Pauvres fleurs/Tristesse de Mère
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TRISTESSE DE MÈRE.
Si mes petites chéries,
Voulaient venir avec moi,
Pour nos tendres causeries,
Nous trouverions des prairies,
Toujours calmes et fleuries,
Où ne chasse pas le roi.
Nous boirions à des fontaines,
Dont l’éternelle fraîcheur
Et les sources toujours pleines,
Étanchent de nos haleines,
Les soifs ardentes et vaines,
Et nous lavent jusqu’au cœur !
Nous ne verrions plus l’aumône,
Tomber rare et lentement ;
Quand c’est Dieu qui compte et donne,
Plus d’enfans qu’on abandonne ;
L’astre qui fait sa couronne,
Les réchauffe également !
Plus de cages souterraines,
Où vient avorter le jour ;
Plus d’hommes serrés de chaînes ;
Plus d’âmes lourdes de haines,
Où, lucides et sereines,
Les âmes se font amour !
Là, plus de tête encor vive,
Coupée au tranchant du fer ;
De la terre affreux convive,
Plus de bourreau qui survive,
À cette tête plaintive,
Qu’il croit jeter à l’enfer !
Plus de charité qui pleure,
Et qui s’épuise en cherchant
Le pardon ! plus rien qui meure,
Sous l’étouffement de l’heure ;
Plus de grâce qui demeure
Clouée aux mains du méchant.
Là, plus de cœur qui s’égare,
À poursuivre un autre cœur ;
Plus d’âme triste et bizarre,
Sans se soupçonner barbare,
Qui s’isole et se sépare
De l’âme qui fut sa sœur !
Parcilles à trois mésanges,
Qui font voile dans espoir,
Quittant les terrestres langes,
Pour rejoindre nos phalanges,
Nous reverrions tous les anges,
Qui nous ont dit : Au revoir !
Mais, non, doux portraits que j’aime !
Détournez votre flambeau,
De l’autan, qui sur moi-même,
Souffle d’une hâte extrême ;
Il vous manque le baptême,
Qui nous achète un tombeau.
Que vos pleurs vous fassent belles !
Moi, j’irai seule d’abord,
Ô mes naissantes mortelles,
Et comme aux esprits fidèles,
J’irai vous chercher des ailes
Pour voler à l’autre bord !
Déjà comme la colombe,
Qui tourne dans le malheur,
Ma pensée et plane et tombe,
S’abreuve aux fleurs d’une tombe ;
Puis, sentant qu’elle succombe,
Revient mourir à mon cœur !