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Paris port de mer (Bouquet de la Grye)

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Paris port de mer (Bouquet de la Grye)
Revue des Deux Mondes4e période, tome 144 (p. 888-912).
PARIS PORT DE MER


I

Parmi les centenaires qui ont été célébrés dans ces dernières années, il en est un que les Parisiens n’auraient pas dû oublier, celui de l’arrivée au milieu d’eux, en 1795, d’un premier navire de mer, le Saumon, commandé par Thibaut, lieutenant de vaisseau, et ayant à son bord Forfait, depuis ministre de la marine, et Sganzin qui a fort honoré le corps des Ponts et Chaussées.

Un millier d’années s’était écoulé depuis que les Normands, remontant le fleuve sur leurs grands bâtimens, avaient cessé de venir piller les environs de la capitale ; la trace de leurs méfaits était effacée, le souvenir ne s’en trouvait plus que dans de vieilles chroniques, et les Parisiens saluèrent avec joie le navire, espoir d’une vie nouvelle.

C’est sur la proposition de Carnot que le Comité de Salut public, par un arrêté en date du 22 vendémiaire an III, décida ce voyage, dont le but était d’étudier le fleuve, et de rechercher les moyens de le rendre praticable aux navires de commerce.

Le Saumon mit onze jours pour aller du Havre à Paris, se servant de ses voiles lorsque le vent était favorable, de haleurs dans le cas contraire, tandis que l’on sondait et que l’on prenait à bord des croquis sur tous les passages difficiles du fleuve. Le rapport, remis au ministre le 9 messidor an IV, conclut en demandant des travaux d’amélioration, dont le coût eût été de 4 600 000 francs ; et la transformation de tous les ponts en ponts-levis.

Certaines parties de ce rapport méritent d’être citées : « Il est hors de doute que, si la Seine appartenait à une nation du Nord, il y a longtemps qu’elle serait fréquentée par des navires d’un port assez considérable » ; puis, plus loin : « Les avantages que retirerait le gouvernement de l’introduction d’une navigation maritime sur la Seine seraient : un accroissement considérable dans le nombre des marins ; de grandes facilités pour exécuter tous les transports ; la conservation des routes broyées par le roulage ; la multiplication des ateliers et des ouvriers de la marine ; une extension considérable du commerce et des manufactures de l’intérieur ; enfin, un élan des capitalistes éloignés de la mer, qui les porterait peut-être à prendre plus d’intérêt aux expéditions maritimes et particulièrement aux grandes pêches.

« Quant au commerce, il gagnerait, à l’introduction d’une navigation maritime sur la Seine, d’être dispensé de reverser les marchandises au Havre sur une allège, à Rouen sur un bateau plat ; de ne plus être astreint à mettre les boissons en double fût parce qu’elles seraient embarquées dans une cale fermée ; de ne plus éprouver de dilapidations de coulage et d’avaries à chaque reversement ; de ne plus payer une ou deux commissions au Havre et à Rouen, d’être servi beaucoup plus tôt, etc. »

A l’heure actuelle, ces conclusions pourraient être presque textuellement répétées, avec la différence que, depuis cent ans, le commerce et les relations internationales ayant plus que décuplé, l’urgence de l’amélioration de la Seine n’en est que plus manifeste.

A la fin du siècle dernier, la question de faire arriver les navires à Paris était d’ailleurs tout à fait à l’ordre du jour. Mercier, en 1781, dans son Tableau de Paris, réclame cette solution comme devant donner au commerce de la France la plus vive des impulsions. « L’opulence de la capitale, sa population, l’activité de ses habitans, tout garantirait les fonds, les matelots et le succès. » — « il ne faudrait, ajoute-t-il, que creuser le lit de la Seine, pour qu’elle fût navigable. » — L’ingénieur Passement, à la même date, présente au ministre un projet consistant, non à creuser le lit de la Seine, mais à surélever les eaux de six pieds au moyen de barrages. Tous les ponts jusqu’à Poissy, qui devait être le port terminus, auraient été munis d’une travée mobile. Dans ces conditions, les caboteurs ayant un tirant d’eau de huit pieds auraient pu arriver à quatre lieues de Paris.

Cette solution, considérée tout d’abord comme acceptable, fut rejetée sur l’avis de Perronnet, déclarant qu’il fallait pour les navires une profondeur de 18 pieds, et qu’elle ne pouvait être obtenue uniquement au moyen de barrages, les rives du fleuve étant à un niveau trop bas.

D’autres projets sont alors présentés, encouragés par une subvention fournie par le roi ; Isnard propose de creuser un canal latéral au fleuve, avec le nombre inadmissible de 183 écluses ; Céard et Pattu demandent qu’on barre la Seine à son embouchure, ne laissant au jeu des marées et au débit du fleuve qu’une étroite ouverture, travail dépassant comme prix et comme difficulté tout ce que l’on croyait alors exécutable. Il ne fut également donné aucune suite aux propositions modestes de Forfait et Sganzin. Les guerres de la Révolution et de l’Empire empêchèrent, non les idées qui hantèrent l’esprit de Napoléon comme antérieurement l’esprit d’Henri IV et de Colbert, mais la mise au jour de projets étudiés.

Il faut arriver à l’année 1824 pour trouver une nouvelle tentative d’amélioration du fleuve ; celle-ci fut très sérieuse. Un comité fut formé sous le patronage du prince de Polignac, alors ambassadeur à Londres, pour préparer les études d’un projet, et, le 31 décembre de cette même année, le président du Conseil lui promit l’appui du gouvernement.

Il a été souvent rappelé que, le 29 novembre 1824, Charles X, lors de l’inauguration du canal Saint-Denis, avait incité les ingénieurs à faire de Paris un port de mer ; le 25 janvier 1825, une ordonnance royale autorisa le comité à faire « les travaux préparatoires à leur entreprise », travaux auxquels coopérèrent les ingénieurs Pattu, Fresnel, Petit, Sénéchal, Dausse, Pouètre. puis Mathieu et Savary[1]. Ces ingénieurs, jeunes alors et pleins d’ardeur, ont laissé une trace brillante de leur passage dans le corps des Ponts et Chaussées ou dans la science ; leur levé du bassin de la Seine reste une œuvre remarquable.

La profondeur de la Seine est donnée par des profils, son étiage déterminé, la topographie à l’échelle du dix-millième est très soignée, et un nivellement, contrôlé par les observations les plus récentes, montre le soin avec lequel il a été établi. Bien plus, des centaines de forages et des déterminations géologiques nous renseignent sur la nature du sous-sol, et sur la profondeur où l’on trouve la craie au-dessous des alluvions de gravier ou de tourbe.

Une demande de concession fut présentée par le comité, le 3 mai 1825 ; il disait avoir les fonds nécessaires pour l’exécution des travaux. C’est à ce moment qu’intervint le service de la navigation (25 juin), déclarant qu’il a par devers lui un projet très étudié, et que, par suite, il est inutile d’examiner celui des concessionnaires. Une discussion des plus vives s’éleva entre les ingénieurs de la Seine et le comité, soutenu par un conseil directeur, composé du prince de Polignac, du comte Mollien, du comte Beugnot, du baron de Vitrolles, du baron Charles Dupin et de Berryer. Finalement il fut décidé que le projet du comité serait soumis à l’examen d’une commission composée de Prony, Dutens et Cavenne, qui tous les trois avaient une réputation justement méritée dans le corps des Ponts et Chaussées.

Leur rapport, fait avec une conscience scrupuleuse, témoigne d’une ampleur de vues remarquable. Il se compose de deux parties ; l’une a trait au cours de la Seine en aval de Rouen, l’autre à la portion comprise entre cette ville et Paris. — Comme Rouen peut, à l’heure actuelle, recevoir tous les jours des navires d’un tirant d’eau de 6 mètres et de 7 mètres dans les syzygies, les propositions du comité en ce qui regarde le bas du fleuve n’ont plus qu’un intérêt historique. Il en est autrement en ce qui regarde la partie s’étendant jusqu’à Paris.

Le projet du comité, auquel entre temps s’était rallié M. Bérigny (l’inspecteur général qui avait fait la plus vive des oppositions), consistait à créer un canal longeant le fleuve et passant suivant la hauteur des rives de l’une à l’autre, en amont de barrages. La profondeur, en temps ordinaire, serait de 6 mètres et la largeur au plafond de 18 mètres, ce qui parut aux ingénieurs suffisant pour le croisement de deux navires. Les écluses sont nombreuses, 16 en tout ; elles n’ont qu’une hauteur de 2m,25. Le devis s’élève à 84 millions de francs et comporte un grand bassin creusé dans la plaine de Clichy.

D’après l’avis d’une commission de négocians, le produit de taxes variant suivant la nature des marchandises aurait été de 17 450 000 francs. Le devis n’était pas très élevé ; les bénéfices prévus étaient considérables ; tout semblait donc devoir aboutir, lorsque des critiques nouvelles furent émises par l’ingénieur en chef Frimot.

Il n’attaqua ni le devis proprement dit, ni le chiffre des recettes ; mais, s’appuyant sur la nature géologique du sol, indiquée par les forages mêmes du comité, il déclara que le calcaire fendillé, qui allait servir de plafond au canal, ne pourrait en retenir les eaux, et qu’il faudrait le bétonner sur toute sa longueur. Certes, cette objection s’appuie sur un fait incontesté : la craie est fissurée ; mais c’est par ces fissures que sourd l’eau, qui de Paris à Pont-de-l’Arche triple le débit du fleuve ; or, dans un canal bordant la Seine et peu élevé au-dessus de son niveau, puisqu’il la traverse six fois, n’y aurait-il pas équilibre entre la force ascensionnelle des eaux provenant des plateaux supérieurs et le surcroît de hauteur du niveau du canal ?

Il y avait pourtant là un aléa, et comme un bétonnage général du fond du canal eût été très coûteux, et aurait empêché à tout jamais une augmentation de profondeur, l’objection de Frimot empêcha le projet d’aboutir.

Cet ingénieur proposait d’ailleurs d’utiliser le cours même de la Seine, de surélever son niveau au moyen de sept barrages écluses, et de draguer son lit de façon à obtenir partout une profondeur de 5 mètres. Ce contre-projet, entraînant une dépense de 52 millions (dans laquelle les barrages écluses figurent chacun pour 3 millions, et les ponts mobiles pour 400 000 francs), devait forcément faire échec à celui du comité, et ils sombrèrent tous les deux, aux approches des événemens de 1830.

A Frimot on devait prendre ultérieurement son idée maîtresse d’utiliser le cours du fleuve en exhaussant son niveau, et au projet du comité, la nécessité de couper deux boucles du fleuve.

Le devis dressé par les ingénieurs dont nous avons cité les noms restera d’ailleurs indispensable pour établir tout projet sérieusement étudié.


II

Un long laps de temps devait s’écouler avant de voir paraître de nouveaux projets réalisant une amélioration importante de la Seine.

Celui du comité avait fini par aboutir à une demande d’autorisation d’ouvrir à Paris des magasins généraux, lorsque l’attention des ingénieurs, des capitalistes et du public, délaissant les canaux, se porta tout entière sur la création des chemins de fer. Entre les années 1835 et 1845, ce fut une fièvre de demandes de concession, suivie bientôt d’une débâcle forçant le gouvernement à intervenir.

Quelques marins pensaient pourtant encore à la navigation de la Seine ; M. Guibert, en 1842, remontait le fleuve avec un navire à deux qu’illes, construit à Bordeaux, et dont le tirant d’eau était de 2m,50 : mais cette tentative ne fut pas renouvelée, les maigres du fleuve ne pouvant être franchis lorsque les eaux étaient basses.

Treize années plus tard, un projet sérieusement étudié fut présenté par Belgrand.

Nous ne le connaissons, il est vrai, que par les rapports émanant du conseil général des Ponts et Chaussées (l’original ayant probablement été brûlé en 1871 dans l’incendie de l’Hôtel de Ville) ; mais ils suffisent pour faire connaître le but et les moyens que comptait employer le savant auteur des études sur le régime de la Seine pour faire arriver à Paris les navires que Rouen pouvait recevoir en 1855.

Cette ville n’était à cette époque qu’un simple port de cabotage ; les navires de 6 et 7 mètres de tirant d’eau pouvaient bien venir mouiller devant Quillebeuf, mais non remonter au delà, empêchés qu’ils étaient par une série de seuils, formés par des sables, des graviers ou de la tourbe. Les seuls navires d’un tirant d’eau inférieur à 3m,50 pouvaient décharger leurs marchandises sur les quais de Rouen. Belgrand, sans vouloir toucher au service du bas du fleuve, déclarait que Paris devait suivre la fortune de la capitale de la Normandie, et son projet était à peu près la reproduction de celui dû à Frimot, avec la différence qu’il coupait, comme l’avait proposé le comité, en 1825, les deux boucles du fleuve : Argenteuil-Sartrouville, Tourville-Oissel. La compagnie du chemin de fer de l’Ouest, avait en effet, à cette époque, déjà pris possession de la vallée de la Seine, et faisait épouser par ses rails, dans les deux boucles, le tracé de l’ancien projet de 1825 ; il fallait que le nouveau canal longeât la voie ferrée, pour ne pas être obligé de la placer sur des ponts tournans.

En ce qui concerne les autres bases de son projet, Belgrand, estimant que deux navires peuvent se croiser avec un écartement de 3m,40, donne au canal une largeur au plafond de 25 mètres, et place des tabliers mobiles à tous les ponts qu’il croise.

Le conseil général des Ponts et Chaussées prit tout d’abord le projet en considération, admettant, d’une façon générale, la transformation des ponts, mais il demanda quelques modifications au tracé, surtout aux approches de Rouen.

Si, plus tard, une discussion portant sur le côté financier du projet en entraîna le rejet, c’est que le devis des travaux, refait par les ingénieurs, ne s’élevait qu’à 42 millions, et que le demandeur en concession, M. Festugières, exigeait de l’État, soit comme garantie d’intérêt, soit comme subvention, une somme presque triple. La guerre de Crimée, comme autrefois celles de la Révolution, empêcha les financiers de modifier leurs exigences.

Après M. Guibert qui voulait quand même faire remonter des caboteurs jusqu’à Paris, le deuxième Empire fut témoin de la tentative d’un capitaine au long cours, M. Le Barazer, qui fit quelque bruit par suite des discussions qu’elle amena avec le service de la douane de Rouen. À cette époque, l’habitude, pour employer le terme technique, était de dédouaner dans ce port, de sorte qu’à son retour d’un voyage dans la Plata, au lieu de porter directement à Paris son chargement, qui consistait principalement en cornes de bœuf, M. Le Barazer fut contraint de le décharger sur les quais de Rouen, de payer les droits de ce port, les frais de débarquement, de pesage et de réembarquement, etc., et de subir de ce chef une dépense et un retard qui dévorèrent les profits de son voyage. Il réclama hautement, comparut même devant le conseil général des Ponts et Chaussées, qui fut d’avis qu’il y avait lieu de consulter à ce sujet les chambres de commerce du Havre et de Rouen, solution équivalant à la mise au panier de la réclamation ; mais, sur un ordre de l’Empereur, un bureau de douane fut établi à Paris : il était demandé depuis vingt-six ans.

Dans un voyage ultérieur, le navire de M. Le Barazer se perdit, et après une nouvelle tentative faite par deux armateurs de Bordeaux, MM. Germain et Desbats, il fut reconnu qu’il était impossible d’utiliser la Seine, telle qu’elle était, pour la navigation de petits navires de mer.

Arrivons aux propositions qui ont été faites depuis 1870. La première est due à M. Krantz ; elle parut après l’invasion, au moment où nous venions de subir l’humiliation et les déchiremens d’une guerre civile. Nos ressources devaient alors être réservées à un vainqueur exigeant ; M. Krantz déclara, toutefois, qu’il était urgent d’améliorer le fleuve ; il avoua que les travaux faits dans ce sens n’avaient pas toujours été heureux, et que « quelque durs que fussent les reproches faits à l’administration, ils avaient un fondement de vérité. » Il faut agir, ajoute-t-il, et faire des ouvrages solides, mais « le luxe doit être sévèrement proscrit dans nos travaux et nous devons nous efforcer de faire non des monumens splendides, mais d’utiles et commodes outils. »

Le projet nouveau arrivait à une heure où Rouen, grâce aux dragages exécutés en aval de lui, pouvait recevoir de grands navires ; et des préoccupations budgétaires empêchèrent probablement M. Krantz de prendre à Belgrand ses deux idées principales : ouvrir tous les ponts, faire arriver à Paris les navires remontant à Rouen. Il s’arrêta à l’ancienne profondeur de la Seine en aval de Rouen, s’interdisant, par la hauteur adoptée pour les seuils des écluses, toute amélioration ultérieure. Chose à noter, ces propositions ne furent pas adoptées sans opposition par le conseil général des Ponts et Chaussées ; il paraissait, à plusieurs des membres qui le composaient, qu’une voie de 3 mètres de profondeur placée au milieu d’un réseau de canaux dont la hauteur ne dépassait pas 1m,80, constituait une anomalie aussi grande que celle qui aurait consisté à écarter de 2 mètres les rails de la voie ferrée entre Paris et Orléans. Certes, un tel chemin de fer offrirait une plus grande stabilité aux machines et aux wagons, il permettrait d’avoir des vitesses de trains plus grandes ; mais, à l’extrémité, il faudrait un transbordement, et les inconvéniens seraient supérieurs aux avantages.

Cette critique était fondée, mais une forte pression avait été faite sur le public et sur le gouvernement ; des conférenciers déclaraient qu’il fallait agir, que des caboteurs pourraient venir en nombre alimenter le port de Paris, et le projet fut voté par la Chambre des députés à la suite d’un rapport de M. Dautresme, député de Rouen, dont il est utile de donner quelques extraits. « Une première distinction, dit-il, doit être faite entre Rouen et Paris, le premier port recevant de grands bâtimens, l’autre, à la grande rigueur, admettant des caboteurs.

« Que, grâce au tirant d’eau de 3 mètres, des navires d’un faible échantillon viennent s’amarrer aux quais de Paris, ce résultat nous paraît possible, sinon même assuré ; mais que, par cela seul, Paris devienne une ville maritime, un grand port fréquenté par la marine au long cours et en relation directe avec tous les ports du monde, un immense entrepôt où convergera la navigation de l’univers entier, voilà qui excède toutes les probabilités. »

Le député de Rouen avait tout à fait raison : on ne peut constituer un grand port avec une profondeur de 3m,20 ; aussi concluait-il à l’adoption de ce chiffre et ultérieurement repoussait-il avec énergie la proposition de l’augmenter. La loi ouvrant des crédits pour l’exécution des travaux fut publiée le 3 avril 1878. Quelques semaines après, s’ouvrait l’exposition, qui montra au monde étonné le relèvement industriel et commercial d’un pays que l’on croyait abattu. Elle fut l’occasion d’un congrès de navigation, où se réunirent nombre d’ingénieurs éminens de la France et de l’étranger, et, chose curieuse, la discussion porta tout de suite sur cette question que le service de la navigation et les Rouennais croyaient à jamais close.

Des protestations énergiques s’élevèrent sur la profondeur qui avait été adoptée, et un vœu émis presque à l’unanimité demanda que la hauteur utile fût fixée à 7 mètres.

Un ancien président du Conseil Aes, ministres n’hésita pas à déclarer que l’on ne fait pas un port avec une profondeur de 3m,20 ; on fit aussi remarquer que ce chiffre avait été adopté sans prendre l’avis d’officiers de marine, de capitaines au long cours, ou d’armateurs.

Il est bien difficile à une administration de revenir sur un projet qui a fait l’objet d’une loi. Le conseil général des Ponts et Chaussées avait bien donné son assentiment à contre-cœur, mais pouvait-on l’engager à se déjuger ? D’ailleurs le ministre eût eu contre lui le rapporteur même de la loi et tous ses collègues de la Seine-Inférieure ; en plus le statu quo était impossible, en raison des plaintes de la batellerie ; les travaux furent donc commencés. Les réclamations devaient être de plus en plus vives à partir de ce moment, et comme on espérait toujours faire arrêter les travaux, les projets se succédèrent avec rapidité, tous ayant en vue la création d’un grand port à Paris. Après celui de M. Mainfroy, qui demandait un canal d’une profondeur de 7 mètres, vinrent tour à tour ceux de MM. Labadie, Manier, Carro, Réals, Gourdon, proposant des tracés suivant plus ou moins le cours du fleuve.

En dehors du bassin de la Seine et aboutissant aux ports de Dieppe ou de Boulogne, on a aussi une autre série de propositions avec des chapelets d’écluses, tous arrivant à des dépenses considérables. Le conseil général des Ponts et Chaussées n’ayant pas jugé utile de les discuter, nous sommes obligés de faire comme lui, leur examen devant nous entraîner trop loin. Nous ne donnerons même aucun détail, on le comprendra, sur le projet qui a été soumis aux enquêtes et qui est à l’heure actuelle devant le parlement, après avoir été l’objet de six rapports favorables de ses commissions.

Mais nous pouvons rechercher à l’aide des faits acquis : 1° quelles sont les conditions matérielles nécessaires pour faire de Paris un grand port ; 2° si ce port doit offrir des avantages proportionnés aux dépenses nécessitées par sa création.

Nous examinerons en dernier lieu les critiques soulevées par une œuvre de cette importance et les résultats obtenus à l’étranger par des travaux analogues.


III

La vitesse des eaux de la Seine, très différente en cela de nos autres grands fleuves, la Loire, la Gironde, le Rhône, n’a jamais été excessive, en raison de sa faible pente. D’après le Misopogon de l’empereur Julien, il n’y avait pas de différence entre son débit de l’hiver et celui de l’été. Les bois et les marais qui couvraient presque entièrement son bassin en amont de Paris (dont la superficie est de 43 665 kilomètres carrés) annulaient presque les différences de son niveau.

Si, au commencement de notre ère, ce qui est très probable, la quantité de pluie qui tombait sur ce bassin était la même qu’à l’heure actuelle, le débit du fleuve à Paris devait peu différer de 360 mètres cubes par seconde, au lieu d’osciller comme aujourd’hui, entre 40 mètres à l’étiage, c’est-à-dire au moment des plus basses eaux, et 2 500 mètres cubes dans les grandes crues.

Cet ancien régime du fleuve était particulièrement favorable à la navigation, si bien que, huit siècles après, les pirates Normands pouvaient encore remonter la Seine avec leurs vaisseaux, qui portaient, dit-on, jusqu’à 200 chevaux.

Ce régime a été modifié par les cultures et par les déboisemens, qui ont eu pour premier effet d’assainir et de dessécher le sol. Le creusement des fossés, l’établissement des routes, et en dernier lieu le drainage, ont fait arriver plus vite au fleuve les eaux du ciel, et changé en de grandes oscillations la permanence de son niveau.

La richesse d’une contrée pourrait ainsi sembler, pour qui n’en jugerait que par ce qui s’est passé dans le bassin de la Seine, en opposition avec la meilleure utilisation de ses cours d’eau.

Malgré cette détérioration de son état antérieur, la Seine rentre dans la catégorie des rivières que l’on peut pour ainsi dire domestiquer ; elle a peu d’apports. Dans la Loire, on voit à chaque coude un banc de sable sur la rive convexe. Les montagnes granitiques du Forez et de l’Auvergne envoient chaque année au fleuve une masse de matériaux qu’on estime à 1 500 000 mètres cubes, et qui font à chaque crue modifier son cours. Rien de pareil dans la Seine, la permanence du lit est presque absolue. Le Morvan, qu’elle traverse, est bien composé de terrains de granit, mais il est boisé, les pentes y sont relativement douces, et les détritus peu abondans. A partir du moment où elle aborde les terrains calcaires, elle ne peut que se teinter de leur poussière, dissoudre les lits d’argile intercalés, et faire rouler sur son lit quelques rognons siliceux. Les ingénieurs estiment que le cube des matériaux entraînés par le fleuve est de 200 000 mètres cubes, dont le tiers environ, restant en suspension, va à la mer ; une bonne partie de l’excédent est extraite pour servir aux constructions et à l’entretien des routes[2].

Cette condition, d’avoir peu d’entraînemens, permet d’appliquer à la Seine avec une certitude de succès toutes les améliorations que l’on pourra désirer. Si l’on construit des barrages, il est certain qu’ils n’amèneront pas l’exhaussement du lit du fleuve on amont d’eux. Les écluses, dans les crues, ne seront pas comblées par des alluvions ; on peut donc surélever les eaux presque au niveau des rives, c’est-à-dire rendre permanent, au moyen de barrages, la profondeur donnée par des crues qui ne débordent pas.

C’est là le travail qu’ont accompli les ingénieurs dans ces dernières années, et c’est ainsi qu’ils ont cherché à obtenir les 3m,20 de leur projet.

Il est un autre avantage qu’offre le lit du fleuve, en vue de sa transformation en un canal maritime : il ressort du levé exécuté en 1825. Dans la période géologique glaciaire, lorsque le débit de la Seine atteignait, s’il ne le dépassait pas, celui du Rhin, les roches et les galets, en raguant le fond, ont creusé dans le calcaire un large sillon, qui ne pouvait être rectiligne, en raison des contreforts qui s’avançaient dans la vallée, mais dont les courbures étaient moins accusées que celles du thalweg actuel.

Ce fait résulte d’une loi générale qui lie les rayons de courbure à la vitesse et au volume des eaux[3].

Cet ancien et large sillon calcaire a été recouvert ultérieurement, au fur et à mesure que le débit du fleuve diminuait, d’une couche épaisse de sable, de gravier et de boue qui constitue le lit actuel. Ces matériaux peuvent être extraits à des prix peu élevés, le tracé du canal sera fait en l’écartant dans les coudes de la rive concave, c’est-à-dire en lui donnant un plus grand rayon de courbure. En ajoutant la profondeur obtenue par des dragages à celle des barrages, on peut donner au fleuve une profondeur supérieure à 6 mètres.

On pourrait certes aussi affouiller le calcaire, qui en certains points ne présente pas une grande dureté, mais il y a là un aléa, et l’opération sera reculée jusqu’au moment où la barre extérieure de la Seine sera approfondie, au moment où Rouen recevra des transatlantiques.

La Seine présente enfin une autre condition favorable à l’arrivée à Paris des navires de mer. Son étiage n’y est qu’à 17 mètres au-dessus du niveau des marées de syzygies à Rouen. Celles-ci, avant la construction des écluses de Martot et de Poses, se faisaient sentir jusqu’à Andé, c’est-à-dire à 58 kilomètres en amont de Rouen et à 160 kilomètres de Paris.

Cette hauteur de 17 mètres peut être franchie au moyen d’un petit nombre d’écluses, puisque nos ingénieurs n’hésitent pas à en construire aujourd’hui de 10 mètres, et, au point de vue du mouvement des navires, on sait que les capitaines n’aiment pas beaucoup à aborder ces ouvrages, il faut leur en présenter un nombre aussi réduit que possible.

Ainsi en nous résumant : maintien, dans la mesure du nécessaire, de la stabilité du fond du fleuve ; creusement facile de son lit dans des alluvions anciennes ; peu de hauteur à franchir pour venir jusqu’à Paris ; — telles sont les conditions favorables qu’offre la Seine, pour faire de la capitale un port véritablement maritime.


IV

La question qui doit se poser maintenant est celle de savoir si la création de ce port maritime est utile.

Il est certain que sur ce point nous trouvons depuis Henri IV jusqu’à nos jours une unanimité de sentimens complète.

Elle est fondée sur le fait que le navire a toujours été considéré comme opérant les transports les plu » économiques, et peut-être plus encore sur le désir des négocians de la capitale de faire eux-mêmes leurs affaires sans intermédiaire.

Or, à l’heure actuelle, nous pouvons traduire en chiffres aussi bien le fait que le désir ; nous avons pour cela tous les élémens nécessaires.

Le fret moyen à la mer peut être établi pour un cargo-boat, genre de navires qui constituera le mouvement principal du port de Paris, sur le pied de un dixième de centime par tonne et par kilomètre[4].

Dans un canal maritime, quoique la vitesse doive y être réduite — c’est-à-dire la consommation de charbon moindre qu’à la mer, — doublons ce prix, c’est-à-dire portons-le à 0 fr. 002. Pour les 185 kilomètres qu’aurait la longueur de la Seine canalisée et approfondie entre Rouen et Paris, cela ferait par tonne 0 fr. 37, c’est-à-dire 370 francs pour un navire de 1 000 tonnes de jauge. Ne comparons pas ce prix à celui qu’aurait coûté en 1840 le camionnage de 1 000 tonneaux sur la route royale (il eût été de 45 000 francs) ; mais nous pouvons mettre en regard son transport à l’heure actuelle par chalands et par la voie ferrée.

Le prix que coûte un tonneau de marchandises par kilomètre est estimé à 0 fr, 0125, lorsqu’il est mis sur un chaland.

En lui faisant suivre le thalweg de la Seine, il devra parcourir une distance de 218 kilomètres, ce qui élève le prix à 2 fr. 725, — ou 2 725 francs pour 1 000 tonneaux ; — mais ce chiffre doit être majoré de 750 francs pour un transbordement inutile avec le navire, soit, en tout, 3 475. Ajoutons que le navire de 1 000 tonnes de jauge peut porter 1 500 tonneaux de chargement, ce qui accroît encore l’énorme différence des chiffres ci-dessus.

Nous avons enfin la voie ferrée, dont le tarif moyen est d’environ 7 centimes, mais qui dans un cas spécial peut être abaissé à 3 centimes. En l’appliquant au transport de 1 000 tonneaux, sur une distance de 136 kilomètres, on a 4 080 francs qui doivent être aussi majorés de 750 francs pour le chargement sur wagons, soit 4 830 francs. Nous avons donc en présence trois chiffres : 370 francs, 3 473 francs et 4 080 francs, qui représentent les prix du transport de 1 000 tonneaux par les trois modes, navire, batellerie, chemin de fer.

Quant à la durée du trajet, on peut dire qu’elle serait d’un jour par navire, de deux ou trois jours par la batellerie et d’autant par la voie ferrée, différences qui n’ont pas grande importance.

Il ressort de là : 1° que la batellerie doit faire avantageusement concurrence à la voie ferrée. L’effet s’est produit entre Rouen et Paris ; le chemin de fer, d’après un rapport officiel, ayant perdu les quatre cinquièmes de son ancien trafic ; 2° que le navire doit à son tour prendre la place des chalands, autre résultat que l’on a pu constater entre le Havre et Rouen, malgré la création du canal de Tancarville.

Une autre conclusion, qui peut être tirée du prix du transport sur la Seine entre Rouen et Paris par la batellerie et par le navire, c’est que ce dernier pourrait être taxé à une somme importante par chaque tonneau embarqué, avant que le chaland ait sur lui un avantage.

Le désir qu’ont les négocians parisiens de faire eux-mêmes leurs affaires peut également être analysé.

Les factures que nous avons sous les yeux portent comme dépenses inhérentes à un déchargement de marchandises à Rouen : timbre, connaissement et port de lettres, permis de douane, plomb de douane, droit de statistique, échantillon du chimiste, acquit de douane, gardiennage, location de prélarts, tonnellerie, réparations, lettre de voiture fluviale, police du timbre. Notons qu’il s’agit ici d’envois directs, ne comprenant ni le courtage, qui est de 50 centimes par tonneau, ni le déchet provenant de la mise à terre, déchet que le négociant ne peut constater qu’à l’arrivée[5]. Nous n’avons pas mentionné non plus les droits du port de Rouen, qui ne seraient pas payés par le navire allant directement à Paris. Dans le cas où il s’agit d’un achat fait à Rouen, l’intermédiaire perçoit, en outre, une commission de 1 à 2 pour 100 de la valeur de la marchandise, ce qui peut élever les frais accessoires jusqu’à 20 francs par tonne[6].

Ce qui rend enfin l’emploi du navire moins dispendieux encore, lorsqu’il s’agit de le faire arriver à Paris, c’est qu’il y trouvera un fret de retour plus facilement qu’à Rouen. Ce dernier point n’est pas contestable ; il est affirmé par tous les commissionnaires.

A Rouen, le coefficient de sortie des marchandises embarquées sur les navires est de 32 pour 100. Il est de 63 pour 100 à Bordeaux, et de 61 pour 100 à Marseille. Un calcul assez simple montre que, toutes choses égales d’ailleurs, le prix du fret à Rouen doit être de 22 pour 100 plus élevé que dans nos deux autres grands ports. Or, à Paris, on se trouvera dans des conditions au moins égales à celles de Marseille ; le nombre des usines y est plus grand, la population agglomérée six fois plus nombreuse, et l’on y trouve un fret de sortie, le plâtre, dont l’exportation peut être considérable.

Il existe enfin, à Paris et dans nombre de villes de l’est de la France, des commissionnaires qui font le groupement des colis pour les ports de la mer du Nord, notamment pour Anvers, Rotterdam et Hambourg, et ce fret reviendra à nos navires, lorsque la capitale sera devenue une place maritime importante.

Nous pouvons citer ici un court extrait du remarquable rapport fait par M. Poirrier, sénateur, ancien président de la Chambre de commerce de Paris, au nom de la commission d’enquête du département de la Seine[7].

« La réalisation de Paris port de mer est plus nécessaire que jamais ; l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie, ne reculent devant aucun sacrifice pour établir des voies maritimes aussi avancées que possible dans l’intérieur des terres et aboutissant à de grands centres de production et de consommation ; les merveilleux résultats qui en sont la conséquence font prévoir ceux que créerait un port maritime à Paris.

« D’ailleurs, on connaît l’augmentation de tonnage qui a suivi chaque amélioration de la Seine, et personne ne conteste les avantages considérables qu’offrent les ports intérieurs.

« Par l’importance de ses usines, par sa situation géographique, Paris lutterait avantageusement avec Londres, soit comme entrepôt, soit comme transit. Paris reprendrait la plus grande partie du tonnage à destination des Vosges, de l’Alsace-Lorraine et de la Suisse, enlevé au Havre par Anvers, etc. »

Le rapport concluait à une approbation complète du projet qui lui était soumis, les avantages de l’arrivée des navires à Paris étant incontestables, même s’ils payaient une taxe élevée.

On ne doit pas s’étonner alors si 345 000 électeurs ont appuyé cette création de leurs signatures, et que des négocians, pour répondre à une demande du ministre des travaux publics, aient offert de souscrire le montant des actions nécessaires à cette entreprise.


V

En dehors des bénéfices que retireront les manufacturiers, en recevant directement les matières premières utiles à leurs industries, et les commerçans, en expédiant de Paris les produits fabriqués et en faisant sans intermédiaires toujours onéreux leurs contrats de frets et d’assurances, il en est qui reviendront directement à l’État.

Des spécialistes ont été consultés pour apprécier à quel chiffre pourrait s’élever le tonnage maritime de la grande ville.

Celui qu’ils ont donné est de 5 millions de tonnes, c’est-à-dire un peu inférieur à celui de Marseille. Il est certain qu’il ne serait pas obtenu immédiatement ; l’exemple de ce qui se passe dans les nouveaux ports est là pour le démontrer. Les négocians ont toujours des marchés à terme qu’ils ne sauraient résilier, et avant qu’ils en aient fait d’autres, il s’écoule toujours quelques années. Toutefois, à l’heure actuelle, où certaines villes semblent pousser comme des champignons, le chiffre de 5 millions de tonnes est loin de paraître exagéré. Il reste au-dessous du tiers du tonnage du port de Rotterdam, cette création nouvelle du génie hollandais suscitée par les commerçans allemands.

Le mouvement purement maritime de Paris, — celui qui vient du bas du fleuve par chalands ou par petits navires, — s’élève actuellement à 1 200 000 tonnes, chiffre infime par rapport à sa population et à ses milliers d’industries. Si l’on admet qu’il puisse se quadrupler, et que le tiers des navires appartienne au cabotage, cela ferait entrer dans les caisses du trésor une somme dépassant de 14 millions celle qu’il encaisse à Rouen pour un mouvement annuel de 1 800 000 tonnes. Les droits de douane sont, en effet, en moyenne de 16 francs par 1 000 kilogrammes importés par des navires au long cours.

Quelle que soit la diminution que fera subir à ce chiffre de 14 millions la restitution aux frontières des droits d’entrée, le reliquat restera considérable. L’ouverture du canal à la navigation amènera la construction d’usines de toute nature ; le prix des terrains augmentera, non seulement sur les bords du canal, mais dans toute la banlieue nord de Paris, produisant un accroissement dans les sommes perçues pour transmissions d’immeubles, hypothèques, enregistrement, que l’on ne peut évaluer annuellement à moins de 1 et demi pour 100 du capital représenté par ces terrains et ces usines. Une autre source de revenus proviendra de la perception des impôts indirects sur les nouvelles affaires commerciales.

D’un autre côté, l’État verra diminuer les subventions qu’il paie aux compagnies de chemins de fer, car toutes les lignes aboutissant à Paris, y compris celle de l’Ouest, verront leur trafic s’augmenter. Enfin, le trésor bénéficiera d’une somme annuelle de 478 000 francs, appliquée à l’entretien du fleuve, des ouvrages d’art, et au traitement des ingénieurs et des agens du service de la navigation de la Seine. Si l’on fait le total de tous ces chiffres et si on le multiplie par la durée d’une concession donnée à une société (99 ans), on arrive à un nombre de milliards plus grand que celui que nous avons payé à l’Allemagne en 1871.

A côté de ces avantages permanens, il en est d’accidentels ; ce sont, non des bénéfices directs, mais des pertes évitées lors des fléaux qui périodiquement, mais à des intervalles dont notre science actuelle ne permet pas d’entrevoir la durée, viennent détruire les récoltes et détériorer les immeubles construits dans toutes les parties basses de la vallée de la Seine.

Le fleuve n’est plus celui du temps de l’empereur Julien, et, sans remonter bien loin, on se souvient des désastres causés par la crue de 1876. À cette époque, la plaine de Gennevilliers et celle d’Achères furent couvertes par les eaux ; les terrains bas compris entre l’Eure et le fleuve formèrent une véritable mer de 22 kilomètres carrés de surface. Les pertes des particuliers se chiffrèrent par millions, et l’État eut des réparations importantes à faire à de nombreux ouvrages d’art.

Or, les coupures faites dans les boucles d’Argenteuil-Sartrouville et de Tourville-Oissel, pour le passage du canal, fourniront une double évacuation aux eaux, ce qui en abaissera le niveau. En tenant compte à la fois des remous causés par les débouchés insuffisans des ponts, de celui causé par les sinuosités du fleuve, on calcule que l’abaissement du plan des eaux, pour une crue de l’importance de celle de 1876, serait de 1m,51 à Poses et de 2m,33 à Poissy. Les trois grandes plaines précitées resteraient exondées[8].

A côté de ces avantages, il en est d’autres que nous ne devons pas oublier. Le commandant Lamé, dans une lettre, les colonels Foury et Hennebert, dans des brochures, ont insisté sur l’utilité, en temps de guerre, d’un canal maritime reliant Paris à Rouen. Ces avis, émanant d’officiers du génie, et appuyés par une série de faits et d’exemples, ont une grande valeur, mais elle est accrue par l’opinion d’un général dont le nom fait autorité dans toute l’Europe.

Nous transcrivons ici sa lettre au colonel Hennebert.


« Mon cher colonel,

« Des travaux qui auraient pour résultat de rectifier et d’approfondir la Seine entre Paris et Rouen seraient incontestablement utiles pour faciliter et pour accélérer l’approvisionnement de votre grande place de guerre avant l’arrivée de l’ennemi.

« Le seraient-ils encore de même après l’investissement de cette place ?

« Je n’hésite pas à répondre oui, si l’entrée du fleuve reste libre ; si les écluses de Méricourt et de Poses sont protégées chacune par un fort permanent ; et si Rouen est défendu par des travaux analogues à ceux que l’on avait résolu de construire en 1870.

« La distance à vol d’oiseau de Poissy à Rouen n’étant que de 90 kilomètres, l’ennemi ne pourrait s’établir sur aucun point intermédiaire pour interrompre les communications entre la capitale et la mer, sans avoir affaire, quarante-huit heures après, aux troupes mobiles de l’une ou l’autre des forteresses.

« Il ne pourrait pas non plus prendre possession du Havre, protégé par des batteries de côtes et par l’artillerie navale.

« Le ravitaillement de Paris par la Seine continuerait donc pendant le blocus, aussi longtemps que Rouen resterait au pouvoir des Français. »

Tel est le jugement, ajoute le colonel Hennebert, porté par notre illustre correspondant, et ce jugement nous paraît sans appel possible.


VI

Les avantages de cette création étant bien avérés, reste à savoir comment on pourra les obtenir, quels devront être les profils et le tracé du canal maritime. Dans ces questions, la science doit laisser le pas à l’expérience, qui n’est en somme que de la science concrète ; et surtout au bon sens qui seul nous préserve de solutions utopistes.

Faire, en amont de Rouen, un canal plus profond qu’on aval rentre dans cette catégorie de conceptions ; ce port admet tous les jours des navires d’un tirant d’eau de 5m,90 ; la profondeur du canal (en ajoutant 30 centimètres pour le pied de pilote) sera donc de 6m,20. Si l’on objecte que dans les syzygies les navires d’un tirant d’eau de 7 mètres peuvent à la rigueur venir à Rouen, on répondra que la dépense d’un approfondissement correspondant ne serait pas rémunérée par le profit que l’on en retirerait.

Ce qui s’est fait à l’étranger permet de donner une solution satisfaisante à la question de la largeur du canal.

A Suez, des milliers de navires ont transité k travers l’isthme, lorsque le canal n’avait qu’une largeur de 22 mètres au plafond. Ce chiffre a été adopté pour le canal de Corinthe, tandis que l’on a pris 30 mètres pour le canal de Manchester, qui doit recevoir les grands cotonniers de l’Amérique. Le canal de Kiel a, d’autre part, une largeur de 25 mètres, celui d’Amsterdam de 27, et celui de Gand de 17.

On voit donc qu’en adoptant la dimension de 35 mètres on est presque dans les conditions du plus large des canaux, et Paris ne recevra pas de navires ayant la longueur et le tirant d’eau de ceux qui arrivent à Manchester.

Des observations analogues peuvent être faites au sujet du rayon de courbure minimum que l’on puisse tolérer dans les coudes de la Seine.

A Kiel et dans la Charente, on descend à 800 mètres ; dans l’entrée projetée du port du Havre, les ingénieurs ont proposé des travaux qui forçaient les navires à suivre une courbe d’un rayon de 1 200 mètres, et cette proposition a été acceptée par le conseil général des Ponts et Chaussées. Une courbure d’un rayon de 1 500 mètres pouvant être insérée dans tous les coudes du fleuve, en l’adoptant, on se met à l’abri de toute critique.

Une autre question, qui a son importance, est celle des ponts : les laisser tels quels est impossible ; un navire ne peut passer sous des arches dont les grandes crues atteignent presque les clefs. Belgrand avait proposé la transformation de tous les ponts en ponts mobiles ; et le conseil général n’avait fait d’objection qu’en ce qui concernait le pont de pierre à Rouen, pont peu solide, ce à quoi il était facile de répondre qu’il serait reconstruit. Le prix de ces transformations était évalué à 300 000 francs par Belgrand, chiffre indiqué dernièrement dans le rapport de la commission pour les ponts mobiles du Canal des deux mers ; fût-il d’ailleurs plus élevé, cela ne donnerait lieu à aucune objection.

La question de savoir si un pont mobile peut être placé sur une grande ligne de chemin de fer est plus douteuse.

Le pont sur la Scarpe, qui porte la voie ferrée de la ligne de Paris à Lille, s’ouvre, il est vrai, fréquemment pour le passage des chalands ; le pont du chemin de fer de Cette est aussi mobile. A l’étranger, nous trouvons trois ponts tournans sur le canal de Kiel, servant à des chemins de fer, et plusieurs du même genre en Hollande ; mais, comme on aurait rencontré une opposition formelle de la part du chemin de fer de l’Ouest, il est préférable de laisser la ligne de Paris à Rouen sans solution de continuité, en adoptant le tracé du canal de 1825 (qui est aussi celui de Belgrand) dans les deux boucles d’Argenteuil et de Tourville.

Pour les ponts routiers comme pour les ponts secondaires de chemin de fer, c’est-à-dire pour ceux à faible trafic, la question ne saurait même être posée. Ainsi on peut dire que toutes les difficultés apparentes de la construction d’un canal maritime trouvent leur solution dans ce qui existe soit en France, soit à l’étranger. C’est donc avec une juste appréciation du côté technique de la création d’un canal maritime entre Paris et Rouen que le conseil général des Ponts et Chaussées a pu dire qu’il ne présentait pas de difficultés supérieures à celles que les ingénieurs rencontraient dans des travaux du même genre, et qu’un ministre des travaux publics a déclaré devant une commission de la Chambre des députés qu’il approuvait l’œuvre projetée de Paris port de mer.

Il semble donc que, puisque tout est possible, facile même dans une certaine mesure, que le commerce doit y gagner, que l’État n’ayant à payer ni garantie d’intérêts ni subvention, en retirera des avantages certains, il n’y a qu’une chose à faire : commencer tout de suite les travaux. Mais, si le public et le gouvernement bénéficient de l’ouverture de Paris à la navigation maritime, des particuliers croient qu’ils y perdront ; quelques situations seront modifiées ; des amours-propres se trouveront froissés, et c’est ainsi qu’une question aussi grosse de conséquences heureuses reste sans solution, après avoir obtenu du parlement six rapports favorables, et réuni dans la précédente législature près de trois cents signatures de députés.

On a critiqué la largeur, la profondeur du canal projeté, le nombre de ses écluses ; des ingénieurs ont déclaré que ses biefs, quelle que fût leur longueur, n’auraient pas de pente, quoique cela fût contraire aux lois de la pesanteur ; on a comparé à un jeu de bagues le fait d’un capitaine faisant enfiler à son navire trente travées de ponts mobiles, sans songer que cette opération se fait cent fois par jour sur la Seine pour les caboteurs et pour les chalands, et que la difficulté est d’autant plus grande, en ce qui regarde ces derniers, que leur manœuvre n’est pas indépendante et que leur distance du remorqueur peut être de 400 mètres.

Les quelques modifications apportées au plan des eaux de la Seine ont paru aux uns devoir entraîner le dessèchement de la Normandie, tandis que, pour d’autres, l’inondation de la vallée pourrait provenir des sources mises à jour par le dragage du lit de la Seine. On a parlé aussi de la stérilisation des îles, verdoyantes aujourd’hui, ainsi que du bord du fleuve, par le dépôt des matières extraites de son lit, en oubliant que malheureusement, à l’heure actuelle, ces alluvions sont un engrais.

Quant à la banquette placée le long de la rive gauche, au moyen d’apports empruntés au fleuve, et qui devait à jamais en séparer les propriétés, bouchant la vue et détruisant tout l’agrément de ces lieux, réputés pour leur agrément pittoresque, on omettait de dire qu’elle ne serait placée que sur la demande et aux frais du ministère de la guerre, comme un complément de la défense nationale, et dans ce cas nul ne songerait à s’y opposer. Ajoutons qu’en raison de la déclivité des rives, ni la vue, ni le pittoresque ne seraient modifiés, ni l’accès au fleuve intercepté. En réalité, les vrais, les seuls motifs de ces critiques étaient que certains intérêts, à Rouen et au Havre, se croyaient menacés ; que la batellerie craignait la concurrence des navires ; et que les ingénieurs de la navigation s’opposaient à ce que l’on modifiât leurs derniers travaux.

La ville de Rouen a tout d’abord prétendu que l’État ne pouvait pas autoriser l’ouverture du pont qui unissait à elle le faubourg Saint-Sever. Sans invoquer le texte d’une charte, vieille de six siècles, qui défendait à tous autres qu’aux marchands de Rouen de commercer par eau dans le royaume de France, la ville réclamait la prescription acquise par l’ancienneté de la construction du pont de pierre, et la nécessité d’une jonction ne faisant qu’une ville des agglomérations situées sur les deux bords du fleuve. Citons ici le texte d’une ordonnance royale de 1681 ayant encore force de loi et régissant la matière. « Il est défendu de bastir sur le rivage de la mer, d’y planter aucun pieu ni faire aucun ouvrage qui puisse porter préjudice à la navigation, à peine de démolition des ouvrages, de confiscation des matériaux et d’amende arbitraire. Des autorisations peuvent être données pour construire ces ouvrages, mais elles sont temporaires et révocables comme tout ce qui regarde le domaine public. » Or, le rivage de la mer comprend tout ce qu’atteint le flot de mars, c’est-à-dire qu’il dépasse de beaucoup le port de Rouen. A côté du droit, qui est formel, nous pouvons dire que les Parisiens supportent l’établissement du pont tournant de la rue de Crimée, séparant du centre de Paris des faubourgs plus peuplés que celui de Saint-Sever, et s’ouvrant chaque jour plus souvent que ne le feront les ponts de Rouen.

La batellerie et ses défenseurs ont cherché à prouver que le chaland coûtait moins cher que le navire, qu’il était plus approprié au régime du fleuve ; et les intermédiaires, que leurs soins étaient payés au plus bas prix. Ce qu’il y a de particulier, c’est que tous les argumens contre la montée des navires au delà de Rouen étaient ceux que les Havrais, il n’y a pas bien longtemps, émettaient pour empêcher l’amélioration de la basse-Seine. Pour eux aussi, la batellerie faisait les transports à très bon marché ; l’intermédiaire du Havre ne prenait qu’une somme modique ; et ce port était le vrai port de Rouen. Cette querelle de deux villes rivales s’est apaisée pour un moment devant le danger commun, suivant elles, de voir Paris devenir un port véritable. Dans les deux villes on déclare que leur commerce sera frappé de mort ; et, avec une absence curieuse de logique, certaines pétitions ajoutent que cette création est inutile et qu’aucun navire n’ira à Paris.

Une entente parfaite n’existe donc pas entre tous les adversaires du projet nouveau, car il en est qui prédisent la ruine de tous les ports de la Manche, les bénéfices des Parisiens devant être scandaleux, et un inspecteur général des Ponts et Chaussées termine son rapport sur cette question en disant : « que le gouvernement doit prendre des précautions contre cette pléthore de richesse dévolue par lui à une société. »

Nous ne pouvons suivre en détail des critiques qui s’appliquent, non, en réalité, à un projet déterminé, mais à tout projet facilitant l’arrivée des navires à Paris. Celui qui est soumis au parlement a été examiné au microscope ; on s’est inquiété aussi bien des passeurs de bacs que de la pisciculture de la Seine ; de l’abaissement des eaux dans quelques puits ; et de ce qui pourrait bien arriver si une société concessionnaire suspendait ses travaux. A l’heure actuelle, tout a été dit, dans cent brochures auxquelles cent réponses ont été faites ; il ne reste plus qu’à attendre un vote du parlement, en désirant qu’il ait lieu le plus tôt possible.


VII

Terminons cette étude en disant quelques mots de ce qui se passe à l’étranger. Les congrès de navigation nous ont fait connaître la situation des derniers travaux maritimes, et, chose à noter, les ingénieurs français qui s’y sont rendus votaient toujours avec les étrangers, lorsqu’il s’agissait de la pénétration des navires dans l’intérieur des terres. A Paris, dans une réunion tenue il y a quelques années, le même principe fut bien admis par eux, mais ils auraient voulu voir ajouter comme amendement : que la construction serait faite exclusivement par l’État, ce que la majorité a repoussé. On ne peut, en effet, forcer un gouvernement à faire des dépenses urgentes que son budget ne pourrait supporter. D’un autre côté n’est-il pas naturel de demander aux négocians de faire les fonds d’une œuvre dont ils doivent bénéficier ?

Le canal de Manchester a été construit dans ces conditions, pour soustraire les commerçans de cette ville aux taxes du port de Liverpool, à la prime laissée aux intermédiaires, et aux tarifs élevés des chemins de fer.

La lutte afin d’obtenir la concession fut vive et dura longtemps ; Liverpool battu imposa des conditions onéreuses, soi-disant pour ne pas modifier le régime de la Mersey. Le canal fait le tour de ce grand estuaire, il est creusé en partie dans des schistes, et l’on dut acheter le « Bridge-water canal)>, contre lequel venait butter, et en contre-bas, le canal maritime. Les ingénieurs anglais, après avoir payé 44 millions de francs cette acquisition, qui ne rapporte rien, ont dû construire un pont-canal tournant, ouvrage unique au monde, pour le passage des chalands. Comme résultat d’une opération que les circonstances ont rendue très onéreuse, le canal a reçu, dans l’exercice 1896-1897, près de 2 millions de tonnes. D’un semestre à l’autre, l’accroissement a été de 16 pour 100.

Si les bénéfices sont encore nuls, les négocians disent d’autre part qu’ils ont gagné 30 millions de francs, en recevant directement leurs marchandises, et par l’abaissement des tarifs des chemins de fer qui en a été la conséquence. Il y a d’ailleurs, appartenant à la compagnie du canal, une vaste étendue de terrains à bâtir dont la vente pourra servir à rembourser les actionnaires ; enfin, comme toute entreprise à ses débuts rencontre des obstacles inattendus, si le trafic n’augmente pas plus rapidement, c’est que nombre de manufacturiers sont liés par des traités avec les armateurs de Liverpool[9].

Nous nous sommes quelque peu étendus sur ce canal dont la construction a été présentée comme un échec par les adversaires de Paris port de mer, mais nous pouvons noter qu’on aurait pu en dire autant du canal de Suez en 1871.

Celui de Kiel, canal creusé en vue de la marine de guerre, devait, d’après les devis des ingénieurs, recevoir 20 000 navires ; il en a vu transiter 22 000, la seconde année de son exploitation.

Le canal d’Amsterdam, fait aussi par l’État, de même que le canal de Saint-Pétersbourg, fonctionne parfaitement, au grand bénéfice des négocians. Des améliorations ont été faites pour que les grands navires puissent arriver à Hambourg ; le tonnage y a atteint plus de 8 millions de tonnes. A Rotterdam, le contingent de 1896 s’est élevé au chiffre fabuleux de 16 millions de tonnes.

La conséquence de l’amélioration des estuaires, du creusement du lit des fleuves, a été partout la même ; nous avons vu, d’ailleurs, Rouen quadrupler son trafic, à la suite des travaux de la basse-Seine.

Quant aux œuvres en préparation, elles sont nombreuses ; les plans de Bruxelles port de mer sont approuvés ; les travaux vont commencer.

On veut aussi galvaniser la vieille cité de Bruges. Partout, du côté de notre frontière du Nord comme du côté du Rhin, le mouvement s’accuse pour faciliter l’introduction des matières premières et la sortie de celles ouvrées.

En Amérique, c’est sur une échelle beaucoup plus vaste que se poursuit cette évolution. Le tonnage de la région des lacs dépasse le chiffre de 63 millions et des navires de 2 500 tonnes à 3 000 tonnes y naviguent, offrant des frets au prix de un vingtième de centime par tonne et par kilomètre. A cet énorme mouvement, les Américains veulent avoir une issue à la mer, et dans cette intention ils portent à 6m,10 le canal qui conduit au Saint-Laurent. A Sault-Sainte-Marie, une des étapes de cette voie, il a passé déjà, en 1895, 16 millions de tonneaux, portés par 12 495 vapeurs et 4 700 navires à voiles.

De toutes parts, nous constatons une progression considérable dans les trafics et, comme conséquence de l’augmentation du tonnage des ports étrangers de la mer du Nord, une diminution chez plusieurs des nôtres. Nos marchandises vont où le fret est le moins élevé, où les départs sont fréquens et réguliers, et nos voisins encouragent cette émigration de nos produits, en réduisant les tarifs de leurs voies ferrées et de leurs canaux. C’est pour parer à un véritable danger que nous demandons la création de Paris port de mer.


BOUQUET DE LA GRYE.

  1. J’ai connu deux des ingénieurs qui avaient travaillé à ce levé, MM. Mathieu et Dausse. Le premier a laissé un nom parmi les astronomes. M. Dausse, correspondant de l’Institut, est mort à Rome, il y a quelques années, presque centenaire.
  2. Nous ne parlons pas ici des modifications provenant de l’envoi au fleuve des matières usées de la grande ville ; elles seront, il faut l’espérer, temporaires. Mais le lit de la Seine est tapissé, à l’heure actuelle, à partir d’Asnières, d’une couche épaisse d’une boue infecte, et le sable, provenant de la destruction du macadam, n’étant pas entièrement enlevé à la sortie de l’égout, vient former des seuils en différens points.
  3. Il est contrôlé dans la Seine, en ce que le calcaire, couvert par des alluvions, se trouve à une plus grande profondeur sur le côté convexe des rives, dans les coudes, que sur l’autre bord.
  4. Nous prenons le kilomètre pour unité de longueur pour faciliter les comparaisons. A la mer, on compte par milles de 1852 mètres.
    La navigation dans les lacs du Nord de l’Amérique se fait à l’heure actuelle sur le taux de un vingtième de centime par tonne et par kilomètre avec des navires de 2 500 et de 3 000 tonnes.
  5. En ce qui concerne la houille, M. Krantz admet, avec tous les négocians, qu’un transbordement diminue sa valeur de 2 francs.
  6. Rapport de la Commission d’enquête de la Seine.
  7. Cette Commission était composée ainsi qu’il suit : MM. Alphand, inspecteur général des ponts et chaussées, président ; de Bussy, inspecteur général du génie maritime ; Chambrelent et Gauckler, inspecteurs généraux des ponts et chaussées ; Buret, contre-amiral ; Prévet, député ; Ménier, manufacturier ; Boll et Bompard, conseillers municipaux ; Bailly et Lefoullon, conseillers généraux ; Poirrier, sénateur, rapporteur.
  8. Nous pouvons dire ici que les chutes d’eau de chaque barrage restent inutilisées, le fleuve s’écoule entre les fermettes qui le surélèvent. Il en serait autrement s’il était entre les mains d’une société commerciale.
  9. Tied fast, hand und fool, to the shipowners (discours du chairman à la dernière assemblée).