Pauline (1881)/VI

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy (p. 177-205).
◄  V
VII  ►


VI


Montgenays vit les précautions que Laurence prenait pour l’éloigner de Pauline ; il vit aussi la sombre tristesse qui s’emparait de cette jeune fille. Il la pressa de questions ; mais, comme elle était encore avec lui sur la défensive et qu’elle ne voulait plus lui parler qu’à la dérobée, il ne put rien apprendre de certain. Seulement, il remarqua l’espèce d’autorité que, dans la candeur de son amitié, Laurence ne craignait pas de s’arroger sur son amie, et il remarqua aussi que Pauline ne s’y soumettait qu’avec une sorte d’indignation contenue. Il crut que Laurence commençait à la faire souffrir de sa jalousie ; il ne voulut pas supposer que ses préférences pour une autre pussent laisser Laurence indifférente et loyale.

Il continua à jouer ce rôle fantasque, décousu avec intention, qui devait les laisser toutes deux dans l’incertitude. Il affecta de passer des semaines entières sans paraître devant elles ; puis, tout à coup, il redevenait assidu, se donnait un air inquiet, tourmenté, montrant de l’humeur lorsqu’il était calme, feignant l’indifférence lorsqu’on pouvait lui supposer du dépit. Cette irrésolution fatiguait Laurence et désespérait Pauline. Le caractère de cette dernière s’aigrissait de jour en jour. Elle se demandait pourquoi Montgenays, après lui avoir montré tant d’empressement, devenait si nonchalant à vaincre les obstacles qu’on avait mis entre eux. Elle s’en prenait secrètement à Laurence de lui avoir préparé ce désenchantement, et ne voulait pas reconnaître qu’en l’éclairant on lui rendait service. Lorsqu’elle interrogeait Montgenays, d’un air qu’elle essayait de rendre calme, sur ses fréquentes absences, il lui répondait, s’il était seul avec elle, qu’il avait eu des occupations, des affaires indispensables ; mais, si Laurence était présente, il s’excusait sur la simple fantaisie d’un besoin de solitude ou de distraction.

Un jour, Pauline lui dit devant madame S…, dont la présence assidue lui était un supplice, qu’il devait avoir une passion dans le grand monde, puisqu’il était devenu si rare dans la société des artistes, Montgenays répondit assez brutalement :

— Quand cela serait, je ne vois pas en quoi une personne aussi grave que vous pourrait s’intéresser aux folies d’un jeune homme.

En cet instant, Laurence entrait dans le salon. Au premier regard, elle vit un sourire douloureux et forcé sur le visage de Pauline. La mort était dans son âme. Laurence s’approcha d’elle et posa la main affectueusement sur son épaule. Pauline, ramenée à un sentiment de tendresse par une souffrance qu’en cet instant du moins elle ne pouvait pas imputer à sa rivale, retourna doucement la tête et effleura de ses lèvres la main de Laurence. Elle semblait lui demander pardon de l’avoir haïe et calomniée dans son cœur. Laurence ne comprit ce mouvement qu’à moitié, et appuya sa main plus fortement, en signe de profonde sympathie, sur l’épaule de la pauvre enfant. Alors Pauline, dévorant ses larmes et faisant un nouvel effort :

— J’étais, dit-elle en crispant de nouveau ses traits pour sourire, en train de reprocher à votre ami l’abandon où il vous laisse.

L’œil scrutateur de Laurence se porta sur Montgenays, il prit ce regard de sévère équité pour un élan de colère féminine, et, se rapprochant d’elle :

— Vous en plaignez-vous, madame ? dit-il avec une expression qui fit tressaillir Pauline.

— Oui, je m’en plains, répondit Laurence d’un ton plus sévère encore que son regard.

— Eh bien, cela me console de ce que j’ai souffert loin de vous, dit Montgenays en lui baisant la main.

Laurence sentit frissonner Pauline.

— Vous avez souffert ? dit madame S…, qui voulait pénétrer dans l’âme de Montgenays ; ce n’est pas ce que vous disiez tout à l’heure. Vous nous parliez de folies de jeune homme qui vous auraient un peu étourdi sur les chagrins de l’absence.

— Je me prêtais à la plaisanterie que vous m’adressiez, répondit Montgenays. Laurence ne s’y fût pas trompée. Elle sait bien qu’il n’est plus de folies, plus de légèretés de cœur possibles à l’homme qu’elle honore de son estime.

En parlant ainsi, son œil brillait d’un feu qui donnait à ses paroles un sens fort opposé à celui d’une paisible amitié. Pauline épiait tous ses mouvements ; elle vit ce regard, et elle en fut atteinte jusqu’au cœur. Elle pâlit et repoussa la main de Laurence par un mouvement brusque et hautain. Laurence eut un moment de surprise. Elle interrogea des yeux sa mère, qui lui répondit par un signe d’intelligence. Au bout d’un instant, elles sortirent sous un léger prétexte, et enlaçant leurs bras l’une à l’autre, firent quelques tours de promenade sur la terrasse du jardin. Laurence commençait enfin à pénétrer le mystère d’iniquité dont s’enveloppait le lâche amant de Pauline.

— Ce que je crois deviner, dit-elle à sa mère avec agitation, me bouleverse. J’en suis indignée, je n’ose y croire encore.

— Il y a longtemps que j’en ai la conviction, répondit madame S… Il joue une odieuse comédie ; mais ses prétentions s’élèvent jusqu’à toi, et Pauline est sacrifiée à ses orgueilleux projets.

— Eh bien ! répondit Laurence, je détromperai Pauline ; pour cela, il me faut une certitude ; je le laisserai s’avancer, et je le dévoilerai quand il sera pris au piége. Puisqu’il veut engager avec moi une intrigue de théâtre si vulgaire et si connue, je le combattrai par les mêmes moyens, et nous verrons lequel de nous deux sait le mieux jouer la comédie. Je n’aurais jamais cru qu’il voulût se mettre en concurrence avec moi, lui dont ce n’est pas la profession.

— Prends garde ! dit madame S… ; tu t’en feras un ennemi mortel, et un ennemi littéraire, qui plus est.

— Puisqu’il faut toujours avoir des ennemis dans le journalisme, reprit Laurence, que m’importe un de plus ? Mon devoir est de préserver Pauline, et, pour qu’elle ne souffre pas l’idée d’une trahison de ma part, je vais, avant tout, l’avertir de mes desseins.

— Ce sera le moyen de les faire avorter, répondit madame S… Pauline est plus engagée avec lui que tu ne penses. Elle souffre, elle aime, elle est folle. Elle te haïra quand tu l’auras fait.

— Eh bien ! qu’elle me haïsse s’il le faut, dit Laurence en laissant échapper quelques larmes ; j’aime mieux supporter cette douleur que de la voir devenir victime d’une infamie.

— En ce cas, attends-toi à tout ; mais, si tu veux réussir, ne l’avertis pas. Elle préviendrait Montgenays, et tu te compromettrais avec lui en pure perte.

Laurence écouta les conseils de sa mère. Lorsqu’elle rentra au salon, Pauline et Montgenays avaient échangé aussi quelques mots qui avaient rassuré la malheureuse dupe. Pauline était rayonnante ; elle embrassa son amie d’un air où perçaient la haine et l’ironie du triomphe. Laurence renferma le chagrin mortel qu’elle en ressentit, et comprit tout à fait le jeu que jouait Montgenays.

Ne voulant pas s’abaisser à donner une espérance positive à ce misérable, elle imita son air et ses manières, et s’enferma dans un système de bizarreries mystérieuses. Elle joua tantôt la mélancolie inquiète d’un amour méconnu, tantôt la gaieté forcée d’une résolution courageuse. Puis elle semblait retomber dans de profonds découragements. Incapable d’échanger avec Montgenays un regard provoquant, elle prenait le temps où elle était observée par lui et où Pauline avait le dos tourné, pour la suivre des yeux avec l’impatience d’une feinte jalousie. Enfin, elle fit si bien le personnage d’une femme au désespoir, mais fière jusqu’à préférer la mort à l’humiliation d’un refus, que Montgenays transporté oublia son rôle, et ne songea plus qu’à deviner celui qu’elle avait pris. Sa vanité l’interprétait suivant ses désirs ; mais il n’osait encore se risquer, car Laurence ne pouvait se décider à provoquer clairement une déclaration de sa part. Excellente artiste qu’elle était, il lui était impossible de représenter parfaitement un personnage sans vraisemblance, et elle disait un jour à Lavallée, que, malgré elle, sa mère avait mis dans la confidence (il avait, d’ailleurs, tout deviné de lui-même) :

— J’ai beau faire, je suis mauvaise dans ce rôle. C’est comme quand je joue une mauvaise pièce, je ne puis me mettre dans la situation. Il te souvient que, quand nous étions en scène avec ce pauvre Mélior, qui disait si tranquillement les choses du monde les plus passionnées, nous évitions de nous regarder pour ne pas rire ; eh bien ! avec ce Montgenays, c’est absolument de même ; quand tu es là et que mes yeux rencontrent les tiens, je suis au moment d’éclater ; alors, pour me conserver un air triste, il faut que je pense au malheur de Pauline, et ceci me remet en scène naturellement ; mais à mes dépens, car mon cœur saigne. Ah ! je ne savais pas que la comédie fût plus fatigante à jouer dans le monde que sur les planches !

— Il faudra que je t’aide, répondit Lavallée ; car je vois bien que, seule, tu ne viendras jamais à bout de faire tomber son masque. Repose-toi sur moi du soin de le forcer dans ses derniers retranchements sans te compromettre sérieusement.

Un soir, Laurence joua Hermione dans la tragédie d’Andromaque. Il y avait longtemps que le public attendait sa rentrée dans cette pièce. Soit qu’elle l’eût bien étudiée récemment, soit que la vue d’un auditoire nombreux et brillant l’électrisât plus qu’à l’ordinaire, soit enfin qu’elle eût besoin de jeter dans ce bel ouvrage toute la verve et tout l’art qu’elle employait si désagréablement depuis quinze jours avec Montgenays, elle y fut magnifique, et y eut un succès tel qu’elle n’en avait point encore obtenu au théâtre. Ce n’était pas tant le génie que la réputation de Laurence qui la rendait si désirable à Montgenays. Les jours où elle était fatiguée et où le public se montrait un peu froid pour elle, il s’endormait plus tranquillement, dans la pensée qu’il pouvait échouer dans son entreprise ; mais, lorsqu’on la rappelait sur la scène et qu’on lui jetait des couronnes, il ne dormait point et passait la nuit à machiner ses plans de séduction. Ce soir-là, il assistait à la représentation, dans une petite loge sur le théâtre, avec Pauline, madame S… et Lavallée. Il était si agité des applaudissements frénétiques que recueillait la belle tragédienne, qu’il ne songeait pas seulement à la présence de Pauline. Deux ou trois fois il la froissa avec ses coudes (on sait que ces loges sont fort étroites) en battant des mains avec emportement. Il désirait que Laurence le vît, l’entendît par-dessus tout le bruit de la salle ; et Pauline s’étant plainte avec aigreur de ce que son empressement à applaudir l’empêchait d’entendre les derniers mots de chaque réplique, il lui dit brutalement :

— Qu’avez-vous besoin d’entendre ? Est-ce que vous comprenez cela, vous ?

Il y avait des moments où, malgré ses habitudes de diplomatie, Montgenays ne pouvait réprimer un dédain grossier pour cette malheureuse fille. Il ne l’aimait point, quelles que fussent sa beauté et les qualités réelles de son caractère ; et il s’indignait en lui-même de l’aplomb crédule de cette petite bourgeoise, qui croyait effacer à ses yeux l’éclat de la grande actrice ; et lui aussi était fatigué, dégoûté de son rôle… Quelque méchant qu’on soit, on ne réussit guère à faire le mal avec plaisir. Si ce n’est le remords, c’est la honte qui paralyse souvent les ressources de la perversité.

Pauline se sentit défaillir. Elle garda le silence ; puis, au bout d’un instant, elle se plaignit de ne pouvoir supporter la chaleur ; elle se leva et sortit. La bonne madame S…, qui la plaignait sincèrement, la suivit et la conduisit dans la loge de Laurence, où Pauline tomba sur le sofa et perdit connaissance. Tandis que madame S… et la femme de chambre de Laurence la délaçaient et tâchaient de la ranimer, Montgenays, incapable de songer au mal qu’il lui avait fait, continuait à admirer et à applaudir la tragédienne. Lorsque l’acte fut fini, Lavallée s’empara de lui, et, se composant le visage le plus sincère que jamais l’artifice du comédien ait porté sur la scène :

— Savez-vous, lui dit-il, que jamais notre Laurence n’a été plus étonnante qu’aujourd’hui ? Son regard, sa voix, ont pris un éclat que je ne leur connaissais pas. Cela m’inquiète.

— Comment donc ? reprit Montgenays. Craindriez-vous que ce ne fût l’effet de la fièvre ?

— Sans aucun doute ; ceci est une vigueur fébrile, reprit Lavallée. Je m’y connais ; je sais qu’une femme délicate et souffrante comme elle l’est n’arrive point à de tels effets sans une excitation funeste. Je gagerais que Laurence est en défaillance durant tout l’entr’acte. C’est ainsi que cela se passe chez ces femmes dont la passion fait toute la force.

— Allons la voir ! dit Montgenays en se levant.

— Non pas, répondit Lavallée en le faisant rasseoir avec une solennité dont il riait en lui-même. Ceci ne serait guère propre à calmer ses esprits.

— Que voulez-vous dire ? s’écria Montgenays.

— Je ne veux rien dire, répondit le comédien de l’air d’un homme qui craint de s’être trahi.

Ce jeu dura pendant tout l’entr’acte. Montgenays ne manquait pas de méfiance, mais il manquait de pénétration. Il avait trop de fatuité pour voir qu’on le raillait. D’ailleurs, il avait affaire à trop forte partie, et Lavallée se disait en lui-même :

— Oui-dà ! tu veux te frotter à un comédien qui, pendant cinquante ans, a fait rire et pleurer le public sans seulement sortir ses mains de ses poches ! tu verras !

À la fin de la soirée, Montgenays avait la tête perdue. Lavallée, sans lui dire une seule fois qu’il était aimé, lui avait fait entendre de mille manières qu’il l’était passionnément. Aussitôt que Montgenays s’y laissait prendre ouvertement, il feignait de vouloir le détromper, mais avec une gaucherie si adroite que le mystifié s’enferrait de plus en plus. Enfin, durant le cinquième acte, Lavallée alla trouver madame S…

— Emmenez coucher Pauline, lui dit-il, faites-vous accompagner de la femme de chambre, et ne la renvoyez à votre fille qu’un quart d’heure après la fin du spectacle. Il faut que Montgenays ait un tête-à-tête avec Laurence dans sa loge. Le moment est venu ; il est à nous : je serai là, caché derrière la psyché ; je ne quitterai pas votre fille d’un instant. Allez, et fiez-vous à moi.

Les choses se passèrent comme il l’avait prévu, et le hasard les seconda encore. Laurence, rentrant dans sa loge, appuyée sur le bras de Montgenays, et n’y trouvant personne (Lavallée était déjà caché derrière le rideau qui couvrait les costumes accrochés à la muraille, et la glace le masquait en outre), demanda où était sa mère et son amie. Un garçon de théâtre qui passait dans le couloir, et à qui elle adressa cette question, lui répondit (et cela était malheureusement vrai) qu’on avait été forcé d’emmener mademoiselle D…, qui avait des convulsions. Laurence ne savait pas la scène que lui ménageait Lavallée ; d’ailleurs, elle l’eût oubliée en apprenant cette triste nouvelle. Son cœur se serra, et, l’idée des souffrances de son amie se joignant à la fatigue et aux émotions de la soirée, elle tomba sur son siége et fondit en larmes. C’est alors que l’impertinent Montgenays, se croyant le maître et le tourment de ces deux femmes, perdit toute prudence, et risqua la déclaration la plus désordonnée et la plus froidement délirante qu’il eût faite de sa vie. C’était Laurence qu’il avait toujours aimée, disait-il ; c’était elle seule qui pouvait l’empêcher de se tuer ou de faire quelque chose de pis, un suicide moral, un mariage de dépit. Il avait tout tenté pour se guérir d’une passion qu’il ne croyait pas partagée, il s’était jeté dans le monde, dans les arts, dans la critique, dans la solitude, dans un nouvel amour ; mais rien n’avait réussi. Pauline était assez belle pour mériter son admiration ; mais, pour sentir autre chose pour elle qu’une froide estime, il eût fallu ne pas voir sans cesse Laurence à côté d’elle. Il savait bien qu’il était dédaigné, et dans son désespoir, ne voulant pas faire le malheur de Pauline en la trompant davantage il allait s’éloigner pour jamais !… En annonçant cette humble résolution, il s’enhardit jusqu’à saisir une main de Laurence, qui la lui arracha avec horreur. Un instant elle fut transportée d’une telle indignation, qu’elle allait le confondre ; mais Lavallée, qui voulait qu’elle eût des preuves, s’était glissé jusqu’à la porte, qu’il avait à dessein recouverte d’un pan de rideau jeté là comme par hasard. Il feignit d’arriver, frappa, toussa et entra brusquement. D’un coup d’œil, il contint la juste colère de l’actrice, et, tandis que Montgenays le donnait au diable, il parvint à l’emmener, sans lui laisser le temps de savoir l’effet qu’il avait produit. La femme de chambre arriva, et, tandis qu’elle rhabillait sa maîtresse, Lavallée se glissa auprès d’elle et en deux mots l’informa de ce qui s’était passé. Il lui dit de faire la malade et de ne point recevoir Montgenays le lendemain ; puis il retourna auprès de celui-ci et le reconduisit chez lui, où il s’installa jusqu’au matin, lui montant toujours la tête et s’amusant tout seul, avec un sérieux vraiment comique, de tous les romans qu’il lui suggérait. Il ne sortit de chez lui qu’après lui avoir persuadé d’écrire à Laurence ; et à midi il y retourna et voulut lire cette lettre que Montgenays, en proie à une insomnie délirante, avait déjà faite et refaite cent fois. Le comédien feignit de la trouver trop timide, trop peu explicite.

— Soyez sûr, lui dit-il, que Laurence doutera de vous encore longtemps ; votre fantaisie pour Pauline a dû lui inspirer une inquiétude que vous aurez de la peine à détruire. Vous savez l’orgueil des femmes ; il faut sacrifier la provinciale et vous exprimer clairement sur le peu de cas que vous en faites. Vous pouvez arranger cela sans manquer à la galanterie. Dites que Pauline est un ange peut-être, mais qu’une femme comme Laurence est plus qu’un ange ; dites ce que vous savez si bien écrire dans vos nouvelles et dans vos saynètes. Allez, et surtout ne perdez pas de temps ; on ne sait pas ce qui peut se passer entre ces deux femmes. Laurence est romanesque, elle a les instincts sublimes d’une reine de tragédie. Un mouvement généreux, un reste de crainte, peuvent la porter à s’immoler à sa rivale… Rassurez-la pleinement, et, si elle vous aime, comme je le crois, comme j’en ai la ferme conviction, bien qu’on n’ait jamais voulu me l’avouer, je vous réponds que la joie du triomphe fera taire tous les scrupules.

Montgenays hésita, écrivit, déchira la lettre, la recommença… Lavallée la porta à Laurence.