Petit Dictionnaire libéral/Texte entier/Un mot

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Ulfrand Ponthieu Voir et modifier les données sur Wikidata (p. v-viii).
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UN MOT.



Le temps et les révolutions apportent de grands changemens dans la langue des peuples modernes, et leur impriment des variations sans nombre. Semblables à ces riches parvenus qui perdent chemin faisant le souvenir de leur origine, les mots perdent, en vieillissant, les traces de leur étymologie, et l’on courrait souvent le risque de ne plus être compris, si on les employait dans leur acception primitive.

Les partis ont aussi une langue qui leur est propre, et dont leurs interprètes font un usage fréquent. La même expression, employée par deux écrivains d’opinions différentes, a deux significations, dont il est important de connaître la valeur, afin de ne pas commettre de méprise, et de savoir à quoi s’en tenir sur le sens que lui attache l’auteur qui s’en est servi ; détournée de sa première acception, souvent elle offre au parti qui l’adopte un sens mystérieux à l’aide duquel il enveloppe des idées coupables, d’un style qui semble ne rien présenter que d’innocent ; quelquefois aussi un événement imprévu change la signification d’un mot et lui donne un sens nouveau qui fait époque dans la langue. Par exemple, qui aurait osé penser que le verbe lanterner, qui, suivant le dictionnaire de l’Académie, voulait encore dire attendre en 88, signifierait exécuter au commencement de 89.

C’est pour obvier à ces inconvéniens, et pour éclairer les lecteurs sur leur valeur réelle, que j’ai entrepris de traduire quelques-unes des expressions les plus usuelles de la langue révolutionnaire, d’en compléter le sens par des explications naturelles, ou de le démontrer par des exemples pris au hasard dans les meilleurs orateurs du parti.

Certaines feuilles ne manqueront pas sans doute de s’élever contre l’interprétation donnée au langage de leurs écrivains favoris ; mais si, comme j’ai lieu de l’espérer, leurs critiques, que j’appelle volontiers, procurent à cet essai les honneurs d’une seconde édition, je justifierai mes citations, en les appuyant des écrits et des noms de nos publicités modernes.