Petit cours d’histoire de Belgique/p08/ch4

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Maison d'édition Albert De Boeck (p. 146-150).

CHAPITRE IV

Joseph II (1780-1790).


§ 1. — Ses débuts.


Joseph II, fils de Marie-Thérèse, fut inauguré dans nos provinces en 1780. Il prit d’abord d’excellentes mesures :

1° Il fit démolir les forteresses des Pays-Bas, et les garnisons hollandaises durent ainsi évacuer le pays.

2° Il s’éleva vivement contre la fermeture de l’Escaut. Un moment, on put croire qu’il allait déclarer la guerre à la Hollande. Mais celle-ci promit 10.000.000 de florins, et le fleuve resta fermé.

§ 2. — Ses réformes.
Causes de la révolution brabançonne.


Joseph II avait de grandes connaissances, une intelligence vive, des intentions droites et une activité extraordinaire. Il admirait les philosophes français, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, etc., et il applaudissait aux idées de liberté et d’égalité que ces écrivains défendaient avec tant d’éloquence. Il s’inspira de leurs œuvres pour réformer l’organisation vicieuse de ses États. Ses efforts ont été l’objet de critiques passionnées, et pourtant la plupart de ses projets sont aujourd’hui consacrés par nos lois. On ne pourrait d’ailleurs, sans une souveraine injustice, dénier à ce généreux prince l’élévation des sentiments et la noblesse du caractère. Il écrivait à son lit de mort : « Je prie ceux à qui, contre mon intention, je n’aurais pas rendu pleine justice, de me pardonner, soit comme chrétiens, soit par humanité. Je les prie de réfléchir qu’un monarque sur le trône, comme le pauvre dans sa chaumière, est un homme, et que tous deux sont sujets aux mêmes erreurs. » Joseph II, de nos jours, est considéré comme un des bienfaiteurs de l’humanité. Le seul grief véritablement sérieux qu’on puisse lui faire, c’est son intervention abusive dans les affaires du clergé.

1. Édits en matière religieuse. — 1° Joseph II proclama la liberté de conscience par l’édit de tolérance de 1781. La législation religieuse du XVIe siècle existait toujours dans les Pays-Bas, mais elle n’était plus appliquée : Juifs et réformés vivaient en paix s’ils ne provoquaient pas de scandale. Seulement, ils ne pouvaient ouvrir de temples : il n’y avait pour eux nul accès aux emplois ni aux grades universitaires ; ils ne pouvaient devenir bourgeois d’une ville, ni membres d’une corporation. Joseph II autorisa l’exercice du culte réformé, et il accorda aux dissidents la jouissance de tous les droits de citoyen. Cette mesure d’équité, qui lui fait grand honneur, provoqua des réclamations très vives, mais l’empereur ne se laissa pas émouvoir.

2° Joseph II institua le mariage civil et permit le divorce.

3° Il déclara inutiles les couvents où l’on se vouait uniquement à la prière. Il toléra ceux qui étaient destinés à l’enseignement et au soin des malades. Six à sept cents couvents disparurent : il n’en resta qu’une centaine.

4° Enfin, accusant d’ignorance le clergé des Pays-Bas, il établit, à Louvain, un séminaire général pour les jeunes gens qui se destinaient au sacerdoce, et ferma les séminaires diocésains. Évidemment, il empiétait par là sur les droits des évêques. Il les violait encore quand il réglait lui-même le cérémonial des cultes, fixait le nombre des cierges pour les offices, s’occupait du costume des religieux, etc.

2. Réforme judiciaire. — L’édit du Ier janvier 1787 réforma toute l’organisation judiciaire. Celle-ci comprenait à cette époque :

1° Les justices seigneuriales des villages.

2° Les échevinages des villes[1], dont les membres, ne connaissant guère les lois, avaient auprès d’eux un pensionnaire jurisconsulte.

3° Les officialités ou tribunaux ecclésiastiques. Les officialités jugeaient les clercs, et aussi les laïcs coupables de délits contre les lois de l’Église : les hérétiques, les sorciers, les usuriers, les violateurs du repos dominical, etc. 4° Il y avait alors dans chaque province un conseil provincial de justice, qui jugeait ses propres membres, les avocats, les nobles, et pouvait reviser les sentences des tribunaux inférieurs[2].

5° Enfin, le grand conseil de Malines avait le droit de reviser les sentences de certains conseils provinciaux.

Joseph II substitua à tous ces tribunaux une juridiction uniforme, à trois degrés, comprenant soixante-quatre tribunaux de première instance, deux cours d’appel et un conseil souverain de justice siégeant à Bruxelles. Tous les juges devaient être jurisconsultes[3], et la torture était abolie.

3. Réforme administrative. — Deux mois plus tard, par un nouvel édit, le pays fut divisé en neuf cercles régis par des intendants.

4. Édits relatifs aux usages. — Enfin, Joseph II remit toutes les kermesses à une date unique, en vue de diminuer les jours de chômage et les occasions de dépense. Il supprima les processions et les cavalcades, dont l’éclat plaisait à l’imagination de nos pères. Ces mesures assez puériles, indisposèrent le peuple : il se joignit à la noblesse et au clergé, que les réformes de l’empereur avaient vivement irrités.

Admirateur enthousiaste des philosophes français, le fils de Marie-Thérèse s’inspira de leurs théories pour modifier les institutions démodées de notre pays.

1. Édits en matière religieuse. — Il publia un édit de tolérance, institua le mariage civil, supprima les couvents dits inutiles, et remplaça les séminaires diocésains par le séminaire général de Louvain.

2. Réformes judiciaires. — Il abolit les justices seigneuriales, échevinales et ecclésiastiques, et organisa une juridiction uniforme à trois degrés.

3. Réforme administrative. — Il divisa le pays en neuf cercles, régis par des intendants.

4. Édits relatifs aux usages. — Il supprima les processions et les cavalcades, et remit toutes les kermesses à un même jour.

Ces réformes furent mal accueillies :

1° Le peuple manquait de lumières et ne comprenait pas l’excellence de ces mesures.

2° Joseph II promulga ses édits coup sur coup et les imposa par la violence. « Comme il était éclairé et philosophe, il crut que le peuple l’était à l’égal de lui-même. »

§ 3. Révolution brabançonne.


1. Triomphe de la révolution. La fermeture des séminaires fut le signal des premiers troubles. Bientôt les États provinciaux de Hainaut et de brabant refusèrent les subsides ; mais l’empereur les cassa et fit percevoir les impôts sans leur consentement.

Alors beaucoup de belges émigrèrent, et des comités révolutionnaires furent fondés, à Hasselt par Vonck, et par Van der Noot à Bréda. Quatre mille volontaires, sous les ordres du colonel Van der Meersch, franchirent la frontière, battirent vingt mille Autrichiens à Turnhout, et les refoulèrent dans le Luxembourg.

Le 11 janvier 1790, les États généraux, réunis à Bruxelles, proclamèrent solennellement l’indépendance des États-Belgiques-Unis.

Sur ces entrefaites. Joseph II mourut et fut remplacé par son frère Léopold.

« C’est votre pays qui m’a tué », disait-il au prince de Ligne.

3. Restauration autrichienne. — Malheureusement la discorde divisa bientôt les Vandernootistes, qui voulaient le retour pur et simple aux anciennes coutumes, et les Vonckistes, partisans de quelques sages réformes. Les Vonckistes furent victimes de persécutions odieuses ; Van der Meersch, le libérateur fut emprisonné !

À la faveur d’aussi folles dissensions, 40.000 Autrichiens rentrèrent dans les Pays-Bas, sans lutte sérieuse, et y rétablirent l’autorité impériale.



  1. Nombre de villages avaient aussi des corps d’échevins.
  2. En matière civile. Il n’y avait jamais d’appel en matière criminelle.
  3. Jurisconsulte : versé dans la science du droit.