont de couleur verte. Dans l’une de ses mains est le signe de la vie divine, dans l’autre, le sceptre terminé par un calice de lotus uni à deux fleurs de lotus, emblèmes du monde matériel. La tête du crocodile symbole des eaux, est combinée avec la tête de lion qui caractérise spécialement cette grande divinité, en exprimant sa principale attribution, celle de gardienne vigilante.

Horapollon nous apprend, en effet, que, dans l’écriture symbolique des Égyptiens, la tête du lion (λέοντος κεφαλὴ) exprimait le vigilant (ἐγρηγορότα) et le gardien (φύλακα), et c’était pour cela, ajoute-t-il, qu’on plaçait des représentations du lion comme gardiens (ὡς φύλακας), aux portes des temples[1]. Ce texte important explique à la fois et les lions assis que l’on a trouvé placés devant le premier pylone du grand temple de Philæ[2], et les avenues ou rangées de statues de la déesse Léontocéphale érigées sur les dromos ou aux portes de divers temples de Thèbes[3]. Ainsi, la planche précédente (6 sexies) nous présenterait la grande divinité gardienne des eaux. Mais la tête du lion pouvait encore être prise sous d’autres acceptions dans l’écriture symbolique égyptienne ; cet animal, doué d’une force remarquable, inspire naturellement la crainte aux êtres vivants qui l’approchent, c’est pour cela que sa tête fut aussi l’emblême de la terreur et de tout ce qui est formidable, φοβερὸν[4] ; et cet emblême s’appliquait convenablement encore à la déesse léontocéphale, à laquelle on donnait pour principale fonction la garde et la conservation de la terre d’Égypte et des choses saintes qu’elle renfermait. Cet être mythique était censé éloigner, par la terreur, les profanes des lieux sacrés et leur infliger de justes châtiments. C’est sous une telle attribution que la déesse est représentée dans cette planche 6 septies ; sa tête de lion est ornée du disque et de l’uræus ; elle saisit de ses deux mains et foule en même temps aux pieds une énorme couleuvre, le grand serpent ennemi des dieux, et le symbole des méchants et des impies, nommé Ⲇⲡⲡ ou ⲇⲡⲫ (Apop ou Apoph) le géant, dans les textes hiéroglyphiques. L’inscription qui accompagne cette image de la déesse sur le magnifique torse Borgia, aujourd’hui au Musée Bourbon à Naples, ne laisse aucun doute sur les attributions redoutables de cette divinité ; elle signifie : la gardienne puissante, ⲃⲇⲁ ⲛ ⲣⲏ ⲧⲛⲑⲃ ⲛⲧⲟⲟⲙ ϩⲟⲛⲧ ⲛⲛⲑⲟⲩⲧⲑ ⲛⲓⲃⲓ ⲱϥⲑ (ⲛⲑ) ⲥⲱⲃⲑ, œil du Soleil, souveraine de la force, rectrice de tous les dieux chatiant les impurs.

Nous traduisons provisoirement par gardienne ou conservatrice, le nom hiéroglyphique de la déesse formé des trois premiers caractères de cette inscription, parce que l’espèce d’instrument qu’il a toujours pour initiale, est constamment placé dans les mains des divinités gardiennes et qu’il est aussi l’initiale d’un groupe qui, dans les textes hiéroglyphiques, exprime évidemment l’idée conserver ou garder ; nous soupçonnons, toutefois, que ce signe pris phonétiquement put représenter la consonne . Le nom de la déesse se lirait alors ⲕϩ ou ⲕϩⲧ en supposant que le final n’est point la marque de genre : dans le premier cas ce nom se rapporterait à la racine ⲕⲱϩ (kôh) zelus, æmulatio, ardor, iracundia, et dans le second cas, à la racine ⲕⲱϩⲧ (kôht) feu, Ignis, ce dernier nom conviendrait sous tous les rapports à la compagne chérie de l’Hephæstus ou Vulcain égyptien.

La déesse porte le titre de Dame de la région de Ratoui dans la légende d’une de ses statues du Musée royal[5] : les autres titres sont réunis sur la planche 6 quater, du no 2 au no 8 : on les a extraits de la quatrième partie du rituel funéraire qui se rapporte à Néith-Panthée, considérée dans ses diverses attributions. Cette grande divinité, dont la déesse léontocéphale n’est qu’une forme simple, y est successivement appelée Soleil femelle (no 2), rectrice des dieux (no 3), ptérophore (ou porte-ailes) (no 4), déesse rectrice de la région supérieure et de la région inférieure (no 5), tête de son père (no 6), divine mère de Paschakasé (l’un des noms mystiques de Phtha) (no 7), et royale épouse de Paléhaka (l’un des noms mystiques d’Ammon) (no 8).


Notes
  1. Horapollon, livre 1er , Hiéroglyphe 19.
  2. Description de l’Égypte, A., vol. I, pl. 9, nos 6 et 7.
  3. Voyez l’explication de notre planche 6 sexies.
  4. Horapollon, liv. 1er , Hiéroglyphe 20.
  5. Suprà, planche 6 quinquies, A, no 2.

——— Planche 6 septies ———