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Petit Dictionnaire libéral/Texte entier/C

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Ulfrand Ponthieu Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 16-24).
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C.

CALAMITÉ. — La plus grande pour un libéral est d’être soumis aux lois et aux princes qu’il n’a pas faits.

CALCUL. — Voyez Opinion.

CALOMNIE. — Arme libérale ; le grand usage qu’on en fait l’a singulièrement émoussée.

CANAPÉ. — Espèce de camp volant où se rassemblait autrefois l’armée des doctrinaires ; il s’est brisé dans une secousse politique. Les trois quarts des débris de ce meuble sont restés dans un coin de la chambre à gauche.

CÉLÉBRITÉ. — Les révolutionnaires la regardent comme une peine infamante.

CENSURE DRAMATIQUE. — Mesure vexatoire qui entrave la pensée et tue le génie. Voir à ce sujet les quatre vingts représentations de Sylla et de Régulus.

C’est à tort que les royalistes l’ont baptisée du nom de Lazareth littéraire.

CENSURE LITTÉRAIRE. — Fonction très-honorable sous l’empire, parce qu’alors elle était exercée par les serviteurs de Napoléon. Elle a cessé d’être en honneur depuis qu’elle est remplie par des hommes attachés à la famille des Bourbons.

CHAÎNE. — Signe d’esclavage. Les libéraux ont une aversion extrême pour toutes les chaînes… qui ne sont pas dorées.

Une chaîne est aussi un lieu composé d’anneaux. « Les doctrinaires sont le premier anneau de la chaîne libérale. »

CHANSON. — Petit poème autrefois sans conséquence, et qui n’était remarquable que par sa gaîté ; la révolution lui a donné de l’importance ; la chanson a servi de proclamation et d’appel au peuple dans les belles journées du 90 et 91 ; elle a souvent ranimé l’ardeur chancelante des patriotes, témoin ce joli refrain :

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates à la lanterne

Il est à regretter que la chanson ait perdu cette allure franche et énergique qui l’élevait au-dessus des autres productions littéraires.

CHARLATANISME. — Science qui entre dans l’éducation politique, et à laquelle de grands orateurs modernes ont dû leur célébrité populaire.

CHARTE. — Livre singulier, dont les caractères ont cela de bizarre, qu’en les regardant à droite on lit : Respect à la monarchie, obéissance aux lois, garantie des libertés publiques et des intérêts anciens et nouveaux ; tandis que ceux qui s’obstinent à les lire à gauche prétendent n’y trouver que l’apologie de la révolution et le triomphe de la démocratie.

CLÉMENCE. — La vertu royale qui fait le plus d’ingrats.

CLÔTURE. — Le seul mot avec lequel on puisse fermer la bouche aux libéraux.

CŒUR. — Les royalistes l’ont à gauche ; on ne sait pas encore au juste où est placé celui des révolutionnaires.

COMMERCE. — Il est perdu depuis que nous avons la paix, que nos rentes sont à 92, et que Paris est trop petit pour contenir les boutiques nouvelles qui s’élèvent tous les jours.

L’activité de la conscription avait ouvert de grandes ressources à l’industrie ; la paternité était devenue une spéculation : on élevait avec soin ses enfans, pour les vendre ensuite à des prix fort raisonnables. La paix, en anéantissant ce commerce paternel, a privé les familles d’une branche d’industrie qui ajoutait beaucoup à leur prospérité intérieure.

CONCESSION. — La chose la plus importante à obtenir d’un gouvernement qu’on n’aime pas, attendu qu’après avoir sollicité la première et demandé la seconde, on exige la troisième et que l’on prescrit la quatrième.

CONQUÊTE. — On a long-temps appliqué ce mot aux villes conquises et gardées par Louis XIV. On s’en sert aujourd’hui pour désigner les pays conquis et perdus par Napoléon.

CONSPIRATEUR. — Homme intéressant qui ne veut bouleverser son pays que pour avoir de l’emploi.

CONSTANCE. — Selon les libéraux, elle est une vertu, à gauche ; une sottise, à droite.

CONSTITUTION. — Les révolutionnaires regardent celle qu’ils ne peuvent avoir comme la meilleure de toutes.

La constitution anglaise a beaucoup perdu dans leur esprit depuis qu’ils se sont aperçus qu’elle était aussi favorable au pouvoir royal qu’à la liberté du peuple. En revanche la constitution des Cortès, renouvelée de 91, a conquis tous leurs suffrages. Elle les doit particulièrement à l’avilissement dans lequel elle tient le monarque, qui d’un moment à l’autre peut très-constitutionnellement passer du trône à l’échafaud.

CONVENTION. — Assemblée d’hommes exempts de préjugés, qui ont fait faire un grand pas à leur siècle. Cette assemblée s’est surtout immortalisée par la précipitation et le courage avec lequel elle a condamné son roi.

On offre la conduite de la Convention à la méditation des Cortès espagnoles.

CONVENTIONNEL. — Honnête homme qui n’a à se reprocher que la mort de son roi et le massacre de cent mille Français.

CONVERSION. — Lorsque son intérêt l’exige, un libéral peut faire un quart de conversion à droite ; mais il est tenu de retourner à gauche, sitôt qu’il a obtenu ce qu’il désirait.

CORNEILLE. — Auteur tragique estimé, qui serait un grand homme sans ses pré- faces. On lui reproche aussi des vers hasardés comme celui-ci :

Le pire des états, c’est l’état populaire.

CORROMPRE. — Verbe actif dont l’emploi ne peut que tourner à l’avantage et à la propagation des idées révolutionnaires.

COTERIE. — Pépinière de grands hommes qui mettent leurs amis dans la confidence de leur célébrité, avant de mettre le public dans le secret de leur mérite. — Atelier de médisance où l’on condamne ses maîtres, et où l’on exécute ses rivaux en effigie.

COURBETTE. — Exercice que les libéraux ont cessé de faire, depuis qu’ils ont perdu le chef qui les faisait mouvoir.

CROYANCE. — Affaire de goût.

CUIRASSE. — Un libéral est cuirassé de patriotisme, ce qui le rend invulnérable jusqu’au moment où l’ambition, l’intérêt ou l’amour-propre trouve le défaut de la cuirasse.