Pausanias, Elide-1, chapitre X

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Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 75-83).

CHAPITRE X


Altis ou bois consacré Jupiter. Description de son temple à Olympie.

Il y a dans la Grèce beaucoup d'autres choses qui remplissent d'admiration ceux qui les voient ou qui en entendent parler ; mais on dirait que les dieux s'occupent plus spécialement des mystères d'Éleusis et des jeux olympiques. Le bois consacré à Jupiter porte depuis les temps les plus anciens le nom d'Altis ce qui n'est qu'un changement de dialecte au lieu d'alsos; Pindare s'en est servi dans une ode qu'il a composée pour un vainqueur aux jeux olympiques.

Le temple et la statue de Jupiter ont été faite du butin que remportèrent les Éléens dans la guerre où ils détruisirent Pise et toutes les villes circonvoisines qui s' étaient soulevées. La statue est l'ouvrage de Phidias, comme l'indique cette inscription gravée sous les pieds de Jupiter : Phidias Athénien, fils de Charmidès m'a fait. Le temple est d'architecture dorique ; il est entouré de colonnes en dehors, et on l'a construit avec une espèce de tuf qu'on trouve dans le pays. Son élévation depuis le sol jusqu'au fronton est de soixante-huit pieds ; il en a quatre-vingt-quinze de largeur, et deux cent trente de longueur. Il a été bâti par Libon, architecte du pays. Les tuiles qui le couvrent ne sont pas de terre cuite, mais de marbre Pentélique qu'on a taillé en forme de tuile; invention attribuée à Byzès de Naxos. Il y a, dit-on, à Naxos des statues qui portent une inscription conçue en ces termes : Evergus de Naxos, fils de Byzès qui le premier a taillé le marbre en forme de tuile, m'a dédié aux enfants de Latone. Ce Byzès était contemporain d'Alyattes, roi de Lydie, et d'Astyages, fils de Cyaxare, roi des Mèdes.

Il y a un vase doré sur chaque coin du toit, et au milieu du fronton une Victoire aussi dorée ; au-dessus de la Victoire est un bouclier d'or, sur lequel est repréentée la Gorgone Méduse. L'inscription qui est sur le bouclier nous apprend par qui il a été dédié et à quelle occasion ; voici ce qu'elle porte : Les Lacédémoniens et leurs alliés ont consacré à Jupiter ce bouclier d'or, pour la dîme du butin fait sur les Argiens, les Athéniens et les Ioniens, qu'ils ont vaincus à Tanagre. J'ai parlé de ce combat dans la description de l'Attique, en parcourant les tombeaux des Athéniens.

A la ceinture qui règne en dehors du temple, au-dessus des colonnes, sont suspendus vingt-et-un boucliers dorés, qui sont un don que fit Memmius, général romain, lorsqu'il eût soumis les Achéens, près de Corinthe, et qu'il en eut chassé les Corinthiens Doriens.

Quant aux frontons, on voit sur celui de devant Pélops et Oenomatis prêts à se disputer le prix de la course des chars ; ils se disposent tous deux à entrer en lice. Jupiter est précisément au milieu du fronton ; à sa droite est Oenomaus avec son casque sur la tête ; et auprès de lui Stérope, son épouse, l'une des filles d'Atlas. Myrtilus, qui conduisait le char d'Oenamaüs, est aussi devant les chevaux, qui sont au nombre de quatre. Derrière lui sont deux hommes dont on ne connaît pas les noms, mais qui étaient probablement aussi chargés par Oenomaüs du soin des chevaux ; tout à fait à l'extrémité se voit le fleuve Cladéus, c'est après l'Alphée, celui que les Éléens honorent le plus. A la gauche de Jupiter on voit Pélops et Hippodamie, ensuite le conducteur du char de Pélops, ses chevaux, deux palefreniers de Pélops, et à l'extrémité du fronton, à l'endroit où il se rétrécit, le fleuve Alphée. Le conducteur du char de Pélops se nommait Sphérus, si l'on en croit les Trézéniens ; mais l'exégète d'Olympie dit qu'il se nommait Cilla.

Toutes les sculptures du fronton antérieur sont de Paeonius, originaire de Mendes, ville de la Thrace. Le fronton postérieur du temple a été sculpté par Alcamènes, contemporain de Phidias, et après lui le plus habile statuaire. Il a représenté le combat des Centaures et des Lapithes aux noces de Pirithoüs ; ce héros est au milieu du fronton : auprès de lui sont, d'un côté Eurytion, qui enlève la femme de Pirithoüs, et Cénéus qui défend ce dernier ; de l'autre, Thésée qui combat les Centaures avec une hache; un de ces Centaures veut enlever une vierge; un autre saisit un jeune garçon. Alcamènes a probablement choisi ce sujet, parce qu'il avait appris par les vers d'Homère, que Pirithoüs était fils de Jupiter, et qu'il savait que Thésée descendait de Pélops à la quatrième génération.

On voit aussi dans Olympie la plupart des actions d'Hercules ; on a représenté sur les portes du temple la chasse du sanglier d'Érymanthe en Arcadie, son expédition contre Diomède roi de Thrace, et celle qu'il entreprit contre Géryon, dans l'Erythie ; on le voit aussi se disposant à prendre sur ses épaules le fardeau d'Atlas, et nettoyant le pays des Éléens du fumier qui l'encombrait. On a sculpté sur les portes de l'opisthodome, ce héros enlevant le bouclier de l'Amazone, et celles de ses actions qui ont rapport à la biche Cerynite, au taureau de Cnosse, aux oiseaux stymphalides; de plus ses combats contre l'hydre de l'Erne et contre le lion de l'Argolide.

En entrant dans le temple par les portes de bronze, vous voyez à droite, devant une colonne, Iphitus couronné par Ecéchiria, comme l'indique l'inscription en vers élégiaques qu'on y lit. Il y a dans l'intérieur du temple des colonnes qui soutiennent des portiques par lesquels on va à la statue. Il y a aussi un escalier tournant pour monter sur le faite.