Panthéon égyptien/50

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 367-368).

TPÉ ou TIPHÉ.

(uranie, la déesse ciel.)
Planche 20

Presque tous les peuples anciens, frappés du magnifique spectacle que le ciel offrait à leurs regards, l’ont personnifié, et cette nouvelle divinité devint un des principaux objets de culte. Chez les Grecs, il fut, sous le nom d’Uranus, considéré comme mâle, et mis au nombre des plus anciens dieux ; c’est de lui que naquit Cronos, père de Zeus, roi des immortels, père des dieux et des hommes.

Le beau ciel de l’Égypte, presque constamment pur et sans nuages, fut aussi un objet de vénération pour les peuples qui habitèrent les rives du Nil ; mais il semble que leurs hommages s’adressaient moins au ciel physique qu’à l’essence génératrice femelle, qu’ils croyaient résider dans ces espaces éthérés où a été accomplie la génération du Soleil, de la Lune, et des autres astres[1] ; c’est pour cela que les Égyptiens trouvèrent convenable de donner au Ciel un nom du genre féminin, comme le dit formellement Horapollon[2] ; le mot qui désigne le Ciel, en langue égyptienne, est en effet du genre féminin ; c’est ΤΠΕ Tpé, en dialecte thébain, et ΤΘΕ Tphé, ou Tiphé en dialecte memphitique.

Le Ciel personnifié, la déesse Tpé, ou bien Uranie, Οὐρανία, comme l’appelle Horapollon[3], fut symboliquement représentée par un vautour, comme la plupart des grandes déesses, parce que cet oiseau était le type des êtres essentiellement féminins, et dont la maternité est le caractère spécial : toute génération venait du ciel, selon la doctrine égyptienne[4].

Notre planche 20, nous montre la déesse Tpé sous la figure d’une femme, sa coiffure est ceinte d’un diadême auquel est attaché l’uræus insigne du pouvoir souverain, et surmontée de feuilles de couleurs variées, que l’on pourrait prendre pour une fleur de lotus épanouie et engagée dans la coiffure, si, sur divers monuments, ces feuilles ou plumes n’étaient pas plus alongées, plus nombreuses[5] et n’affectaient la forme du beau chapiteau égyptien, composé de feuilles de palmier[6].

L’image de cette déesse n’est point rare sur les grands édifices de l’Égypte ; elle appartenait à la famille d’Ammon. Une des deux stèles trouvées à Thèbes, dans un tombeau, par le comte de Belmore, représente l’Uranie égyptienne, assise sur un trône avec les dieux Phtah, Chnouphis et la déesse Anouké ; dans la seconde, Tpé est à la suite des dieux Amon-Ra, Chnouphis et de la déesse Anouké. Dans le grand bas-relief du temple d’Ammon-Chnouphis, à Éléphantine, le roi Aménophis II offre à Tpé une riche corbeille, et plus loin, cette déesse, de concert avec le dieu Chnouphis, accueille le monarque et élève ses mains sur lui, en signe de protection[7].

À l’une des faces latérales du portique d’Esné, consacré aussi à Ammon, Tpé se montre encore à la suite du dieu éponyme du temple, assise sur un trône, et recevant les offrandes d’un souverain[8]. À Déboud, cette divinité tient dans ses mains le sceptre à fleur de lotus, et le signe de la vie divine, ou la croix ansée[9] ; dans un autre temple de la Nubie, un pharaon est assis entre Ammon et la déesse[10] ; enfin, un bas-relief de Dendéra, dessiné par M. le baron Denon qui, le premier, a fait connaître à l’Europe savante les merveilles de la Thébaïde, porte une autre image de Tpé, tenant encore le signe de la vie divine ou céleste[11].

Le nom de la déesse Tpé, dame du ciel, donné sur notre planche 20, est symbolique ; la planche 20 (A) présentera le nom figuratif.


Notes
  1. Horapollon, Hiérogl., liv. I, §. 11, pag. 22 et 24, édit. de Pauw.
  2. Idem, pag. 22.
  3. Idem, pag. 18.
  4. Idem, pag. 24.
  5. Voyez notre planche numérotée 20.
  6. Description de l’Égypte, Antiquités, vol. I, Esné et Edfou.
  7. Idem, pl. 37, no 1.
  8. Idem, pl. 74.
  9. Monuments de la Nubie, par M. Gau, pl. 6.
  10. Idem, pl. 13, no 1.
  11. Voyage dans la haute et la basse Égypte, pl. 126, no 1.

——— Planche 20 ———