Petites Misères de la vie conjugale/1/09

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OBSERVATION.


Arrivé à cette hauteur dans la latitude ou la longitude de l’océan conjugal, il se déclare un petit mal chronique, intermittent, assez semblable à des rages de dents… Vous m’arrêtez, je le vois, pour me dire : ─ « Comment relève-t-on la hauteur dans cette mer ? Quand un mari peut-il se savoir à ce point nautique ; et peut-on en éviter les écueils ? »

On se trouve là, comprenez-vous ? aussi bien après dix mois de mariage qu’après dix ans : c’est selon la marche du vaisseau, selon sa voilure, selon la mousson, la force des courants, et surtout selon la composition de l’équipage. Eh bien, il y a cet avantage que les marins n’ont qu’une manière de prendre le point, tandis que les maris en ont mille de trouver le leur.

Exemples. Caroline, votre ex-biche, votre ex-trésor, devenue tout bonnement votre femme, s’appuie beaucoup trop sur votre bras en se promenant sur le Boulevard, ou trouve beaucoup plus distingué de ne plus vous donner le bras ;

ADOLPHE ET CAROLINE.
Caroline, votre ex-biche, votre ex-trésor, s’appuie beaucoup trop sur votre bras…


Ou elle voit des hommes plus ou moins jeunes, plus ou moins bien mis, quand autrefois elle ne voyait personne, même quand le Boulevard était noir de chapeaux et battu par plus de bottes que de bottines ;

Ou, quand vous rentrez, elle dit : « ─ Ce n’est rien, c’est Monsieur ! » au lieu de : « ─ Ah ! c’est Adolphe ! » qu’elle disait avec un geste, un regard, un accent qui faisaient penser à ceux qui l’admiraient : Enfin, en voilà une heureuse ! (Cette exclamation d’une femme implique deux temps : celui pendant lequel elle est sincère, celui pendant lequel elle est hypocrite avec : « — Ah ! c’est Adolphe. » Quand elle s’écrie : « ─ Ce n’est rien, c’est Monsieur ! » elle ne daigne plus jouer la comédie.)

Ou, si vous revenez un peu tard (onze heures, minuit), elle… ronfle !!! odieux indice !

Ou, elle met ses bas devant vous… (Dans le mariage anglais, ceci n’arrive qu’une seule fois dans la vie conjugale d’une lady ; le lendemain, elle part pour le continent avec un captain quelconque, et ne pense plus à mettre ses bas.)

Ou… mais restons-en là.

Ceci s’adresse à des marins ou maris familiarisés avec la connaissance des temps.