Pauvre Blaise/22

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Librairie Hachette et Cie (p. 353-356).



XXII

Conclusion


Depuis ce jour, Blaise fit plus que jamais partie de la famille du comte ; la vie qu’on menait au château était calme et heureuse ; le service de Dieu n’y fut jamais négligé, non plus que le service des pauvres, qu’on allait chaque jour visiter, consoler et soulager. La fortune du comte passait tout entière à secourir les misères de ses semblables ; il les considérait comme des frères appelés à partager les richesses qu’il tenait de la bonté de Dieu. Quand Blaise devint grand, il aida le comte dans l’administration de sa fortune, et devint son homme de confiance, son conseiller intime. Jamais Blaise ne perdit le respect qu’il devait à ses maîtres, qui étaient en même temps ses meilleurs amis. Jules devint un jeune homme accompli ; Hélène fut, en grandissant, le modèle des jeunes personnes.

Blaise reçut plusieurs lettres de son ancien maître, Jacques, qui lui proposa avec l’autorisation de son père, de venir prendre la direction de leur maison ; mais Blaise ne consentit jamais à quitter ses parents, qui finirent leurs jours au service du comte. Il allait pourtant, tous les ans, passer quelques jours près de Jacques, qui le voyait toujours avec bonheur, et qui le questionnait beaucoup sur la famille du comte. Un jour, Jacques exprima à Blaise le désir d’unir les deux familles par le mariage de Jules avec sa sœur Jeanne, que Jules avait rencontrée souvent dans le monde, à Paris. Il lui dit que toute sa famille serait heureuse de ce mariage. Jules avait déjà exprimé le même désir à Blaise ; Jeanne était charmante, et digne, sous tous les rapports, d’entrer dans la famille du comte et de la comtesse de Trénilly.

Blaise, à son retour, rapporta au comte et à Jules les paroles qu’il avait entendues. Le comte et Jules les reçurent avec joie, et cette union, désirée par les deux familles, ne tarda pas à s’accomplir.

Ce fut un heureux jour pour Blaise que celui qui ramena au château de Trénilly la famille de M. de Berne. Jacques ne quittait presque pas son ancien ami Blaise ; tous deux étaient devenus des hommes, des chrétiens solides. Jacques vit avec plaisir le respect dont Blaise était entouré. C’était lui qui était l’arbitre de tous les démêlés du pays ; ce que M. Blaise avait décidé était religieusement exécuté. On le citait comme exemple à tous les jeunes gens du village et des environs ; on recherchait son amitié, et on se sentait fier de son approbation.

Blaise lui-même se maria, à l’âge de vingt-huit ans ; il épousa la petite-nièce du curé, qui lui apporta trente mille francs, dot considérable pour sa condition ; elle avait été demandée par des jeunes gens bien plus riches et plus élevés en condition que Blaise, mais elle les avait refusés, répétant toujours à son oncle qu’elle n’épouserait que Blaise, dont les vertus et les qualités aimables avaient fait sur elle une vive impression. Le comte se chargea de la dot de Blaise, et la comtesse des présents de noce et de l’ameublement. La dot fut une somme de quarante mille francs, ajoutée à une jolie maison au bout du village, tout près du château. La comtesse meubla la maison et donna à la mariée toutes ses belles toilettes des fêtes et dimanches.

Le repas de noce fut donné par le comte dans son château.

Hélène, qui avait inspiré une grande estime et une vive affection à un frère aîné de Jacques, et qui semblait partager ces sentiments, consentit avec plaisir à devenir la compagne de sa vie. Ils vécurent fort heureux pendant plusieurs années, après lesquelles Hélène eut la douleur de perdre son mari. N’ayant pas d’enfants, elle résolut de se consacrer entièrement au service des pauvres, en fondant des œuvres de charité. Elle établit une salle d’asile et une école dirigée par des sœurs, elle les visitait souvent et y passait des heures entières, aidée et accompagnée par ses parents.

C’est ainsi que vécut toute cette famille chrétienne, heureuse et unie, aimée et estimée de tous.