Paroles de Noël Parfait à ses concitoyens/II

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Paroles de Noël Parfait à ses concitoyens
Paroles de Noël Parfait à ses concitoyensImp. DurandTroisième série. 1881-1885. (Septembre 1885.) (p. 6-8).


II

INAUGURATION

DE L’USINE À GAZ

ET DU

NOUVEL ÉCLAIRAGE

DE LA VILLE D’ÉPERNON


9 octobre 1881


Messieurs et chers Concitoyens,

Le Conseil municipal d’Épernon, fidèle interprète du sentiment populaire, a voulu que l’inauguration de l’éclairage au gaz de cette pittoresque et aimable ville, et l’entrée en possession de l’usine génératrice du gaz fussent l’objet d’une fête publique, qui en marquât solennellement la date.

Le Conseil a été bien inspiré : car toute réforme tendante à l’accroissement du bien-être commun, tout progrès accompli dans ce but doit être un sujet de réjouissance pour une population républicaine.

Or n’est-ce pas un important progrès matériel, que l’application du gaz, non seulement à l’éclairage des villes et des habitations, mais encore aux usages domestiques et aux multiples besoins de l’industrie ?

On reconnaît là un des innombrables bienfaits dont le monde civilisé est redevable au génie moderne, à ce XIXe siècle, si fécond en inventions et en découvertes de toute sorte, aussi étonnantes qu’elles sont utiles à l’humanité ! Oui, le siècle où nous vivons est, sous ce rapport, un siècle incomparable ; car jamais la science n’avait à ce point pénétré les secrets de la nature, ni obtenu, de ses travaux d’investigation, des fruits si merveilleux et des résultats si pratiques.

La cérémonie à laquelle vous avez bien voulu nous convier, Monsieur le maire, au nom de vos collaborateurs et au vôtre, est un hommage implicite rendu à l’admirable mouvement scientifique de notre époque. Vous lui avez emprunté une de ses forces, à ce mouvement sans égal, en créant l’usine dont nous avons admiré tantôt les heureuses dispositions ; ce foyer d’où le gaz jaillira, chaque soir, pour venir illuminer votre ville, en couronnant de ses lueurs le monument patriotique qui la domine.

Si vous n’avez pas réalisé plus tôt cette précieuse amélioration, on en connaît les motifs, et ils sont à votre honneur. C’est qu’avant de perfectionner chez vous la lumière physique, vous teniez à ce que la lumière intellectuelle y reçût la plus large expansion possible, et que vous avez alors engagé temporairement vos ressources dans la construction d’une école primaire de garçons et d’une salle d’asile qui peuvent être citées comme des modèles d’installation.

Le moment où vous greviez votre budget dans cet intérêt de premier ordre était d’autant plus propice, qu’en même temps arrivait à la direction de votre école un instituteur que mes paroles vont sans doute froisser dans sa modestie, un maître dont la compétence et le dévouement professionnels vous donnaient la certitude que vos sacrifices ne seraient point stériles, que les élèves confiés à ses soins seraient instruits à devenir de braves et honnêtes gens, des hommes utiles, des citoyens tels que la République a besoin d’en avoir.

L’événement n’a pas trompé votre attente ; et, de même que cette austère et illustre Romaine qui montrait ses enfants comme la seule parure digne d’elle, la ville d’Épernon, en montrant les siens, peut dire à son tour : « Voilà mon luxe ! voilà mes ornements et mes joyaux ! »

Poursuivez, Messieurs, avec le même succès, la tâche réformatrice que vous avez entreprise. Donnez-nous bientôt une école de filles égale à celle des garçons, et votre administration laissera de durables souvenirs, n’eût-elle atteint que ce double but :

De la lumière à la cité, et des lumières à ses enfants !