Pendant l’Exil Tome II Congrès de la paix Discours d’ouverture

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Actes et paroles volume 4J Hetzel (p. 169-170).

Des affaires de famille retenaient Victor Hugo à Bruxelles. Cependant, sur la vive insistance du Congrès, il se décida à aller à Lausanne.

Le 14 septembre, il ouvrit le Congrès. Voici ses paroles :

Les mots me manquent pour dire à quel point je suis touché de l’accueil qui m’est fait. J’offre au congrès, j’offre à ce généreux et sympathique auditoire, mon émotion profonde. Citoyens, vous avez eu raison de choisir pour lieu de réunion de vos délibérations ce noble pays des Alpes. D’abord, il est libre ; ensuite, il est sublime. Oui, c’est ici, oui, c’est en présence de cette nature magnifique qu’il sied de faire les grandes déclarations d’humanité, entre autres celles-ci : Plus de guerre !

Une question domine ce congrès.

Permettez-moi, puisque vous m’avez fait l’honneur insigne de me choisir pour président, permettez-moi de la signaler. Je le ferai en peu de mots. Nous tous qui sommes ici, qu’est-ce que nous voulons ? La paix. Nous voulons la paix, nous la voulons ardemment. Nous la voulons absolument. Nous la voulons entre l’homme et l’homme, entre le peuple et le peuple, entre la race et la race, entre le frère et le frère, entre Abel et Caïn. Nous voulons l’immense apaisement des haines.

Mais cette paix, comment la voulons-nous ? La voulons-nous à tout prix ? La voulons-nous sans conditions ? Non ! nous ne voulons pas de la paix le dos courbé et le front baissé ; nous ne voulons pas de la paix sous le despotisme ; nous ne voulons pas de la paix sous le bâton ; nous ne voulons pas de la paix sous le sceptre !

La première condition de la paix, c’est la délivrance. Pour cette délivrance, il faudra, à coup sûr, une révolution, qui sera la suprême, et peut-être, hélas ! une guerre, qui sera la dernière. Alors tout sera accompli. La paix, étant inviolable, sera éternelle. Alors, plus d’armées, plus de rois. Évanouissement du passé. Voilà ce que nous voulons.

Nous voulons que le peuple vive, laboure, achète, vende, travaille, parle, aime et pense librement, et qu’il y ait des écoles faisant des citoyens, et qu’il n’y ait plus de princes faisant des mitrailleuses. Nous voulons la grande république continentale, nous voulons les États-Unis d’Europe, et je termine par ce mot : La liberté, c’est le but ; la paix, c’est le résultat.