Par nos champs et nos rives/09

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Imprimé au Devoir (p. 19-21).

LA FONTAINE


Il est au pays de chez nous,
Dans les herbages de la plaine,
Près du grand champ de trèfles roux,
Une vieille et belle fontaine.


Dans le calme délicieux
Des heures d’aurore elle chante,
Et, sous la lumière des cieux,
Entr’ouvre sa bouche riante.



Les couples que l’amour conduit
Dans le bois, à la nuit tombante,
Écoutent cet étrange bruit
Qu’elle fait, au bout de la sente…


Des minois d’enfants ingénus,
De garçonnets, de filles blondes,
Des bras mignons et des pieds nus
Comme elle en a vus, dans ses ondes !…

Et comme sa source, où vient choir
Toute la splendeur de l’aurore,
Est douce au laboureur, le soir,
Quand la fatigue le dévore !…





Mais n’allons pas, dans sa liqueur,
Chercher le remède à nos fièvres ;
Elle ne va pas jusqu’au cœur,
Elle n’apaise que les lèvres !…



Où donc l’as-tu mise, ô mon Dieu,
Où l’as-tu mise ta fontaine,
Ta fontaine sainte qui peut
Calmer la soif de l’âme humaine ?…


Ah ! ne nous laisse pas périr,
Montre-nous ta source adorable,
Pour rassasier les désirs
De nos pauvres cœurs misérables !…