Panthéon égyptien/55
SOVK.
Le dieu Sovk, qui, dans la planche 21, est totalement de forme humaine, se montre ici avec la tête de l’animal qui lui était spécialement consacré ; c’est celle d’un crocodile, amphibie redoutable, qui peuple le grand fleuve auquel l’Égypte doit sa prospérité, et presque son existence. Les médailles grecques de l’Égypte, prouvent, en effet, que le crocodile fut l’emblême du Cronos égyptien ; une médaille d’Antonin, frappée à Alexandrie, montre, à son revers, le dieu grec Cronos, la tête surmontée d’un disque, en sa qualité de planète, la harpè dans la main gauche, et un crocodile sur la main droite. C’est ainsi que sur les médailles grecques des nomes d’Apollonopolis, de Thèbes, de Tentyra, d’Hermopolis, de Mendès, etc., les dieux égyptiens répondant à Apollon, Zeus, Aphrodite, Hermès et Pan, se montrent au revers de ces médailles, costumes à la grecque, mais tenant aussi sur leurs mains un épervier mithré, un bélier, un épervier, un ibis et un bouc, animaux que les Égyptiens avaient consacrés à ces divinités, qui, presque toutes, en empruntent la tête sur les monuments du premier style.
Le crocodile fut choisi de préférence à tout autre animal, pour devenir le symbole de Sovk, le Cronos ou Saturne égyptien, le dieu du temps, parce que, selon la doctrine sacerdotale, cet amphibie est l’emblême du temps[1]. Dans le système hiéroglyphique, diverses parties isolées du crocodile, expriment, de plus, des phénomènes célestes, qui tous ont servi de base aux divisions du temps. Les deux yeux de cet animal signifient le lever du Soleil ou d’un astre (Ἀνατολὴ) ; le crocodile recourbé désignait le coucher (Δύσις), et sa queue, les ténèbres, l’obscurité de la nuit (Σκότος)[2]. Les écrivains grecs nous font connaître les villes de l’Égypte dans lesquelles le crocodile, ou plutôt le dieu dont cet animal fut l’emblême spécial, était principalement adoré ; ce furent surtout Ombos, Coptos, et Arsinoé qui, avant le règne des Lagides, portait parmi les Grecs le nom de Crocodilopolis.
Les bas-reliefs du grand temple d’Ombos offrent, en effet, l’image du dieu à tête de crocodile, accompagné de son nom hiéroglyphique Ⲥⲇⲕ ou Ⲥⲇϭ sovk, Sovg, reproduite un très-grand nombre de fois, et occupant le premier rang dans une moitié du temple qui a été construit par les Égyptiens, en l’honneur des dieux SOVK et Aroëris, sous le règne de Ptolémée Philométor et de Ptolémée Évergète II son frère, dont les légendes royales couvrent toutes les parties de ce superbe édifice. Les médailles du nome Ombite, portent à leur revers un crocodile ayant la queue recourbée, absolument semblable à celui qui, sur les bas-reliefs Égyptiens, termine le nom hiéroglyphique du dieu SOVK[3], ou qui seul tient la place de ce nom lui-même, comme caractère figuratif.
Les médailles de Crocodilopolis ou Arsinoé, portent à leur revers soit un crocodile semblable, soit, comme les médailles de Coptos, l’image même de Cronos. Dans les temps antiques, on nourrissait dans le lac voisin d’Arsinoé, un crocodile qui, à l’époque même de Strabon, vivait des offrandes, en vin et en mets de différente nature, apportées par les dévots, et que les prêtres mettaient dans la gueule de l’amphibie apprivoisé. Ce savant géographe nous apprend aussi que ce crocodile sacré s’appelait Σοῦχος (Souchos), ce qui est le nom même du dieu SOVK, dont il était l’emblême ; c’est ainsi que le bœuf sacré de Memphis et le bouc de Mendès, se nommaient Apis et Mendès, comme les dieux dont ils étaient les symboles ; c’est encore ainsi que sur les bas-reliefs Égyptiens, les images des animaux sacrés, le bélier, l’ibis, le schacal, le crocodile, etc., portent les noms hiéroglyphiques Amon, Thouth, Anébo et Sovk, qui sont ceux des dieux mêmes qu’ils représentent symboliquement.
- ↑ Clément d’Alexandrie, Stromat., liv. V, page 566.
- ↑ Horapollon, liv. I, hierogl. 68, 69 et 70.
- ↑ Voyez la planche au signe B.