Panthéon égyptien/20

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 43-44).

SATÉ,

PRÉSIDANT À LA RÉGION INFÉRIEURE (LA JUNON ÉGYPTIENNE).
Planche 7 (A)

La divinité à laquelle nous donnons le nom de Saté, nom que les diverses attributions de la déesse confirment déjà, paraît avoir rempli une foule d’emplois dans l’organisation du monde mythique tel que les idées égyptiennes, exprimées sur les monuments, semblent nous le présenter. Fille du Soleil, le roi du monde physique, Saté paraît avoir été la protectrice des souverains de l’Égypte : la signification évidente d’une foule de bas-reliefs décorant les temples, les palais et les tombeaux, ne laisse aucun doute à cet égard. Il y a plus : Saté fut celle des divinités pour laquelle les pharaons de la dix-huitième dynastie montrèrent le plus de vénération, puisque son image même, devenue un caractère d’écriture figuratif-symbolique, entre dans l’expression de la plupart des prénoms ou noms mystiques des princes de cette antique famille dont le chef délivra sa patrie de la longue tyrannie des pasteurs : race illustre qui a produit les plus grands rois de l’Égypte, Mœris, vainqueur des étrangers et protecteur de la caste agricole ; Aménophis II, qui éleva des monuments de sa grandeur jusques au fond de la Haute-Nubie ; Ousiréi, qui orna la ville d’Ammon d’obélisques et d’immenses constructions ; enfin, Ramsès-Méiamoun, prince guerrier mais ami des arts, bisaïeul de Ramsès-Séthosis si connu des anciens sous le nom de Sesostris.

Sur les édifices de Thèbes, la plupart des légendes royales des princes de cette dynastie, sous laquelle l’Égypte atteignit à sa plus haute période de civilisation, de puissance et de gloire, sont placées sous la protection de Saté, ou environnées de ses emblèmes. Ainsi, dans les bas-reliefs peints de la catacombe royale découverte par Belzoni, les cartouches contenant le prénom et le nom du pharaon Ousirei, flanquent une belle image de la Junon égyptienne étendant ses ailes immenses, et accompagnée de l’inscription hiéroglyphique, Saté déesse vivante, fille du Soleil, dame du ciel et du monde, rectrice de la région inférieure, protectrice de son fils le seigneur du monde, le roi, etc., enfant du Soleil Phtah-men-Ousiréi[1]. La déesse couvre aussi de ses ailes la légende du même prince[2], recevant le titre de son fils chéri dans les inscriptions qui accompagnent ailleurs la déesse Saté, décorée elle-même des qualifications : vivante, stabilitrice, bienfaitrice de la région inférieure, et dominatrice, comme le Soleil, pour toujours[3]. Il s’agit de savoir ce qu’il faut entendre par cette région inférieure.

Horapollon affirme que la Junon égyptienne occupait l’hémisphère inférieur du ciel τὸ κάτω (τοῦ οὐρανοῦ) ἡμισφαίριον[4]. Mais le caractère qui, sur le bas-relief précité, exprime l’idée région inférieure, caractère identique, quoique d’une forme plus simple, avec celui qui occupe la partie inférieure de notre planche 7 (A), ne me paraît point désigner d’une manière spéciale l’hémisphère inférieur du ciel : j’ai acquis la certitude que c’est là le véritable signe symbolique de la partie inférieure de la Terre d’Égypte, la région que nous connaissons sous le nom de Basse-Égypte, et qui, dans les livres coptes, est appelée, tantôt Sampésèt-an-Kèmé, c’est-à-dire la partie inférieure de Kèmé, tantôt Tsahèt ou la partie septentrionale. J’ai été conduit à reconnaître la valeur de ce caractère, qui a passé des anaglyphes, ou bas-reliefs allégoriques, dans l’écriture hiéroglyphique, en analysant le texte en hiéroglyphes de l’inscription de Rosette, dans lequel les mots du grec τοῖς ἱερεῦσι τῶν κατὰ τὴν χώραν ἱερῶν πάντων[5], aux prêtres de tous les temples du pays, sont rendus par neuf caractères signifiant à la lettre, aux prêtres appartenant aux régions supérieures (les nomes de la Haute-Égypte) et aux régions inférieures (les nomes de la Basse-Égypte)[6]. Les régions inférieures se trouvent exprimées par le redoublement de ce bouquet de tiges plus ou moins nombreuses de lotus, mais dont deux, les deux extrêmes, sont constamment brisées.

Ainsi, la planche 7 (A) de notre panthéon, qui reproduit fidèlement la plus grande partie de l’un des bas-reliefs peints dont est décorée l’entrée du tombeau destiné à recevoir le corps du pharaon Méiamoun-Ramsès, dans la vallée de Biban-Elmolouk à Thèbes[7], nous offre la déesse Saté tenant le signe de la vie divine, étendant ses ailes comme pour protéger la légende du roi[8], et assise, à la manière égyptienne, sur le signe symbolique de la domination surmontant le symbole de la région inférieure : ce bas-relief, comme un très-grand nombre de ceux qui décorent les édifices de l’Égypte, est susceptible d’une véritable lecture, et il signifie Saté, déesse vivante, dame de la région inférieure.


Notes
  1. Voyages, Recherches et Découvertes de Belzoni en Égypte et en Nubie, atlas, pl. 3.
  2. Idem, même planche.
  3. Idem, planche 17.
  4. Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § II, page 22.
  5. Texte grec, ligne 36.
  6. Texte hiéroglyphique, ligne 5, à la fin.
  7. Ce bas-relief est gravé en entier dans la Description de l’Égypte, A., tome II.
  8. Supprimée dans notre planche.

——— Planche 7 (A) ———