Pauvres fleurs/La Meunière et son seigneur
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LA MEUNIÈRE ET SON SEIGNEUR,
Imité de Goëthe.
Déjà blanche meunière,
Éveillée à l’amour ?
— « Monseigneur, la chaumière
S’éveille avec le jour. »
Cette aurore est brûlante,
Comme ton teint vermeil !
— « Si votre marche est lente,
Vous aurez le soleil. »
Eh bien ! passons à l’ombre ;
Le ciel a trop d’ardeur.
— « Monseigneur ! l’ombre est sombre ;
Et j’ai froid quand j’ai peur ! »
Viens ! meunière sauvage ;
Je me perdrais sans toi.
— « Monseigneur ! c’est plus sage
De passer loin de moi. »
Fille charmante et fière !
N’ose-t-on t’approcher ?
— « L’habit d’une meunière
Ne doit pas se toucher. »
Oh ! les tiens ont la grâce
Jointe à la pureté !
— « Mais ils laissent la trace
De leur humilité. »
N’ose-t-on qu’à l’église
Chercher ta douce main ?
— « Pour une autre que Lise,
Vous prendrez ce chemin. »
Qui donc, plus que moi-même
Mérite ton retour ?
— « Un beau meunier qui m’aime,
Et que j’aime d’amour. »
Puisqu’un meunier t’approche,
Peux-tu me refuser ?
— « C’est que pas un reproche
Ne suivra son baiser. »
Un amant, à tes charmes
Doit de l’or et des fleurs…
— « Nous aurons moins d’alarmes
Sous les mêmes couleurs ! »