Paris-Éros. Première série, Les maquerelles inédites/07

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(alias Auguste Dumont)
Le Courrier Littéraire de la Presse (p. 67-Ill.).
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VII


L’ambulance parisienne. — Au pays de Rabelais. — Théologie du curé de Turpenay. — M. Poireau, maire. — Défunt le vénérable Corniflard. — Le cavalier Poireau.


Paris se lie à la province par des rapports continus. On va, on vient ; un jour on est aux boulevards, le lendemain à Carpentras. Le soir, on assiste à une représentation de Faust à l’Opéra ou à une levée de jambes au Moulin-Rouge. Impossible de se déplacer sans se buter à un Parisien qu’on a rencontré la veille quelque part sur l’asphalte.

Le député Courteaud, de Valembrine, eut un jour besoin de l’apostille d’un ministre. Il se rend au cabinet du grand homme ; le ministre était à Marseille. Il prend le train et débarque à Marseille ; le ministre était à Paris. Il se présente derechef à son cabinet : le ministre était à Lorient. Il arrive à Lorient, le ministre était à Paris : il avait de nouveau manqué son homme d’une heure. Il repart pour Paris, le ministère était renversé et l’apostille de son ministre ne valait plus une guigne.

On reprochait autrefois, et avec raison, au Parisien d’être casanier, aujourd’hui il use de tous les modes de locomotion, dévore l’espace. On sonne à sa porte : Monsieur est sorti. C’est vrai, il est à Saïgon, en Éthiopie, à Tombouctou, à San-Francisco, à New-York, à Londres ou à Saint-Pétersbourg. Quelquefois, en cherchant bien, on le trouve quelque part à truquer ou à muser, au café ou arrêté devant une voiture qui vient d’écraser un cycliste.

Voir écraser un cycliste est devenu le sport de ceux qui n’en font pas.

Il n’est plus permis à un auteur de concentrer sur un seul point l’action d’un livre, d’un drame ou d’une comédie sans paraître invraisemblable. Si bourgeoise que soit son œuvre, on n’est pas dans le train, lorsqu’on fait converser journellement l’indigène de la rue Saint-Denis avec son voisin de la rue Saint-Martin, le curé de la Madeleine avec ses paroissiens.

L’action de la comtesse Julie et de sa cara mia, la Transtévérine, rayonnait encore à Turpenay. Elles n’y transportaient pas, il est vrai, leurs chabannais avec leurs accessoires, mais on y était en plein pays de Rabelais, en franc cocuage pantagruélique et tédradiques buveries.

En s’installant à Turpenay, les proxénètes maquerelles avaient fait deux découvertes qui avaient été pour elles une bonne aubaine : le curé Moncupette, le desservant de la commune, et M. Poireau, le maire sans pareil.

Sous des apparences grippeminaudes, le curé était un brave homme qui ne s’expliquait pas comment avec sa taille de cuirassier, sa carrure de meunier, ses biceps de lutteur, sa tête braguarde et sa virilité de centaure, on l’avait envoyé à Turpenay faire paître des ouailles. Missionnaire, passe encore, il aurait certainement civilisé des tribus de sauvages à la force du poignet.

Il est vrai qu’il passait pour le théologien le plus fort des temps modernes.

Autre particularité : il n’avait pas de servante. Quand l’aiguillon de la chair le tourmentait, il se passait une blouse, se coiffait d’un vieux chapeau mou, prenait cent sous dans le tiroir de son secrétaire et allait se rafraîchir au grand numéro de la sous-préfecture.

À la première visite que les deux dames des Charmettes lui firent au presbytère, la comtesse Julie l’avait consulté sur plusieurs cas de conscience, et particulièrement sur l’interprétation qu’on devait faire du neuvième commandement.

— Faire œuvre de la chair, c’est faire des enfants ; c’est clair comme la lune, avait-il répondu. On ne fait pas une œuvre en mandrinant un trou, en étamant une casserole, en chauffant un four ou en pétrinant : on bricole, voilà tout.

Cette dialectique serrée révélait l’homme. Dès ce jour, il fut celui de ses deux nouvelles paroissiennes.

Il définissait la luxure, la bourrique des riches, et la concupiscence, le chameau de l’humanité.

Il avait instruit ses paroissiens en conséquence. Cela n’empêchait pas un tas de farceuses de venir le tarabuster au confessionnal avec des calembredaines parabolantes.

— Mon père, j’ai sifflé.

— Il n’y a pas de mal à cela, ma fille ; on ne peut pas toujours travailler.

— Mais, c’est qu’il l’a mis où vous savez.

— Moi ! Je ne sais rien du tout.

— Mais si, vous savez, dans le trou.

— Je comprends, vous avez joui du sacrement avant la lettre.

— Sifflé seulement.

— C’est tout ?

— Oui, mon père.

— Allez en paix, ma fille ; l’air ne fait pas la chanson.

— Avec votre permission, je puis siffler ?

— Sibalatara es, sibalatara eris, sibalatara omnes mulieres sunt. Ne faites pas d’enfant avant l’heure, ma fille, c’est toute la grâce que je vous souhaite.

C’était, chaque samedi, des confessions de l’espèce.

— Ces garces me feront mourir sur la paille, se disait-il chaque fois en y allant de sa pièce de cent sous à la sous-préfecture.

Heureusement qu’il avait dans le maire, le gai Poireau, un ami de toute franchise. À eux deux ils incarnaient la bonne République : Égalité, liberté et fraternité. Turpenay, de rabelaisienne mémoire, était bien la commune affranchie. On y était plus qu’égaux, on s’y cocuait fraternellement. On y était libre et libertin. La fraternité y avait pris une extension des plus embrassantes. Pas de monsieur ni de madame, on y était Pierre, Jacques ou Jean, la Rosine, la Colette ou la Catherine. Le maire n’était que Poireau. Ses mastroquets seuls qu’il visitait régulièrement, l’appelaient : « le maère ».

Son bouchon favori était : Au Pendart, où la Catherine, gossine anacampsérote, aux seins pommés, asticotait vertement les mâles.

Le maire et le curé y allaient boire chaque matin leur pichet de vin blanc et l’après-dînée leur pichet de vin rouge.

Le maire avait une tenue déplorable ; il s’en fichait.

Un matin, il y parut en sans-culotte du côté de la brayette.

— Déjà au port d’armes, not’ maère ? lui dit la Catherine.

— À votre service, angelote, répondit Poireau en se rajustant.

— Merci, not’ maère, il y a mieux que ça sur not’ grenier dont je ne me sers plus.

Ce sont d’heureux caractères que les Turpenaisiens.

La liaison de Poireau avec le curé datait de loin.

Dans une partie, à la maison fermée de la sous-préfecture, où, depuis, le fameux théologien cataloguait ses arguments, le veinard Poireau avait attrapé un jeu avec quatorze, quinte et le point bon. Ignorant de sa chance, il l’avait repassé à sa servante, sans se douter que cela faisait deux gagnants. Celle-ci l’avait repassé au curé, alors le véritable Corniflard, le prédécesseur de Moncupette.

Le maire, pas fier du tout, n’avait osé confier son aventure à personne ; au médecin de la commune, qui était son beau-frère, moins qu’à tout autre.

Le vénérable Corniflard, lui, était un joueur sans vergogne. Ayant confessé la servante, il alla trouver le maire et lui dit :

— Sacré jeu, hein ! Poireau, que le piquet à deux.

— Avec qui avez-vous joué, curé ?

— Avec votre servante, la Colette.

— Alors, vous avez le point bon ?

— Comme vous dites. Nous sommes manche à manche : jouons la belle.

— J’entends, mais je ne comprends pas.

— Je ne sais pas ce que vaut votre quinte, ni combien marque votre point, mais le jeu que la Colette m’a f… est carabiné. Si nous ne veillons pas au grain, nous sommes capots tous les deux.

— Comment faire ?

— Un ami, le vicaire Moncupette, à qui j’ai confié mon cas, m’a envoyé cette fiole…

Et le vénérable Corniflard tira de la poche de sa soutane, un flacon bouché à l’émeri sur lequel l’envoyeur avait par prudence écrit le mot : poison.

— Il paraît que c’est une mixture dont on peut crever, mais dont on peut aussi guérir, avait-il ajouté.

— Comme toutes les drogues, pardieu ! répondit philosophiquement Poireau.

— Voici ce que je me suis dit. Si elle est bonne pour l’un, elle sera bonne pour l’autre. Si c’est le contraire, celui qui restera n’aura qu’à s’adresser ailleurs.

— Je ne comprends pas encore.

— Voici, nous allons jouer à pile ou face. Le gagnant boira la moitié de la mixture. Le perdant n’aura qu’à attendre son effet sur son partenaire et prendre une résolution pour ce qui restera dans le flacon.

Le curé ne disait pas qu’il avait été consulter Capusin, le berger du mont Saint-Michel, qui raboutait, conjurait le sort et connaissait beaucoup de choses. Celui-ci lui avait dit, après qu’il lui eut confié son projet :

— Si le maire gagne, brisez la fiole, ça ne vaut rien.

Poireau se fia à sa chance. Il tira une pièce de cent sous de son gousset et la jeta en l’air.

— Face ! dit le curé.

C’était pile. Le maire avait gagné.

Il but bravement la moitié du contenu du flacon.

Quinze jours après, il offrit un dîner au vénérable Corniflard pour lui apprendre qu’il était guéri.

Celui-ci pensa que le berger avait radoté. De retour au presbytère, il ingurgita le restant de la fiole.

Le lendemain matin, sa servante le trouva mort dans son lit, crispé, noirâtre.

Le vicaire qui l’avait guéri de tous les maux de la vie, hérita de sa cure.

Étonné du double effet de son remède, il le perfectionna et retapa la Colette.

Poireau lui jura une amitié éternelle.

Le curé Moncupette avait présenté son ami Poireau aux propriétaires des Charmettes ; celles-ci avaient retenu les deux inséparables à dîner.

Il y avait au salon une dame dont le maire fut ébloui. C’était la baronne de K…, en villégiature à Turpenay, dans une villa appartenant à une amie, alors à Trouville. Elle venait pour la deuxième fois aux Charmettes. Sa liaison avec les deux proxénètes n’en était encore qu’aux politesses.

Le maire, que son habit étouffait, demanda la permission de se mettre en manches de chemise.

Ces dames sourirent ; l’originalité de Poireau les égayait.

— Si cela ne gêne pas Madame la baronne, fit Mme Olympe en s’adressant à la visiteuse.

— Du tout, du tout, Monsieur le maire peut se mettre à l’aise.

— Mon pantalon me gêne bien un peu aussi, mais je crois que ce serait abuser de la permission, reprit Poireau, baguenaudant.

— D’autant plus que vous pourriez gagner froid, répliqua l’Italienne, enjouée.

— Froid, moi, Poireau ! On voit bien, Madame, que vous ne me connaissez que d’aujourd’hui. J’ai toujours chaud. Je suis un volcan : demandez plutôt à la Jeannette.

— Qui, la Jeannette ?

— Ma femme, parbleu !

— Vous êtes marié ?

— Oui, pour l’église et pour la loi. Pour les autres, on n’est pas de bois.

La comtesse Julie trouva que le maire était un homme selon son cœur. Avec le curé, cela faisait deux.

En attendant le dîner, on alla faire un tour de jardin.

En rentrant, Poireau dit à Moncupette en l’entraînant dans l’embrasure d’une fenêtre :

— Ce sont des chaudes garces. On ne doit pas s’embêter ici.

— Oui, mais nous ne sommes pas chez la Catherine, ne fais pas trop de bêtises.

— Laisse faire, curé. Toi, ne leur parle pas de ta cupiscence, c’est assommant.

— Concupiscence, Poireau.

— Pourquoi con ?

— L’esprit souffle où il veut ; tu es un grand théologien, toi aussi, Poireau. Quant au cupiscent, je n’ai jamais su, en montant en chaire, ce que j’en dirais.

— Alors ne dis rien ; je me charge du boniment.

— Quelques mots seulement sur la conjugalité.

— Toujours tes cochonneries. Non, il faut que ces dames soient contentes de nous. Je veux y revenir, j’ai mon idée.

— Je parie cent sous que ma théologie les amusera.

— Je parie dix francs que je ne te laisserai pas lâcher un mot de tout cela.

— Je marche, je suis sûr de te gagner.

— C’est ce que nous allons voir.

À table, le maire fut placé entre la baronne et la comtesse.

Les femmes se jetaient des coups d’œil furtifs en souriant. Elles s’attendaient à quelques nouvelles originalités de la part du magistrat municipal. Mais Poireau et Moncupette étaient à la boustifaille. On ne peut pas tout faire à la fois.

— Vous êtes tout plein pittoresque ainsi, Monsieur le maire, provoqua l’Italienne. Vous me rappelez Torcelli, le toréador à qui j’ai vu, à Séville, toutes les femmes jeter des fleurs.

— Dame ! je ferais peut-être bien ce que ce M. Torcelli faisait. Si le cœur vous en dit, jetez-moi aussi des fleurs, je ne les refuse pas.

— Tantôt, je vous donnerai mon bouquet.

— Si vous voulez bien accepter le mien de suite, je vous le présente.

— Le bouquet conjugal, se hasarda Moncupette.

— Ferme, curé, laisse-moi, j’ai mon bouquet tout prêt ; si je le rentre, il pourrait pleuvoir. C’est dans mon almanach.

— Voyons vos fleurs, Monsieur le maire, dit la comtesse.

— Voici. En 1867, j’étais cavalier de deuxième classe au 3e  hussards, en détachement à Montbéliard. Un jour, je reçois un bouquet anonyme qui fleurait comme une boutique de parfumerie. Je n’avais pas de vase, pas même de nuit : que faire de mon bouquet ? Le mettre dans ma poche, n’était guère pratique. À la fenêtre de la chambrée, on me l’aurait chipé. La planche à pain me tapa dans l’œil, j’y plaçai mon bouquet, puis je m’endormis.

— Ce jour était donc une nuit ? demanda Moncupette.

— Naturellement. Le jour suivant, nouveau bouquet. Les resuivants jusqu’au vingt-cinquième, chaque jour, un bouquet.

— Où les mettiez-vous ?

— Sur la planche à pain, curé, je te l’ai déjà dit.

— Elle devait être large, la planche à pain.

— Non, longue.

— Comment recevais-tu tes bouquets ?

— Par la poste.

Les dames s’esclaffèrent.

— Ne voyant plus rien venir, je fais un bouquet de mes vingt-cinq bouquets. J’avais mon idée.

— Ils devaient sentir bon.

— Ils embaumaient.

— Comment t’y étais-tu pris pour les conserver ?

— Je les avais mis dans un baquet de la salle de police.

— Tu viens de dire que c’était sur la planche à pain.

— Parfaitement ! Les fleurs dans le baquet et le baquet sur la planche à pain.

— Le brigadier d’escouade devait rire ?

— Il était mort quinze jours avant.

— Alors celui qui en faisait fonction ?

— C’était moi.

— Mais les sous-officiers ?

— Myopes, c’est d’ordonnance. Tous les sous-officiers portent lorgnon aux hussards.

— Ils avaient un nez, cependant.

— Nez d’écurie sent partout le foin. As-tu fini tes colles, curé ? Je continue… Mon bouquet de vingt-cinq bouquets fait, je m’astique et je sors de la caserne, mon bouquet sous le bras.

— Ça devait être d’un beau drôle.

— Dans les hussards, on est toujours digne. D’ailleurs, je cherchais ma belle.

— Quelle belle ?

— Mon envoyeuse de bouquets.

— Tu savais que c’était une femme ?

— Naturellement. A-t-on jamais vu un homme envoyer des fleurs à un cavalier de deuxième classe, curé ? Oui, c’était une femme, la plus belle, la plus délicieuse, la plus charmante, la plus spirituelle, la plus amoureuse des femmes, après ces dames.

Poireau inclina la tête et son regard alla de la baronne à la comtesse et à Mme Olympe.

Il continua :

— Je m’étais dit : Montbéliard n’est pas grand, il est impossible que je ne rencontre pas mon envoyeuse de bouquets. Elle verra que je porte ses fleurs sur mon cœur.

— Sous ton bras.

— Du côté du cœur.

— Tu as un cœur, Poireau ?

— Grand à y mettre toutes les femmes, avec leurs sourires et leurs baisers. C’est fini, hein, curé ; tu m’arrêtes à chaque mot… Je n’avais pas fait dix pas, que je rencontre mon marchi-chef : « Ousque vous allez comme ça avec cette botte de fourrage, cavalier ? » qu’il me dit. — « Marchi-chef, que je lui réponds, c’est un bouquet que ma mère envoie à la capitaine. »

— Et ta belle ?

— Laisse venir. C’était une carotte, histoire de ne pas être envoyé au bloc. Le marchi-chef me dit : « Cavalier, suivez-moi, je vais justement chez le capiston lui faire signer mes pièces. » J’arrive chez le capiston : « Cavalier, qu’il me dit, qu’est-ce que c’est que cette botte de foin ? » Je lui réponds : « Mon capitaine, c’est un bouquet que ma mère envoie à la capitaine. » Le capiston me regarde et se fout à rire. Je voyais que cela lui faisait plaisir. « Cavalier, qu’il me dit, il n’y a pas de la « capitaine » au contrôle de l’escadron. Mais cela ne fait rien ; voici cent sous pour votre peine. Portez votre bouquet de ma part au commandant. »

Je me trotte chez le commandant qui se refout à rire, me donne dix francs et m’envoie chez le colon.

Je galope chez le colon qui se tord, me donne un louis et m’envoie chez le général.

Je file comme un zèbre chez le général qui pouffe à péter, me donne cinquante francs et m’envoie chez sa maîtresse.

Je m’esbigne et dare, dare, j’arrive chez la belle. Coup de soleil ! c’était la mienne.

— Tu la connaissais ?

— Pas plus que la femme du pape. Mais j’avais deviné : « Cavalier Poireau, qu’elle me dit, je connais votre histoire, je ne vis, je ne vois que par vous. J’ai rêvé cette nuit que vous sonniez à ma porte, que nous nous aimions. Entrez dans ma chambre sans façon, vous m’enfilerez votre histoire. Quelle histoire ? que je me dis. La mienne est longue depuis ma naissance, elle s’est diablement allongée. Mais, longue ou courte, elle raffolait de ma littérature. Je le vis bien lorsque, se mettant au lit, elle me dit de me placer à côté d’elle.

J’en étais à l’introduction, lorsque entre un pékin, avec de grandes moustaches : « C’est l’Empereur ! qu’elle me souffle. Je me mets en position et je crie : « Vive l’Empereur ! » Le pékin me regarde et me dit : « Cavalier Poireau, vous êtes le premier hussard de France ; je vous décore. »

— Tu es décoré, toi, Poireau ?

— C’était une blague. Je n’ai jamais rien vu venir.

— Et que faisaient ce colonel, ce général et l’Empereur, à Montbéliard où il n’y avait qu’un détachement de hussards ?

— Ça, je ne le leur ai pas demandé.

— Après ?

— Tu me dois dix francs, curé. Il est temps de nous retirer. La Jeannette et la Colette m’attendent.

— Heureux maire qui a deux femmes ! s’écria l’Italienne.

— Une, une seule, Madame… en deux volumes, se récria Poireau.

— C’est toute votre bibliothèque ?

— Avec quelques vieux livres que je feuillette de temps en temps pour ne pas perdre l’habitude de lire… Il ne faut pas se rouiller.

Les dames réclamèrent l’histoire du pari, qui les amusa énormément.



Au pays de Rabelais.