Petit cours d’histoire de Belgique/p01

La bibliothèque libre.
Maison d'édition Albert De Boeck (p. 5-17).

I. — DOMINATION ROMAINE


§ 1. — La Belgique ancienne.


1. Les Gaulois. — Les Gaulois étaient originaires des hauts plateaux de l’Asie centrale. Ils s’arrêtèrent quelque temps au milieu des forêts sans limites de la Germanie. Ils se distinguaient par leur taille élevée, leurs cheveux roux et leurs yeux bleus. Cette race intelligente et guerrière franchit le Rhin au IVe siècle avant J.-C. Elle soumit la belle et vaste contrée qui s’étend de ce fleuve au rivage de l’Océan et de la Méditerranée, et que protègent, au sud et à l’est, les chaînes presque infranchissables des Pyrénées et des Alpes.

2. Les Belges. — Au siècle suivant, les Belges[1], autre peuple de la famille celtique, enlevèrent aux Gaulois, les territoires compris entre le Rhin, la mer, la Seine et la Marne.

3. Aspect de la Belgique ancienne. — La partie de cette ancienne Belgique qui correspondait à la Belgique actuelle, présentait trois régions bien distinctes :

La plaine basse du nord était marécageuse à cause des inondations fréquentes de la mer et des fleuves.

Plus au sud, le sol s’élevait en collines arrondies et en plateaux, que recouvrait en partie l’immense forêt Charbonnière.

La rive droite de la Sambre et de la Meuse offrait des rochers stériles et la vaste forêt des Ardennes.

§ 2. — Situation des anciens Belges.

1. Peuplades. — Sur le sol de la Belgique contemporaine vivaient cinq nations principales :

Les Nerviens habitaient entre l’Escaut, la Dyle, la Sambre et la Haine. Barbares et intrépides, ils occupaient le premier rang par le nombre et la valeur de leurs guerriers. Quelques petites tribus voisines leur étaient soumises.

Aux Aduatiques appartenait le grand plateau de Hasbagne, de la Meuse au Démer et à la Dyle.

Les Trévires s’étendaient entre la Meuse et la Moselle ; leur cavalerie était célèbre.

Les Éburons avaient fixé leurs demeures au nord et à l’est des Aduatiques.

Enfin, les plaines désolées qui bordaient la mer étaient occupées par les Ménapiens, depuis la frontière française actuelle jusqu’aux bouches de l’Escaut et de la Meuse. Ce petit peuple si industrieux cultivait la terre avec intelligence, utilisant la marne, et connaissant l’art d’élever des digues ; il tissait la laine de ses troupeaux, et s’aventurait sur les flots brumeux de la mer du Nord pour se livrer au négoce.

2. Organisation politique.a) Chacun de ces peuples avait son roi dont l’unique pouvoir consistait à conduire les guerriers au combat et à présider l’assemblée générale. Autour de lui se groupaient des guerriers éprouvés, qui se liaient à sa personne par des engagements volontaires et sacrés. On lui offrait chaque année des cadeaux :

La Belgique à l’époque romaine
La Belgique à l’époque romaine
La Belgique à l’époque romaine



du bétail de choix, du blé, de beaux chevaux, des armes pesantes, des caparaçons, des colliers.

Certaines tribus avaient deux rois : tels les Éburons et les Trévires. Par contre, les Nerviens, plus jaloux de leur liberté, ne maintenaient la royauté qu’en temps de guerre.

b) La peuplade était divisée en cantons, à la tête desquels étaient des chefs ou rois de canton. Ces royautés minuscules étaient héréditaires dans certaines familles nobles. Les rois de canton formaient le conseil du chef suprême, avec lequel ils délibéraient en commun à la nouvelle et à la pleine lune.

c) Mais les affaires essentielles ne pouvaient être réglées que par la grande assemblée générale des guerriers. Elle seule déclarait la guerre ou contractait des alliances.

Elle siégeait aussi comme haute cour de justice : on pendait à un arbre les traîtres et les transfuges ; les lâches et les gens déshonorés étaient plongés dans la fange et noyés sous une claie.

3. Mœurs.a) Les anciens belges se bâtissaient des huttes informes en bois ou en torchis, à base circulaire, à toit conique. Pas de fenêtre : l’air et la lumière n’y pouvaient pénétrer que par une porte étroite et haute. Le foyer se trouvait au milieu, et une ouverture dans le toit laissait échapper la fumée. Pour l’hiver, ils se creusaient des espèces de souterrains qu’ils chargeaient de fumier, et où les rigueurs du froid pouvaient moins les atteindre. On ne voyait guère dans ces habitations que des ustensiles grossiers, des vases en cuivre étamé, de grands filets pour la pêche et surtout les armes du guerrier, son casque d’airain, sa framée[2], son épée, et son bouclier.

b) Aux yeux du barbare, seuls les périls des combats paraissaient dignes de l’homme libre. Il trouvait de la bassesse à demander à la sueur ce que l’épée pouvait lui procurer. L’ordre de bataille était le coin. Aux premiers rangs apparaissaient des hommes farouches avec des barbes et des chevelures énormes, avec des anneaux de fer aux pieds et aux bras, attestant le serment solennel qu’ils avaient fait de tuer un ennemi. « Ils ont un chant de guerre, le bardil, par lequel ils enflamment leur courage, et, selon la manière dont ce chant retentit, ils augurent le succès du combat. C’est plutôt un accord de sons guerriers qu’une suite de paroles. Ils s’attachent surtout à produire des sons rudes et un bruit rauque en serrant le bouclier contre leurs lèvres, afin que leur voix rejaillisse en échos plus terribles et plus retentissants.

c) La paix rétablie, le guerrier échappait aux longs ennuis de l’oisiveté par le plaisir de la chasse. Il affectionnait surtout les festins interminables, et « la cervoise qui écumait dans les cornes d’aurochs et les crânes d’ennemis vaincus ».

Les querelles, suite inévitable de l’ivresse, surgissaient bientôt, toujours terminées par des blessures ou le meurtre. Les barbares avaient pour le jeu de dés une passion insensée : lorsqu’ils avaient tout perdu, pour dernière ressource et sur un dernier coup, ils jouaient leur liberté et leur personne, et le perdant, le plus jeune et le plus fort, se laissait enchaîner et vendre sans résistance.

Quant au travail, tenu pour vil et méprisable, il était réservé aux faibles, aux femmes, aux vieillards, aux esclaves. Au reste, l’agriculture était rudimentaire, et le grand nombre des troupeaux était la seule richesse qu’ambitionnât le barbare.

4. Religion.a) Les Belges avaient comme dieux principaux : Hésus, le dieu suprême et tout-puissant, l’inspirateur de la fureur guerrière ; et Teutatès, le dieu tutélaire des voyageurs et l’inventeur des arts ; principe de l’éloquence, il était représenté sous les traits d’un homme auquel d’autres hommes étaient liés par des chaînes d’or partant de sa bouche.

b) Ils consultaient les sorts et interrogeaient le vol et le chant des oiseaux. Ils avaient en vénération singulière le gui du chêne, symbole de l’immortalité, auquel ils attribuaient la vertu merveilleuse de guérir tous les maux. « Un prêtre en robe blanche montait sur l’arbre, la serpe d’or à la main, et tranchait la racine de la plante que d’autres druides recevaient dans une saie blanche. Alors on immolait deux taureaux blancs dont les cornes étaient liées pour la première fois, et le reste du jour se passait en réjouissances[3] ». Le gui était partagé en petits morceaux et distribué au peuple.

c) Leurs prêtres étaient les druides ou hommes des chênes. Ils enseignaient l’immortalité de l’âme. Mais parfois ils ensanglantaient leurs autels en y offrant des victimes humaines, des criminels, des prisonniers de guerre, ou, à leur défaut, des vieillards. Les mystères religieux s’accomplissaient au fond des bois dans des clairières. L’autel était une grosse pierre brute ; d’autres pierres brutes formaient un vaste cercle qui limitait l’enceinte sacrée.

L’éducation de la jeunesse était réservée aux druides.

2. Organisation politique. — Chaque peuplade avait généralement un ou deux rois, un conseil des chefs et une assemblée générale des guerriers.

3. Mœurs. — Les Belges se bâtissaient de misérables huttes, où se voyaient quelques ustensiles grossiers, des filets pour la pêche et les armes du guerrier.

L’occupation presque unique de celui-ci était la guerre et les combats. En temps de paix, la chasse et la pêche alternaient avec les longs festins et le jeu.

Le travail était jugé avilissant, et réservé aux femmes, aux vieillards, aux esclaves.

Ceux-ci cultivaient le sol et avaient le soin des troupeaux, seule richesse qu’honorât le barbare.

4. Religion. — Les Belges adoraient Hésus, le dieu suprême, et Teutatès, l’inventeur des arts. Ils avaient une vénération particulière pour le gui du chêne. Leurs prêtres ou druides enseignaient l’immortalité de l’âme, mais ils sacrifiaient parfois des victimes humaines.

§ 3. — Expéditions de César en Belgique.

1. Conquête de la Belgique.a) Les Romains avaient conquis le littoral gaulois de la Méditerranée vers l’an 120 avant J.-C. Soixante ans plus tard, en l’an 58, Jules César en devint gouverneur. Cet ambitieux proconsul aspirait à s’illustrer pour parvenir à la royauté à Rome. Il résolut de conquérir la Gaule entière.

Il refoula d’abord dans leur pays les Helvètes, qui avaient quitté leur étroite et stérile patrie au nombre de trois cent mille.

Il conduisit ensuite son armée contre les bandes aguerries d’Arioviste, qui opprimaient la partie orientale de la Gaule. La renommée de ces guerriers était fameuse, car depuis quatorze ans, ils couchaient sous la tente. Les soldats romains effrayés firent leur testament, avant de marcher à l’ennemi. Néanmoins, Arioviste vaincu, blessé, sans armée, se sauva à grand’peine en Germanie.

b) César envahit alors la Belgique. Les Belges assemblèrent une armée innombrable. Un premier combat sans importance fut livré à la suite duquel ils se dispersèrent, laissant à César le loisir de les attaquer isolément. La soumission des Belges méridionaux, riverains de la Seine et de la Marne, s’accomplit rapidement et sans peine. César pénétra de là dans le territoire des Nerviens et, par une marche de trois jours, parvint au bord de la Sambre dans le voisinage, semble-t-il, de la ville actuelle de Hautmont. Six légions établirent leur camp sur une colline. Non loin de la rive opposée, s’élevait en face une colline de hauteur égale, boisée au sommet.

Là se tenaient les Nerviens unis aux Atrébates et aux Véromandois, et dissimulés par le feuillage. Voyant l’armée ennemie en désordre, les Belges s’élancent tout à coup de leur retraite, traversent la Sambre, qui n’avait que trois pieds d’eau, gravissent la colline opposée, et fondent avec furie sur les légions étonnées. Une mêlée terrible s’engage. Grâce à leur expérience de la guerre, les Romains forment peu à peu leurs rangs. Bientôt à l’aile gauche et au centre, ils refoulent les Atrébates et les Véromandois jusque dans la rivière. Mais, à l’aile droite, les Nerviens enveloppent César et deux légions. Le général doit combattre comme un soldat. Déjà une partie des Nerviens pillent le camp ; déjà les cavaliers Trévires, alliés de César, ont fui portant dans leur pays la nouvelle de sa défaite, lorsque surviennent tout à coup les deux légions de l’arrière-garde, qui escortaient les bagages. César est dégagé et les Nerviens sont presque anéantis.

Alors, les vieillards, qu’on avait abrités dans les marais avec les femmes et les enfants, envoyèrent des députés au vainqueur pour implorer sa clémence, disant que, de leurs soixante mille guerriers, cinq cents à peine avaient survécu. César les prit sous sa protection.

c) Les Aduatiques s’en allaient rejoindre les Nerviens quand ils apprirent leur désastre. Reprenant le chemin de leur pays, ils s’enfermèrent dans leur oppidium principal, situé peut-être sur le mont Phalize, près de Huy. La ville était protégée par des rochers à pic et d’affreux précipices. Elle n’était accessible que d’un côté par une pente douce. Mais on y avait élevé un double mur, avec d’énormes quartiers de roche entassés et entremêlés de troncs d’arbres. César commença le siège de la place. Ses immenses préparatifs effrayèrent les Aduatiques, qui d’abord avaient raillé avec mépris la taille exiguë des Romains. Ils envoyèrent des députés pour traiter de la paix. César exigea la reddition de leurs armes : du haut de leur mur ils en jetèrent une quantité si grande, que le tas s’élevait jusqu’au sommet du rempart. Pourtant, ils en avaient gardé le tiers environ. La nuit venue, ils firent à la hâte des armes nouvelles et des boucliers d’écorce et d’osier recouverts de peaux. Alors, ils sortirent furtivement de la ville, et tentèrent une surprise contre le camp des ennemis. Mais ceux-ci se défiaient. Bientôt des feux allumés signalèrent partout le danger, et du haut de leur retranchement, les Romains tuèrent sans péril quatre mille hommes. Quand parut le jour, les béliers enfoncèrent les portes de la ville, que nul ne défendait plus, et César vendit la population tout entière aux marchands d’esclaves qui accompagnaient l’armée : il y avait cinquante-trois mille prisonniers.

d) L’année suivante (56), sur la fin de l’été, César dirigea une expédition contre les Morins et les Ménapiens. Leur petit nombre ne leur permettait pas de tenter le sort d’une bataille : ils se tinrent sur la défensive dans leurs forêts. César voulut se frayer une route par la hache, à travers les bois. Mais souvent les Ménapiens surgissaient des profondeurs de la forêt, assaillaient à l’improviste les travailleurs. César perdit beaucoup de monde et, la saison des pluies approchant, il se retira.

Il revint à la charge l’année suivante. Les Morins se soumirent, mais les Ménapiens furent indomptables, et César leur offrit la paix avec le titre d’alliés libres de Rome.

2. Révolte.a) La Belgique paraissait pacifiée. Trois camps romains y étaient établis : à Tongres, à Mons, à Bouillon. Cependant un vaste complot préparait secrètement le retour de la liberté. L’inspirateur en avait été Induliomar, chef des Trévires ; ce fut un roi éburon, Ambiorix, qui, le premier, prit les Armes. La force ne pouvant lui livrer le camp de Tongres, il a recours à la ruse pour en faire sortir les Romains. Il les prévient qu’une multitude de Germains a franchi le Rhin, que le camp ne pourra tenir contre eux, et les engage donc à se retirer sur Mons. Les deux lieutenants Sabinus et Cotta hésitaient lorsque les soldats, pris d’une terreur panique, exigèrent le départ. Mais à quelque distance du camp, dans un défilé, ils furent subitement enveloppés par Ambiorix et ses guerriers. Ceux-ci, des hauteurs environnantes, firent d’abord pleuvoir sur eux une grêle de traits. Puis l’épée à la main, ils abordèrent les cohortes romaines qui furent anéanties. Des dix mille légionnaires, quelques-uns à peine purent regagner le camp : ils s’y entretuèrent pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi.

Alors Ambiorix soulève les Nerviens et les Aduatiques, et les entraîne au siège du camp de Mons. Le camp ne pouvait être emporté de vive force, mais la famine ne tarda pas à s’y faire sentir. La chute n’en était qu’une question de jours. Malheureusement un Nervien trahit sa patrie. Il alla informer César de la situation de son lieutenant. César accourut avec huit mille hommes et dans une seule bataille dispersa les assiégeants.

b) À leur tour, Indutiomar et les Trévires investirent le camp de Bouillon, où commandait Labiénus, le meilleur lieutenant de César. Les Romains s’enfermèrent dans leur camp, laissant les Belges s’approcher impunément des remparts. Chaque jour les guerriers Trévires venaient y insulter les Romains, puis, avec une insouciance parfaite du péril, ils se retiraient en désordre. Labiénus mit à profit cette imprudente sécurité. Épiant le moment favorable, il fait ouvrir soudain les portes du camp, lance impétueusement ses cavaliers sur les Belges surpris, et les disperse en un clin d’œil. Il avait mis à prix la tête du chef Trévire : celui-ci, activement poursuivi, fut égorgé au moment où il s’élançait avec son cheval dans la Meuse.

c) Cependant César avait enfin appris avec une vive douleur la destruction de ses légions de Tongres. Il jura d’en tirer une éclatante vengeance. Rassemblant toutes ses forces, qui s’élevaient à plus de cent mille hommes, il envahit l’Éburonie par trois côtés à la fois. Il dévasta affreusement le pays et massacra sans pitié toute la population. Mais Ambiorix lui échappa. À la tête de quelques cavaliers, il se tenait dans les bois, à proximité des Romains, les harcelant sans trêve. Quand il vit son peuple détruit, il se retira vers le Rhin, et alla finir obscurément en Germanie sa glorieuse carrière.

César a immortalisé, dans ses Commentaires, l’héroïque valeur des Belges.

1. Conquête de la Belgique. — Jules César gouverneur des Gaules, résolut d’étendre jusqu’au Rhin les limites de la République romaine.

Il soumit sans peine les belges du Sud.

Il vainquit sur les bords de la Sambre, après une lutte mémorable, les Nerviens que commandait Boduognat (57).

Il assiégea les Aduatiques dans leur oppidum. Il les contraignit à se rendre, et vendit à l’encan la nation tout entière.

En l’an 56, il attaqua sans succès les Morins et les Ménapiens, protégés par leurs bois et leurs marais. Mais, l’année suivante, les Morins se soumirent, et peu après les Ménapiens acceptèrent le titre d’alliés libres des Romains.

La Belgique paraissant soumise, César y établit trois camps : à Mons, à Tongres et à Bouillon.

2. Révolte (54). — Cependant un vaste complot se tramait contre les Romains. Ambiorix, roi des Éburons, attira par une ruse les légions de Tongres hors de leur camp, et les extermina dans un défilé. Il courut ensuite assiéger le camp de Mons. Celui-ci allait succomber, lorsque César, averti, arriva avec huit mille hommes, et dispersa l’armée d’Ambiorix.

À son tour, Indutiomar, chef des Trévires, assaillit le camp de Bouillon ; mais l’attaque échoua, et lui-même périt au passage de la Meuse.

César vengea cruellement la mort de ses légionnaires par une affreuse dévastation de l’Éburonie.

Il a rendu néanmoins un brillant hommage à l’héroïsme des Belges, en les déclarant les plus braves des Gaulois.

§ 4. — Influence de la domination romaine.

La pauvreté des Belges les mettait à l’abri de la cupidité des Romains. Il ne pouvait être question de lever chez eux ces mille impôts si ingénieusement imaginés que la rapacité romaine percevait dans toutes les provinces de l’empire. L’obligation principale des Belges était le service militaire. Ils formaient des corps nationaux réputés par leur valeur et souvent appelés à faire partie de la garde impériale.

L’influence romaine, dans la Belgique du sud, fut considérable pour diverses raisons : elle s’exerça pendant cinq siècles ; d’autre part, une civilisation supérieure présente un attrait irrésistible pour un peuple qui sort seulement de la barbarie ; au reste, les gaulois, selon le témoignage de César, étaient d’un caractère mobile, léger, imitateur par excellence.

Chaussées militaires. — Les Romains sillonnèrent les Gaules de magnifiques chaussées pour faciliter la marche des troupes. L’une de ces chaussées traversait la Belgique, de Boulogne, sur la mer, à Cologne, sur le Rhin ; elle passait à Tournai, à Tongres, à Maestricht, où elle franchissait la Meuse sur un pont. Il en reste des parties très bien conservées.

Bourgades. — Le long de ces routes s’élevèrent des villas et des postes fortifiés autour desquels vinrent se grouper peu à peu des habitations. Ainsi se développèrent des agglomérations qui existent encore : Menin, Wervicq, Perwez, Gembloux, Maestricht, Arlon, etc. Deux de ces modestes bourgades ne tardèrent pas à s’élever au rang de villes : Tournai et surtout Tongres. Celle-ci atteignit un développement qu’elle n’a pas recouvré de nos jours. Bavay cependant, capitale des Nerviens, l’éclipsait elle-même comme l’attestent les débris magnifiques de ses antiques monuments.

Langage. — Le langage subit, une métamorphose complète. Le latin populaire s’infiltra peu à peu dans le pays, et se substitua à l’ancienne langue celtique. On s’explique ce phénomène si l’on considère le séjour prolongé que faisaient en Italie les soldats belges servant sous la bannière romaine, et si l’on tient compte de la présence, dans les Gaules, de soldats romains, de fonctionnaires et de colons romains. Ajoutons que les vainqueurs nous apportèrent d’ailleurs un nombre considérable d’objets, de choses, que les anciens Belges ne connaissaient pas, qui n’avaient donc pas de nom dans leur langage, et qu’ils désignèrent naturellement par les termes latins. Mais le latin populaire se modifia rapidement et donna naissance dans le nord de la Gaule, à la langue romane d’Oïl, dont un dialecte est devenu la langue française actuelle.

Mœurs, religion. — Enfin, sous l’influence romaine, la barbarie s’adoucit par degrés ; les sacrifices sanglants des druides furent interdits. Bientôt se présentèrent les premiers missionnaires chrétiens : saint Piat évangélisa les Nerviens et mourut martyr à Seclin, en 299. Toutefois, les progrès du christianisme au début furent lents ; ce ne fut pas sans peine qu’on élagua les antiques croyances qui charmaient l’imagination de nos ancêtres et répondaient si bien à leurs aspirations guerrières. Il fallut pour cela des siècles de patience. Au reste, aujourd’hui même, elles se retrouvent en grand nombre dans les superstitions populaires.

L’obligation principale des Belges envers les Romains était le service militaire.

La longue durée de la domination romaine eut une influence heureuse sur la Belgique méridionale :

1o Les Romains tracèrent dans notre pays de magnifiques chaussées militaires, dont la principale allait de Boulogne, sur la mer, à Cologne, sur le Rhin, par Tournai, Tongres et Maestricht ;

2o Les postes fortifiés établis le long de ces routes devinrent les noyaux de plusieurs bourgades, et même de deux villes assez importantes, Tongres et Tournai ;

3o Le latin populaire remplaça l’ancienne langue celtique. S’altérant par la suite, il donna naissance dans le nord de la Gaule, à la langue romane d’Oïl, d’où est sorti le français moderne ;

4o Enfin la barbarie s’adoucit, et vers 250, apparurent les premiers missionnaires chrétiens.





  1. Belge ou Bolg signifie batailleur.
  2. Framée : espèce de longue lance.
  3. Namêche