Pausanias, Attique-1, chapitre I

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Description de la Grèce de Pausanias, tome 1
Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (1p. 3-8).
DESCRIPTION
DE LA GRÈCE
Par PAUSANIAS
LIVRE I. ATTIQUE

chapitre I.

Les promontoires Sunium et Laurium. Le Pirée. Munychie et Phalère, ports. Colias.

Dans cette partie du continent de la Grèce qui regarde les Cyclades et la mer Égée, s’élève en avant de l’Attique le promontoire Sunium. En le cotoyant vous trouvez un port, et sur le sommet du promontoire le temple de Minerve Suniade. En naviguant un peu plus avant, vous voyez Laurium, où étoient jadis les mines d’argent des Athéniens, et une petite île déserte nommée l’île de Patrocle.

Ce Patrocle commandoit les vaisseaux que Ptolémée, fils de Ptolémée, et petit-fils de Lagus, envoya au secours des Athéniens contre Antigone, fils de Démétrius, qui ravageoit lui-même leur pays avec ses troupes de terre, tandis que ses vaisseaux les tenoient bloqués. Patrocle plaça son camp dans cette île et y construisit un fort. Le Pirée étoit déjà anciennement un bourg, mais il n’y avoit point de port avant que Thémistocle fût archonte, et Phalère étoit alors le port des Athéniens ; c’est là en effet que la mer est le plus près de la ville. Ménésthée partit, dit-on, de Phalère pour se rendre au siège de Troie, et Thésée s’y étoit embarqué auparavant pour aller donner à Minos satisfaction de la mort d’Androgée.

Thémistocle, lorsqu’il fut archonte, trouvant que le Pirée étoit bien plus commode pour les navigateurs, et offroit d’ailleurs trois ports au lieu d’un seul qu’il y avoit à Phalère, y fit les constructions nécessaires pour le rendre praticable, et les loges destinées à recevoir les vaisseaux y étoient encore de mon temps. Le tombeau de Thémistocle est vers le plus grand de ces ports, car on dit que les Athéniens s’étant repentis de leur injustice à son égard, ses os furent apportés de Magnésie par ses parens. Il paroît que ses enfans revinrent aussi à Athènes, et ils placèrent dans le Parthénon un tableau représentant Thémistocle.

L’enceinte consacrée à Jupiter et à Minerve est ce que le Pirée offre de plus remarquable. Jupiter tient son sceptre d’une main, une Victoire de l’autre, et Minerve tient une pique ; ces deux statues sont en bronze. On y voit le tableau où Arcésilas a peint Léosthènes et ses enfants : ce Léosthènes à la tête des Athéniens et de tous les autres Grecs, ayant défait les Macédoniens, d’abord dans la Bæotie, ensuite au-delà des Thermo pyles, les obligea de se renfermer dans Lamie, de l’autre côté du mont Eta. Un long portique sert de marché à ceux qui demeurent près de la mer, (car il y a un autre marché pour ceux qui sont plus éloignés du port).

On voit derrière ce portique, deux statues, représentant Jupiter, et le Peuple, tous deux debout ; elles sont de Léocharès. Sur le bord de la mer est un temple de Vénus que Conon fit bâtir après la victoire navale qu’il remporta sur les Lacédémoniens, vers Gnide, dans la Chersonnèse de la Carie.

Les Gnidiens ont en effet la plus grande vénération pour Vénus, qui a plusieurs temples chez eux. Celui de Vénus Doritis est le plus ancien ; celui de Vénus Acrée a été bâti ensuite ; le plus moderne de tous est celui de Vénus nommée Euplée par les Gnidiens, mais plus généralement connue sous le nomde Vénus de Gnide.

Les Athéniens ont à Munychie un autre port et un temple de Diane Munychia ; et à Phalère, comme je l’ai déjà dit, un troisième port, avec un temple de Cérés auprès. On y voit aussi un temple de Minerve Sciras ; un peu plus loin, un temple de Jupiter, et des autels érigés aux dieux inconnus, aux héros, aux fils de Thésée et à Phalérus, qui fit avec Jason le voyage de Colchos, disent les Athéniens. Androgée, fils de Minos, y a pareillement un autel qu’on nomme l’autel du héros, mais ceux qui cherchent à connoître mieux que les autres, les antiquités du pays, savent qu’il est dédié à Androgée.

Le promontoire Colias est à vingt stades de Phalère ; c’est-là qu’après la défaite des Mèdes, les débris de leur escadre furent jettés par les flots. On y voit la statue de Vénus Colias et celles des Génétyllides, déesses qui sont, je crois, les mêmes que celles qui portent le nom de Gennaïdes chez les Phocéens de l’Ionie. Sur la route de Phalère à Athènes est un temple qui n’a plus ni portes ni toit : il fut brulé, dit-on, par Mardonius, fils de Gobryas. Si la statue qu’on y voit est, comme on le dit, un ouvrage d’Alcamènes, on conçoit pour quoi elle n’a pas été mutilée par Mardonius.