Panthéon égyptien/31

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 65-66).

ΡΟΟΗ, ou ΡΙΙΟΗ,

LA LUNE, LE DIEU-LUNE.
Planche 14 (D)

Le nombre peu considérable d’images du Dieu-Lune, observées jusqu’ici sur les monuments d’ancien style égyptien, n’avait point encore permis de reconnaître les différents noms hiéroglyphiques de cette grande divinité. Celui qu’on a présenté dans les planches 14 (A) et 14 (B) est purement figuratif ; il offre la représentation d’une des principales phases de l’astre dont ce dieu réglait le cours et les mouvements. Ce nom répond, quant à sa nature graphique, au nom figuratif du Soleil donné sur la planche 24, no 4 ; mais il était indubitable que le nom d’une essence divine aussi généralement vénérée par les Égyptiens que le fut le dieu Pooh, devait se trouver sous plusieurs formes dans les textes hiéroglyphiques. On a déja pu voir, en effet, que les noms propres des grandes divinités sont exprimés, dans les légendes en écriture sacrée, par trois méthodes essentiellement distinctes : 1o figurativement[1] ; 2o symboliquement[2] ; 3o phonétiquement[3] ; et qu’il n’est point rare enfin de trouver, à côté de l’image d’un dieu, soit ses noms phonétique et figuratif réunis[4], soit même ces trois sortes de noms à la fois[5].

C’était seulement au milieu d’une collection de monuments comme celle de S. M. le roi de Sardaigne, véritable musée égyptien, objet d’un vif regret pour les lettres de France, que je pouvais espérer de recueillir les divers noms hiéroglyphiques du Dieu-Lune. J’ai en effet reconnu, dans cette admirable collection, plusieurs monuments qui se rapportent, sans aucun doute, au culte du dieu Pooh ; leur examen m’a conduit à recueillir deux nouveaux noms de cette divinité, en écriture sacrée.

La figure gravée sur notre planche 14 (D), a été calquée sur une stèle de ce musée ; ce petit monument, d’une conservation parfaite, est en pierre calcaire blanche d’un grain très-fin ; la sculpture, d’un très-bon travail, a été peinte, et les couleurs ont conservé toute leur vivacité. La hauteur de la stèle est partagée en deux compartiments : la division supérieure représente le dieu Pooh assis sur un trône richement décoré ; devant lui, est un autel chargé de pains arrondis, d’un vase contenant des mets consacrés, de diverses sortes de plantes, et d’un superbe bouquet de lotus lié avec des bandelettes de diverses couleurs.

Les insignes du dieu ne diffèrent point essentiellement de ceux qu’il porte déja sur notre planche 14 (A) ; la tunique seule est blanche sur le bas-relief de Turin ; le disque et le croissant sont aussi peints en jaune, et l’ornement qui retombe sur le devant du collier est d’une forme bien plus distincte. L’uræus, ou serpent, emblême de la puissance royale, est fixé au diadème qui ceint l’étroite coiffure du dieu, toujours de couleur noire.

Le nom du dieu reproduit sur notre planche est composé de quatre caractères, non compris le signe déterminatif d’espèce dieu, qui en indique la fin. Le premier est un disque entièrement noir sur la stèle, mais que j’ai retrouvé peint en jaune, ou bien strié, dans ce même nom divin inscrit soit sur des cercueils de momies, soit dans des manuscrits funéraires. D’autres circonstances, qu’il serait trop long de développer ici, me persuadent également que ce premier signe n’est qu’un caractère figuratif, une simple représentation du disque de la Lune que l’on peint en noir ou en jaune, et que l’on strie souvent encore, pour le distinguer du disque du Soleil, peint en rouge dans les inscriptions coloriées, ou figuré par un simple cercle dont l’intérieur est blanc, ou porte seulement un point noir à son centre dans les textes en hiéroglyphes linéaires.

Les trois derniers signes sont phonétiques, et répondent aux lettres coptes ⲛⲥⲟⲩ, de sorte que ce nom entier pouvait se prononcer Ooh-en-sou, ou Ioh-en-sou, suivant les dialectes ; il exprime bien certainement une phase particulière de la Lune, un des états du dieu ou de l’astre auquel il préside : si nous remarquons en effet que le second caractère est un signe de rapport répondant à la préposition de, il nous restera le mot ⲥⲟⲩ (sou) qui, dans tous les textes coptes, se place comme déterminatif devant les nombres exprimant le quantième des jours du mois. Ainsi ⲥⲟⲩ ⲃ ⲛⲁⲑⲱⲣ signifiait le second jour du mois d’Athôr ; et dans les différents dialectes de la langue égyptienne, les mots ⲥⲟⲩⲁ (soua), ⲥⲟⲩⲁⲓ (souai), et ⲥⲟⲩⲑⲑⲓ (souééi), exprimaient à la fois et le premier jour du mois, et la Néoménie ou Nouvelle Lune. Il est bien difficile de ne point reconnaître une étroite connexion entre la syllabe hiéroglyphique sou, qui termine le nom du Dieu-Lune, et le mot copte ⲥⲟⲩ appliqué aux subdivisions du mois, période calquée primordialement sur le cours de la Lune et ses diverses apparences.


Notes
  1. Voyez pl. 20 (A), no 1 et 2, etc.
  2. Id., pl. 20.
  3. Planches précédentes, passim.
  4. Voyez pl. 8, no 3 et 4.
  5. Pl. 24, no 1.

——— Planche 14 (D) ———