Petit prologue pour la distribution des prix
LOUISE · · · · · · · · · · 8 ans.
CÉLINE · · · · · · · · · · 13 ans.
JULIE · · · · · · · · · · · · 14 ans.
Dis-moi donc ? trouves-tu quelque chose, Céline ?
Non, rien.
J’en dis autant. — Et toi ?
Un tas de substantifs avec des adjectifs,
Et leurs comparatifs, et leurs superlatifs ;
J’y joins force pronoms, force adverbes et verbes…
Tout cela ne fait pas une phrase !… les herbes
Poussent dans mon cerveau… mais, de récolte ? Point.
Et j’ai beau me donner au front des coups de poing,
Il n’en sort pas la moindre agréable pensée.
Tiens ! Tiens ! (Elle se frappe la tête.)
C’était, Louise, une audace insensée,
Je le vois, — et d’abord je ne l’avais pas cru, —
Que de vouloir tirer des vers de notre crû !
On a dit bien souvent : « le cœur seul est poète »
Et pourtant, mon cœur parle et ma bouche est muette.
Là !!!
Ne nous avait rien fait de neuf, ni rien appris,
Il fallait…
Tu nous as mis en tête une grande folie ! —
Parce que nous aimons et que nous bénissons
Les Sœurs, prêchant d’exemples ainsi que de leçons,
Le bon Curé, nos doux Protecteurs, et les Dames
Qui soignent à l’envi nos corps avec nos âmes,
Fallait-il nous tourner la cervelle à l’envers
Et, huit jours, sur nos mains compter les pieds des vers !
Un bouquet suffisait. Voilà que l’heure approche.
Et, compliments et fleurs, rien n’est prêt, sans reproche.
Quelques vers ; on pourrait avec un temps moral…
Oui, tu les ferais bien, mais tu les ferais mal.
Enfin, avec ton temps moral…, on se rassemble,
Tout le monde va croire, en nous voyant ensemble,
À quelque dialogue ou prologue, en tableaux,
Pour cette fête… et puis, nous aurons le bec clos !
Ce n’est pas naturel pour des petites filles !
Ah ! nous sommes vraiment…
Oui, nous sommes gentilles
Que devenir ?
Que faire ?
le refrain d’un chœur chanté par des élèves.)
Écoutez. — Je vais voir.
Qu’est-ce donc ? et qui peut ?…
C’est à deux pas de nous et Louise a des ailes.
Ah ! je la vois…
Eh bien !
Tandis que nous pensions à penser, tout un chœur,
Comme pour nous narguer s’en donnait de bon cœur.
Nos compagnes sont là qui répètent des stances,
Sur de superbes airs, faits pour les circonstances.
Joignons nous-y ! — L’on a des dispositions,
Car nous avons parlé comme si nous chantions !
Voici le jour où l’on moissonne
Selon les grains qu’on a semés :
Beau jour, où sous l’humble couronne,
Ces lieux si chers sont plus aimés.
Voici le jour où l’on moissonne
Selon les grains qu’on a semés.
Céleste port, maison de Dieu
Trop tôt nous te dirons adieu.
Mais bien souvent, par ta mémoire,
Nous reviendrons aux murs bénis.
Les lieux où l’on apprit à Croire,
Du cœur ne sont jamais bannis.
Voici le jour, etc.
Cœurs généreux, cœurs éclairés,
Tuteurs de ces abris sacrés,
D’un salutaire apprentissage
Vous reportant les doux effets,
Par une vie heureuse et sage,
Nous vous paîrons tous vos bienfaits.
Voici le jour, etc.
Mais le pasteur fervent et saint,
Des sœurs le charitable essaim,
Si l’on donne une récompense
À qui les a le plus chéris,
Chacune de nous, plus j’y pense,
Pourra gagner le premier prix.
Voici le jour, etc.