Paris en l’an 2000/Propriété

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Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 67-72).

§ 2.

Propriété.

La propriété est la base de tout l’ordre économique de la République sociale et chaque citoyen a le droit d’y jouir et d’y disposer des choses de la façon la plus absolue, pourvu qu’il n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements[1].

Si le Gouvernement a multiplié ces lois et ces règlements, c’est uniquement pour que chacun puisse conserver intégralement le fruit de son travail et ne soit pas exposé à en être dépouillé d’une manière ou d’une autre.

Les citoyens de l’an 2000 peuvent donc posséder en pleine sécurité toutes sortes de biens : des terres, des maisons, du bétail, des ustensiles de travail, des marchandises, des meubles, des habits, etc., etc. Tous ces objets, ils peuvent également les échanger entre eux soit contre de l’argent, soit contre d’autres biens.

Cependant si l’échange de la propriété est on ne peut plus licite, il n’en est pas de même de la spéculation et du commerce qui eux sont sévèrement interdits aux particuliers et réservés à l’État.

Cette distinction entre le commerce et l’échange est facile à établir. Celui-ci est un fait passager, accidentel, qui peut aussi bien laisser de la perte que donner du gain. Le commerce au contraire est une habitude, c’est un métier qu’on fait, métier où tout est prévu et organisé pour rapporter un bénéfice. Comme il ne peut être fructueux qu’autant qu’il se fait sur une certaine échelle, et acquiert une certaine publicité, on le distingue immédiatement du simple troc, et c’est la notoriété même du délinquant qui le dénonce et attire sur lui les sévérités de la Justice.

Les ventes, les échanges que les citoyens font entre eux doivent toujours avoir lieu au comptant. Tous les billets, toutes les promesses de payement sont considérés comme nuls et n’ont aucune valeur devant les tribunaux, celui qui ne s’est pas fait solder en livrant sa chose étant réputé en avoir fait cadeau. Cette suppression de la vente à crédit n’entrave en rien les marchés sérieux et honnêtes, car la Banque nationale prête de l’argent à tous ceux qui en ont besoin, pourvu bien entendu qu’ils présentent des garanties morales ou matérielles de remboursement. Mais, et c’est là sa raison d’être, l’abolition du crédit entre particuliers a coupé court à la spéculation, à l’usure, aux affaires véreuses et à toutes ces transactions déloyales qui, sous l’ancien régime, dépouillaient les travailleurs au profit de gens qui ne travaillaient pas.

Pour les mêmes raisons, il est absolument interdit de louer un immeuble soit à bail soit autrement. Celui qui possède une maison ou une terre doit habiter lui-même, cultiver lui-même son bien ou alors s’en défaire et le vendre à qui veut l’acheter.

Lorsque, malgré cette interdiction, un citoyen a loué sa propriété, le bail est nul devant les tribunaux et l’occupant reste possesseur de la chose louée et est censé l’avoir reçue en pur don. Grâce à cette mesure radicale, la location des terres a complètement disparu des campagnes et l’agriculture n’est que plus prospère depuis qu’il n’y a plus de ces propriétaires fainéants qui affermaient leurs terres au lieu de les cultiver eux-mêmes et s’engraissaient à loisir de la sueur du paysan.


À la mort des parents, les enfants légitimes ou légitimés héritent de droit de tous leurs biens et se les partagent également entre eux. Cependant le père et la mère peuvent disposer d’une portion de leur fortune fixée par la loi, et la laisser par testament à un de leurs enfants, à des parents ou à des étrangers.

Afin d’éviter tous les procès causés par des testaments mal rédigés, ceux-ci doivent être faits d’après des formules toujours les mêmes que le Gouvernement livre tout imprimées aux particuliers.

Pour faire son testament, on n’a donc qu’à prendre une de ces formules, à remplir les blancs, dater et signer, puis on remet le pli à l’officier de l’état civil, et l’on est sûr que les gens de loi ne mangeront pas en procès tous le patrimoine qu’on a laissé.

Lorsqu’un époux meurt sans tester, son bien est partagé entre les enfants et l’époux survivant, ce dernier étant traité comme s’il était lui-même un des enfants. Si le décédé était célibataire ou veuf sans enfants, ce sont les parents qui héritent et, à défaut de ceux-ci, l’État.


Dès que les enfants sont majeurs et ont atteint l’âge de 18 ans, ils peuvent vendre ce qu’ils possèdent en propre et en disposer par testament ou par donation, sans que leurs parents puissent y mettre le moindre empêchement.

Ce droit est exactement le même pour les deux sexes et la femme, mariée ou non, a la libre disposition de tous ses biens sans que sa famille, son mari ou ses enfants aient aucune observation à lui faire.

Grâce à ces droits de la jeune fille et de la femme, les contrats de mariage sont devenus d’une simplicité extrême. Tout le monde est marié sous le régime de la communauté. Chacun des époux possède en propre et gère comme il l’entend les biens qu’il a apportés en dot ou ceux dont il vient à hériter. Quant aux biens acquis pendant le mariage, ils restent indivis entre les époux et aucun d’eux ne peut en disposer sans le consentement formel de l’autre. En cas de séparation, les biens de la communauté suivent les enfants et par conséquent restent à la mère comme on le verra dans le § 6 de ce chapitre ; s’il n’y a pas d’enfants, ils sont partagés également entre les conjoints.


  1. Définition de la propriété donnée par le Code civil.