Philon d’Alexandrie et son œuvre

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La Revue de Paris1r année, Tome 1 (p. 37-55).
PHILON D’ALEXANDRIE ET SON ŒUVRE
I
PHILON

Au milieu d’un développement presque tout anonyme ou pseudonyme, de figures qui ont l’air de faire partie d’un monde intangible, d’écrits courts, frappés en vue de la théopneustie, où l’idée seule est en vedette et où l’auteur disparaît totalement, se détache la personnalité d’un abondant écrivain, mêlé à la vie de son temps, dont les œuvres nous sont en grande partie restées, que nous touchons pour ainsi dire comme un de nous : c’est Philon. Il appartenait à une des principales familles juives d’Alexandrie. Son frère Alexandre Lysimaque remplissait les fonctions d’arabarque et était prodigieusement riche. Dans ses rapports avec les Romains et avec les Hérodes, il joue presque le rôle d’un rex, leur rendant des services d’argent, administrant leur fortune, leur faisant des prêts énormes. Un de ses fds épousa la célèbre Bérénice. Un autre fut ce Tibère Alexandre, qui joua un rôle si important dans la politique romaine du premier siècle de notre ère.

Philon lui-même était riche et, vers l’an 40 de notre ère, il fut député à Caligula pour les affaires de la synagogue d’Alexandrie[1]. Il était vieux alors : ce qui donne à supposer qu’il naquit quinze ou vingt ans avant Jésus-Christ. Il fut ainsi à la lois l’aîné et le survivant de Jésus. C’est sans doute pendant la jeunesse de Jésus qu’il écrivit ces innombrables livres où le judaïsme était envisagé d’une façon si originale. Quel dommage que, dans ses derniers écrits, il n’ait pas consacré quelques réflexions à ce qui se passait en Galilée ! A vrai dire, le premier embryon du christianisme fut si peu de chose que Philon peut-être ne vit et n’entendit jamais rien qui s’y rapportai.

L’érudition grecque de Philon était très considérable. Il savait évidemment tout ce qu’on savait à Alexandrie de son temps. Il lisait une foule d’écrits maintenant perdus. Aucun autre Juif n’eut une connaissance aussi parfaite de la culture grecque. Son style est le grec classique, non ce style plein d’hébraïsmes et imité des Septante dont se servaient les Juifs. — Son érudition hébraïque, au contraire, était très courte. Il savait à peine l’hébreu. Il travaillait sur la traduction grecque du Pentateuque et des prophètes. Ses étymologies hébraïques sont mauvaises ; mais, après tout, celles des docteurs palestiniens n’étaient pas meilleures. Ses Interpretationes vocum hebraicarum ont été le noyau de la collection qui, grossie ou corrigée par Origène, Eusèbe, saint Jérôme, a défrayé la misérable science hébraïque du moyen âge, jusqu’à la Renaissance.

La nature de Philon était aussi excellente que son éducation fut accomplie. C’était un bel esprit et un beau caractère, honnête homme, libéral, aimant ses compatriotes et le genre humain tout entier. Les subtilités de ses explications allégoriques lui étaient commandées parles exigences de son apologétique ; sans philologie, sans critique, il l’était assurément : mais personne alors, dans le monde juif, n’en avait plus que lui, et nul, puisque Jésus ne parlait pas encore, n’avait plus de bonté, plus de chaleur d’âme, plus de cœur. Ce sont là de si bonnes choses qu’on oublie qu’elles sont obtenues par une exégèse détestable et des sophismes perpétuels.

Ce qui distingue essentiellement Philon de ses coreligionnaires, même de Josèphe, c’est que, cette culture grecque qu’il possède si bien, il l’aime et l’admire du fond du cœur. Rien chez lui de la jalousie qui caractérise le faux Aristobule, de la haine sombre qui remplit le cœur de Tatien. Saint Justin seul[2] atteint à cette haute sympathie. Philon aime surtout les philosophes et voit en eux la fleur du génie grec. Il a un vrai culte pour Platon : il l’appelle « très saint » ; la réunion des sages antiques lui apparaît comme un « thiase sacré ». Il n’adhère absolument à aucune secte, il est éclectique à la manière de Cicéron, tour à tour platonicien, stoïcien, pythagoricien, ou croyant l’être. Il est en réalité hellénique, voyant la lumière dans ce grand soleil de la vérité que la Grèce avait créé et où toute raison a son foyer d’origine, son centre de retour.

Comment avec cela Philon reste-t-il Juif ? C’est ce qu’il serait assez difficile de dire, s’il n’était notoire que, dans ces questions de religion maternelle, le cœur a des sophismes touchants pour concilier des choses qui n’ont aucun rapport entre elles. Platon aime à éclairer ses philosophèmes par les mythes les plus gracieux du génie grec ; Proclus et Malebranche se croient dans la religion de leurs pères, le premier en faisant des hymnes philosophiques à Vénus, le second en disant la messe. La contradiction, en pareille matière, est un acte de piété. Plutôt que de renoncer à des croyances chères, il n’y a pas de fausse identification, de biais complaisant qu’on n’admette. Moïse Maimonide, au xiie siècle, pratiquera la même méthode, affirmant tour à tour la Thora et Aristote, la Thora entendue à la façon des talmudistes, et Aristote entendu à la façon matérialiste d’Ibn-Roschd. L’histoire de l’esprit humain est pleine de ces pieux contresens. Ce que faisait Philon il y a dix-neuf cents ans, c’est ce que font de nos jours tant d’esprits honnêtes, dominés par le parti pris de ne pas abdiquer les croyances qui se présentent à eux comme ayant un caractère ancestral. On risque les tours de prestidigitation les plus périlleux pour concilier la raison et la foi. Après avoir obstinément nié les résultats de la science, quand on est forcé par l’évidence, on fait volte-face et l’on dit avec désinvolture : Nous le savions avant vous.

Retrouver la philosophie grecque dans la Bible, prouver que les belles découvertes de la Grèce, le génie hébreu les avait faites mille ans auparavant, voilà l’effort désespéré de Philon. On peut aussi comparer sa tentative à celle des scolastiques du xiiie siècle, encadrant le dogme chrétien dans la logique aristotélique. Moïse a été non seulement le meilleur des législateurs, mais le premier des philosophes. A la fois Grec et Juif, Philon veut gagner les Juifs à l’hellénisme et les Grecs au judaïsme. Sa sincérité d’helléniste et sa vanité de Juif sont ainsi à leur aise. Il n’a pas à déprimer une partie de sa foi pour exalter l’autre. Comment réussit-il en cette tâche impossible ? Naturellement, par des subtilités, en se permettant tous les à peu près. Le système des sens cachés, de l’allégorie, qui est presque toujours la revanche de la conscience libre, opprimée par le texte révélé, est poussé au comble de l’arbitraire. La pensée vraie de l’auteur sacré est tenue pour chose indifférente. Le texte est une matière à divagations. Persuadé que le livre sacré contient la plus haute vérité, Philon, derrière le sens littéral (le côté sensible), voit toujours le sens spirituel (le côté intelligible). L’autel et le tabernacle signifient les objets invisibles et intelligibles de la contemplation. L’Éden, c’est la sagesse de Dieu : les quatre fleuves sont les quatre vertus qui dérivent de cette sagesse. La pluie du ciel qui féconde la terre, c’est l’intelligence, qui, comme une source, arrose les sens, etc. Les esprits étaient si faussés que la signification propre paraissait mesquine, messéante, indigne de Dieu. On croyait servir Dieu en substituant aux choses tout ordinaires du texte des vérités transcendantes ou que l’on trouvait telles, des sens moraux, psychologiques, excellents sans doute, mais que l’auteur primitif n’avait pas eus en vue.

Si c’était là tout Philon, sa place serait dans l’histoire de la folie, non dans l’histoire de l’exégèse. Mais ce n’est pas tout, en vérité. Le cœur chez Philon valait mieux que l’esprit. L’amour du bien déborde en lui : son judaïsme est ouvert, universaliste. Sa langue philosophique est abondante et sonore. Le premier, il a dit des mots admirables, à la fois grecs et juifs, exprimant de très belles choses, et qui sont restés dans la tradition religieuse de l’humanité.

Philon, en effet, nous donne le premier exemple de l’effort qui sera souvent tenté pour réduire le judaïsme à une sorte de religion naturelle ou de déisme, en atténuant le côté de la révélation et en présentant les prescriptions les plus particulières de la Thora comme de simples préceptes de raison naturelle ou d’hygiène bien entendue. Dans une telle manière de présenter les choses, on ne nie pas la révélation ; mais on la dissimule. Les apologistes chrétiens à la manière de Minucius Félix[3] pratiqueront la même méthode : les apologistes de nos jours en abusent. On diminue la pilule pour la rendre plus avalable. Aucun esprit scientifique ne se laisse tromper à ces sophismes : mais les thèses hybrides ont souvent quelque chose de séduisant pour les lettrés.

II
LE LOGOS

La théorie des idées de Platon est peut-être la partie de la philosophie grecque à laquelle Philon doit ses concepts fondamentaux. La raison (Logos) est l’archétype du vrai, du bien. du bon en soi : au-dessous est la matière inerte, à laquelle l’intelligence suprême donne la forme. Rien ne se crée de rien. rien ne se détruit : mais les formes des choses, toujours variables. Dieu les prend dans les idées éternelles qu’il contemple en lui-même. Le monde est, par conséquent, éternel. Dieu n’est pas précisément créateur. Il ne se repose jamais : sa nature est de produire toujours. La création n’a pas commencé dans le temps. Dieu est le principe de toute action dans chaque être en particulier, aussi bien que dans l’univers : à lui seul appartient l’activité. Tout ce qui existe est pénétré de lui. Il est le lieu universel ; car il contient tout. Il est tout.

Une telle doctrine aujourd’hui s’appellerait panthéisme : ce n’est sûrement pas dans la Bible que Philon l’a prise. L’exégète alexandrin est bien plus près de la vieille théologie hébraïque dans ce qu’il dit du Logos intermédiaire entre Dieu et le monde : « l’ange de Jahvé » lui offrait ici une donnée dont la philosophie juive avant lui avait tiré parti[4]. Pour combler autant que possible l’abîme que le monothéisme sémitique creuse entre Dieu et le monde, on fut amené à la conception d’un intermédiaire, Dieu par un côté, homme par un autre, qui mettait en rapport le fini et l’infini. Philon, combinant avec la Bible la théorie platonicienne des idées, de l’âme du monde, et la formule stoïcienne de la divinité conçue comme la raison agissant dans le monde, donna à cette doctrine un corps qu’elle n’avait pas eu jusque-là. La sagesse de Dieu, le Logos, devient pour Philon le fils aîné de Dieu. l’archange ou le plus ancien des anges, le Verbe intérieur, la raison immanente de Dieu. Quand le Verbe est prononcé, il devient actif, effectif : c’est le monde, constitué par un mot de Dieu : « Qu’il soit ». Une fois, au moins, cette émanation de l’Être suprême est appelée « second Dieu[5] ». Les effets immédiats de la parole divine sont ainsi des paroles (logoi)[6] ou des forces, sortes d’anges ou de dæmones, dont le premier est « l’Homme de Dieu » ou Dieu anthropomorphe, qui sert à mettre la Divinité en rapport avec l’humanité. De telles idées n’étaient pas exclusivement propres à Philon. Le mémera[7] des Targums araméens devait son origine à une tendance analogue. La parole de Dieu, distinguée de Dieu, devenait un agent cosmique. Ces personnifications d’êtres abstraits[8] étaient la mode du jour. Les races les plus diverses y arrivaient, faute de mythologie, ou plutôt par suite de l’affaiblissement que l’action successive des siècles avait amené dans les facultés mythologiques.

Voilà la théorie qui, dès l’Apocalypse de Jean[9], pénétra le langage mystique de l’Église chrétienne, et qui, vers l’an 120 à peu près, produisit le prologue de l’Évangile attribué à Jean[10]. Le Logos fut la révélation permanente, le maître qui ne meurt pas, comme la lampe d’Édesse enfermée en un mur, par lequel Socrate a connu le Christ en partie[11], et qui produira dans l’humanité des séries de christs, des séries de prophètes sans fin.

On voit par combien de côtés Philon côtoie la théologie chrétienne. L’action de ce remarquable penseur sur Jésus lui-même parait avoir été nulle. Jésus ne lisait pas le grec, et des écrits du genre de ceux de Philon n’arrivèrent jamais jusqu’à lui. Il n’en fut pas de même de la seconde et de la troisième génération chrétienne. La théologie judéo-alexandrine triompha sous forme chrétienne ; le gnosticisme en fut l’exagération maladive : les exagérations furent chassées ; mais l’Église catholique, l’Église moyenne[12], conserva, cette fois comme toujours, la trace profonde des particularités qu’elle avait éliminées.

Un autre dogme chrétien, celui de la grâce, se retrouve dans Philon en traits qui ont beaucoup d’analogie avec la doctrine de saint Paul. Le bien vient tout entier de Dieu ; le mal vient de la matière ou des puissances inférieures qui contribuèrent avec le Verbe à la création du monde. Tout bien doit donc être rapporté à Dieu. Se regarder soi-même comme l’auteur d’une bonne action est un acte d’orgueil : c’est un vol accompli au préjudice de Dieu. Cette influence bienfaisante de Dieu, qui rend l’homme capable de bien, c’est la charis, « la grâce ». Saint Paul a-t-il lu ces passages ? Nous sommes loin de le soutenir. Disons seulement qu’il y avait un terrain commun où la théologie judéo-hellénique, le christianisme de saint Paul et le gnosticisme eurent leurs premiers développements.

Comme pour saint Paul, la descendance d’Abraham est, pour Philon, peu de chose. Le judaïsme de Philon est franchement cosmopolite. Le peuple juif a mérité sa prérogative, parce qu’il est le plus parfait, le plus juste, le plus raisonnable, le plus humain. le plus religieux des peuples. Son culte est le plus conforme à ce que peut désirer l’Éternel. Il doit le choix que l’Éternel a fait de lui à ses vertus et aux vertus de ses ancêtres. En réalité, Dieu n’établit pas de différence entre les hommes. En s’adjoignant au judaïsme et en pratiquant la Loi, on devient enfant d’Abraham.

Le péché originel lui-même est très logiquement dans Philon. L’espace entre Dieu et le monde est rempli d’âmes : les âmes qui se rapprochent le plus de la terre sont les plus sensitives, ce qui les amène à prendre un corps : faute énorme, car le corps c’est le mal, et tous les mauvais instincts de l’homme viennent de là. Le fait d’exister suppose donc une faute primitive, un acte de concupiscence coupable. L’effort de la vertu est de rompre le mariage fatal, pour que l’âme s’échappe dans sa liberté et sa pureté. La doctrine de la migration des âmes aurait dû sortir de là : Philon n’a pas suivi celle pensée avec sa logique accoutumée.

Philon n’a pas, à proprement parler, de messianisme[13] : la croyance à la résurrection lui est également étrangère. Il n’en a pas besoin. La philosophie grecque lui offre pour la récompense des bons et le châtiment des méchants des moyens plus simples. Les imaginations juives d’un bonheur universel sur terre l’obsèdent cependant et l’amènent aux rêves les plus contradictoires. Tous les Israélites que les hasards de l’esclavage ont entraînés jusqu’au bout du monde seront délivrés. Leurs maitres, pleins d’admiration pour eux, ne pourront supporter la pensée d’être les maitres de gens qui leur sont si fort supérieurs en vertu. Ainsi devenus libres, poussés à la même heure par un même instinct, ils accourront en Palestine, des terres et des îles les plus éloignées. La colonne lumineuse se mettra à leur tête ; elle ne sera visible que pour les justes. Arrivés au terme de leur voyage, ils régneront. Les villes détruites se rebâtiront d’elles-mêmes : les déserts se repeupleront : le pays stérile se couvrira de fruits… Cet âge de bonheur se réalisera quand les hommes se convertiront au judaïsme. Les bêtes féroces se mettront au service de l’homme Celui qui ne voudra pas de la paix sera exterminé. Comme dans toutes les utopies de suppression universelle de la guerre, en effet, la paix est maintenue par une force armée irrésistible, qui aurait les mêmes inconvénients que le mal qu’on veut empêcher. Les Saints, organisés en une sorte de ligue de la paix et ayant à leur tête un roi terrible tiré par des contre-sens du texte grec des prophéties de Balaam[14], seront les gendarmes pacifiques des nations. Dieu combattra avec eux ; ils n’auront pas de sang à verser : à la fois dignes, redoutables et bons, ils régneront par le respect, la crainte et l’amour. La richesse, le bien-être, la santé, la force du corps seront les caractères de ce règne bienfaisant d’Israël.

L’ancien génie hébreu n’est nullement mystique. Philon l’est au plus haut point. Il admet un degré de clairvoyance religieuse supérieure, où l’on arrive avec l’aide de la grâce divine. et où l’on contemple l’Être éternel face à face. L’extase est l’union de l’âme avec Dieu. L’âme revient ainsi à son origine transcendante. L’extase d’Abraham a lieu au coucher du soleil[15] : car l’esprit divin se lève quand notre conscience individuelle se couche et réciproquement. Un tel état ressemble à la folie : il est divin en réalité ; car Dieu alors se substitue à l’homme, agit par ses organes. Les abus de l’ascèse ne paraissent pas encore chez Philon : ces états merveilleux s’obtiennent par l’enthousiasme, par l’amour et le renoncement à soi-même.

Philon, on le voit, se livrait à des spéculations d’un ordre assez contradictoire. Sa prodigieuse activité intellectuelle ne s’imposait pas d’unité. Ses œuvres formeraient dix volumes considérables, et il s’en est beaucoup perdu. Le Pentateuque est l’objet perpétuel de ses commentaires : il parait l’avoir embrassé trois fois, à des points de vue divers, tantôt s’adressant aux non Juifs, tantôt à ses propres coreligionnaires. La vie de Moïse est curieuse comme biographie du législateur hébreu écrite en vue de plaire à des lecteurs païens. Les œuvres apologétiques[16] et historiques[17] ont de l’éloquence. Composées pour les païens, elles visent surtout à montrer aux non Juifs combien de préceptes juifs ils pourraient pratiquer avec avantage[18]. Touchante est la pensée des deux traités parallèles : « Que tout être vil est esclave ». « Que tout honnête homme est libre[19]. » Le nombre des Juifs devenus esclaves par suite des guerres du temps était énorme. Philon les console au nom de l’idéalisme transcendant, consolation que ceux-là seuls trouveront vaine qui n’ont jamais souffert injustement.

La fortune littéraire de Philon fut des plus singulières. L’école juive d’Alexandrie disparut au ier siècle de notre ère, et on ne voit pas quels élèves eut Philon dans sa patrie. Il n’exerça non plus aucune action sur le judaïsme palestinien parlant hébreu : son nom n’est pas prononcé une seule fois dans le Talmud ni dans la tradition juive. Jésus sans doute ne le connut pas. Mais la seconde et la troisième génération chrétienne le lurent beaucoup. Son influence, ou du moins l’influence d’idées analogues aux siennes, est sensible dans les épitres authentiques de saint Paul, dans l’épître d’un caractère indécis dite Épître aux Éphésiens, et surtout dans les écrits qu’une certaine école attribua à l’apôtre Jean.

Depuis lors, Philon fut fort en faveur dans l’école chrétienne : on le copia comme un Père de l’Église ; on soutint même qu’il avait été chrétien. Le modèle de l’homélie à la façon des Pères, prenant pour texte un passage de l’Écriture et partant de là pour les développements moraux, remonte à Philon. La théologie chrétienne, héritière et continuatrice de la théologie helléniste. lui dut beaucoup de choses, en particulier son goût désordonné pour l’allégorie. Le gnosticisme sortit en partie de Philon ou du moins développa des idées du même genre que les siennes. On peut dire que Philon, par sa théorie des forces ou puissances (dynamis) et par son amour effréné pour les hypostases, fut le père de Valentin. Les néoplatoniciens d’Alexandrie le connurent : Numénius d’Apamée, en particulier, le prit comme un de ses maîtres[20] ; il exagéra même son admiration, puisqu’il allait, dit-on, jusqu’à prétendre que Philon lui apprenait le véritable esprit du platonisme mieux que Platon lui-même.

Ce qui est vrai, c’est que Philon fut, dans le judaïsme, un phénomène absolument unique. Josèphe est tout autre chose. Bien moins philosophe que Philon, il n’a pas ces coquetteries de spéculation où se plaît l’Alexandrin. Son fond hellénique est arrivé à la forme la plus simple, la plus classique, si j’ose le dire : Dieu et l’immortalité. Les précautions du patriote sont les mêmes ; le caractère moral de Philon nous paraît supérieur : mais les temps de Josèphe furent si terribles ! Josèphe est plus hébraïsant que Philon ; son grec est celui d’un homme qui, écrivant artificiellement une langue apprise, emploie concurremment des mots pris de tous les côtés ; il nous avoue lui-même qu’il le prononçait mal. Ni l’un ni l’autre n’était dans la direction qui devait engendrer l’avenir. Ce sont des lettrés, et les lettrés font peu de chose. C’est des pauvres conventicules de messianistes et d’égarés de Palestine, gens ignorants, n’ayant pas de philosophie, ne sachant pas un mot de grec, que sortira Jésus.

III
LA VIE CONTEMPLATIVE

La grande préoccupation de Philon est l’idée d’une vie philosophique parfaite, où l’âme, livrée sans relâche à la méditation de l’infini, s’absorbe en l’objet de ses méditations et s’élève au-dessus de tous les soucis matériels. Les esséniens de Palestine réalisaient à beaucoup d’égards ce programme, et Philon a pour eux plus grande admiration. Y avait-il des ascètes de ce genre en Égypte ? Cela est fort douteux ; mais Philon en rêvait, et c’est ce qui l’amena à composer ce traité de la Vie contemplative, dont la tournure est si singulière qu’on peut se demander s’il a pour fond quelque réalité[21].

« Après avoir parlé des esséniens, dit-il, qui aiment et pratiquent la vie active mieux que n’importe qui, je vais parler maintenant de ceux qui ont embrassé la vie contemplative… » La doctrine de ces philosophes apparait tout d’abord en leur nom. On les appelle thérapeutes, soit parce qu’ils font profession d’une médecine supérieure ne guérissant pas seulement les maladies du corps. mais encore celles de l’âme : soit parce qu’ils ont appris par l’étude de la nature et des saintes lois à servir l’Éternel. Ce sont les meilleurs et les plus heureux des êtres. Possédés de l’amour céleste, ils ressentent des transports qui ne s’apaisent que quand ils sont parvenus à voir l’objet de leurs désirs. Dans l’ardeur qui les porte vers cette vie immortelle et bienheureuse, et s’imaginant qu’ils en ont fini avec la vie mortelle, ils ouvrent eux-mêmes leur héritage et donnent ce qu’ils possèdent à leurs enfants, à leurs parents, à leurs amis. « Il faut, en effet, que ceux qui ont acquis les trésors de la vie intellectuelles laissent les biens qui aveuglent à ceux dont la pensée est encore enveloppée de ténèbres. »

Ce sont tous des gens de bonne naissance et de mœurs polies. Débarrassés de tous les soucis du monde, ils abandonnent frères. femme et enfants, et s’enfuient loin de leurs patrie et des lieux habités. Ils s’établissent hors des villes, dans des jardins ou des lieux solitaires, non par misanthropie, mais pour éviter les dangers de la société humaine. Ils n’ont pas d’esclaves, regardant l’esclavage comme contraire au droit naturel. « La nature nous a tous engendrés libres : les injuslices et l’avarice de quelques hommes ont établi l’inégalité, source de tous les maux, et courbé les plus faibles sous le joug des plus forts. »

Cette espèce de sages existe en beaucoup d’endroits de la terre habitée ; car il convenait que la Grèce et les pays barbares possédassent également ces modèles de vertu. On les trouve en plus grand nombre en Égypte, dans chacune des provinces qu’on appelle nomes, et surtout aux environs d’Alexandrie. De toutes parts les thérapeutes les plus distingués se donnent rendez-vous à une espèce de maison-mère de la secte, située à un endroit très avantageux, au bord du lac Maria[22], sur une colline peu élevée, aussi bien choisie pour la sûreté du lieu que pour la pureté de l’air. La sûreté est fournie par une ceinture de métairies et de villages, et la bonté de l’air provient des brises continuelles qui s’élèvent non seulement du lac à son embouchure dans la mer, mais encore de la mer elle-même, qui est voisine. Les brises de la mer sont subtiles, celles de l’embouchure du lac sont épaisses, et de leur mélange résulte un état atmosphérique très salubre.

Les établissements de thérapeutes, selon la description que nous en donne Philon, n’étaient pas des monastères à la façon de l’Occident, ni des séries de cases contiguës ; c’étaient des laures à la façon des couvents du Mont-Athos, ou des espèces de béguinages. Les cases, d’une simplicité extrême, garnies de pauvres nattes, étaient assez éloignées les unes des autres pour que les solitaires ne pussent se gêner, assez rapprochées pour qu’ils pussent se porter secours. Dans chacune était une espèce d’oratoire appelé semnée ou mystère ; là, le solitaire accomplissait les actes les plus sacrés de sa vie religieuse, lisait la Loi, les prophètes, les Psaumes et les autres livres sacrés. Les femmes étaient admises dans l’ordre. Elles gardaient une rigoureuse virginité, uniquement occupées comme les hommes de la méditation de la Loi.

« La pensée de Dieu leur est toujours présente, même dans leur sommeil. Ils ne voient en rêve que les beautés des Vertus de Dieu et ses Puissances. Beaucoup parlent en dormant et reçoivent dans leurs songes les plus hauts enseignements de la science sacrée[23]. »

Ils prient deux fois par jour, au lever du soleil et à son coucher. La journée est consacrée à méditer sur les saintes Écritures, on cherchant des allégories dans la philosophie des Pères. Les thérapeutes, en effet, sont persuadés que le sens littéral cache toujours un sens mystérieux. Ils possèdent des livres écrits par les anciens fondateurs de la secte, et où le modèle de la méthode allégorique est donné. Ils composent ainsi à la louange de Dieu des cantiques et des hymnes, de vrais psaumes de cadences diverses, qu’ils chantent sur des rythmes graves et variés. Le jour entier est rempli par l’étude ; toutes les nécessités du corps sont réservées pour la nuit. Quelques-uns arrivent à ne manger que tous les trois jours ou même plus rarement encore.

Telle est leur vie pendant six jours de la semaine. Pendant ces six jours, ils ne sortent pas de leur case, ni même ne jettent un regard dehors. Le septième jour, ils se réunissent dans un semnée commun, divisé en deux par un mur de trois ou quatre coudées. Les thérapeutrides, en effet, sont admises à ces réunions ; le mur n’empêche pas les voix de se réunir, et il pare aux inconvénients de la promiscuité.

Les confrères s’assoient par rang d’âge, dans une altitude recueillie. Le plus âgé et le plus consommé en doctrine s’avance et parle gravement, simplement. On l’écoute en silence, sans se permettre autre chose que des signes discrets d’approbation. Philon insiste sur la discrétion que chacun met à soutenir son opinion et à combattre celle des autres. Le contraste avec les controversistes vaniteux de Jérusalem est finement indiqué. On sent que la bonne éducation de Philon et ses manières exquises d’homme du monde avaient été souvent froissées par le verbe haut et le ton tranchant de ces scolastiques impertinents.

Après le service religieux, les solitaires donnent au corps quelque relâche. Ils mangent du pain assaisonné de sel ; les délicats y joignent un peu d’hysope. Leur grande fêle est la Pentecôte. Le repas est la partie essentielle de la fête. Ils se réunissent en habits blancs[24], portant sur leur figure les signes d’une joie contenue. D’abord, ils se mettent en rang et prient, les mains et les yeux levés au ciel. Puis ils se placent selon l’ordre d’ancienneté dans la secte. Les femmes prennent part au repas, séparées des hommes : les premiers à droite, les secondes à gauche. Comme il n’y a pas d’esclaves dans la secte, on choisit pour le service les jeunes gens distingués par leur élégance, leur noblesse et ayant un haut avenir de vertu. Ils entrent dans la salle, vêtus de tuniques longues, sans ceinture, pour écarter toute idée de servilité. « Ces jeunes gens semblent des fils heureux et empressés autour de leurs père et mère. Car ils voient dans les convives des parents communs, auxquels les attache un lien plus étroit que celui du sang. Pour ceux qui jugent sainement des choses, rien ne crée, en effet, une plus forte attache que la pratique du beau et du bien ».

La réunion ressemble d’abord bien plus à une séance académique qu’à un repas. Au milieu d’un profond silence, l’un des solitaires entame une dissertation théologico-philosophique. Le sujet en est une question tirée de l’Écriture, ou un doute soulevé par un confrère. La discussion est sérieuse, exempte de tout amour-propre, nul ne cherchant à briller ni à triompher de sa supériorité. « Chacun enseigne à loisir, sans crainte des répétitions ou des longueurs, ne cherchant qu’à faire pénétrer sa pensée dans les âmes ; dans les explications données d’une manière trop rapide et sans pause, il arrive, en effet, que l’esprit de ceux qui écoutent, ne pouvant suivre, reste en arrière et que l’intelligence des choses lui échappe[25]. »

Les commentaires des saintes Écritures consistent en interprétations allégoriques. La Loi leur paraît ressembler à un animal : les préceptes en sont le corps : l’âme est représentée par l’esprit invisible caché sous le texte. La sagacité consiste à deviner à demi-mot, et, sur le moindre indice, à saisir l’invisible à travers le visible. Quand on croit que le président a assez parlé, un applaudissement unanime marque le plaisir que tous ont éprouvé. Puis le président se lève et chante un hymne qu’il a composé lui-même ou tiré de quelque ancien poète, La secte possédait, en effet, outre le livre des Psaumes, des recueils d’hymnes de mètres variés, faits pour les processions. les stations et les moments divers du culte. Ces hymnes étaient sans doute en grec et reproduisaient toute la série de la prosodie liturgique. Après le président, chacun chante à son tour, et tous reprennent en chœur les dernières paroles de l’hymne et les refrains.

Quand tous ont chanté leur hymne, les jeunes servants apportent la table du festin sacré. Il ne s’y trouve aucun mets sanglant : rien que du pain, du sel, de l’hysope pour les gourmets. Le vin n’y figure pas ; on ne sert que de l’eau pure, attiédie pour les vieillards obligés à des précautions. Le pain est fermenté, pour que nulle confusion ne soit possible avec les pains azymes, dits de proposition, qui figurent sur la table dans le vestibule du temple. Ces derniers pains sont destinés aux prêtres, et les laïques doivent s’en abstenir, pour reconnaître le privilège du sacerdoce. Philon, en effet, est loin de supposer que l’ascétisme de ses thérapeutes supprime le culte de Jérusalem, ou les égale aux prêtres. Chez les esséniens, la tendance à se passer des prêtres et à substituer les rites de la secte au culte officiel, surtout aux sacrifices sanglants, est tout à fait sensible. Philon ne veut pas que ses solitaires commettent la même faute. La supériorité du culte de Jérusalem est hautement reconnue.

Après le repas a lieu la veillée sacrée[26]. Tous se lèvent et se groupent au milieu de la salle, de façon à former deux chœurs, celui des hommes et celui des femmes. On choisit pour conduire chacun de ces chœurs la personne la plus respectée et la plus exercée dans la musique. Une danse sacrée s’engage, accompagnée d’hymnes chantés en partie, avec des antiphonies et des répons. Des gestes marquent les cadences diverses de ces chants alternants.

Ils dansent ainsi au milieu de saints transports, tantôt marchant, tantôt s’arrêtant, tantôt tournant sur eux-mêmes, selon la loi de la strophe et de l’antistrophe. Lorsque chacun des deux chœurs séparément s’est rassasié de ce plaisir, ivres du vin de l’amour divin, comme il arrive dans les mystères de Bacchus, ils se mêlent, les deux chœurs n’en font plus qu’un, à l’imitation de celui qui fut jadis formé sur les bords de la Mer Rouge, sous la conduite de Moïse et de Marie. Les chants se continuent en versets alternatifs. Les voix graves des hommes se mêlant aux voix aiguës des femmes, produisent une symphonie harmonique et un effet tout à fait musical. Les pensées sont belles, les paroles aussi ; les danses sont très graves. Le but des pensées, des paroles et des danses, c’est la piété.

Ils se plongent jusqu’au matin dans cette belle ivresse, qui, loin d’alourdir leur tête, d’appesantir leurs paupières, les rend lestes et alertes. Quand ils aperçoivent les premiers rayons du soleil, ils lèvent les mains au ciel et demandent à Dieu un jour heureux, la connaissance de la vérité et la lucidité de l’intelligence. Après celle prière, chacun gagne son semnée, pour y reprendre la culture de la philosophie.

Tout cela doit-il être pris bien au sérieux ? Philon, dans ces pages singulières, décrit-il un idéal ou une réalité ? Ces thérapeutes du lac Mariout, dont il est le seul à parler, ont-ils réellement existé, ou n’est-ce pas là une Salente idéale, la peinture d’un paradis destinée à édifier et à charmer ? Il est fort difficile de répondre d’une manière absolue. Le fond du roman thérapeute est emprunté à l’essénisme, mais avec d’importantes corrections. Peut-être quelques ascètes que Philon vit près du lac Mariout[27] tournèrent-ils ses idées de ce côté. Ce qu’il avait lu des instituts pythagoriques et de la vie stoïcienne flottait peut-être aussi dans son imagination. L’ensemble est une création libre et voulue. C’est l’idéal de la vie parfaite et du parfait bonheur comme le conçoit Philon. La vie du thérapeute est la vie de Philon lui-même, une vie où l’homme fait triompher en lui l’esprit sur les sens, ne s’occupe que de l’âme et devient, par la simplification de tout ce qui touche au corps, citoyen du ciel et du monde. Une telle vie, dans le langage philonien, se résume en « la philosophie », la philosophie, qui, pour un Juif, est surtout la méditation et l’explication allégorique des anciens livres. L’œuvre entière de Philon, c’est l’œuvre d’un parfait thérapeute ; Philon ne vécut pas sur le bord du lac Mariout ; il n’habita pas une petite maison avec un semnée : mais sa vie fut bien consacrée à la recherche de la vérité : sans se séparer du judaïsme officiel, il se créa une ascèse personnelle et fut heureux dans la règle qu’il s’était faite. Peut-être quelques amis partagèrent-ils ses goûts. L’invention, l’initiative religieuse étaient à cette époque d’une hardiesse qui nous étonne. On osait tout. Jésus, fondateur de religion, na pas été en son temps une apparition isolée. El la portée de ce que peut oser l’agada, qui donc peut se vanter de l’avoir mesurée ?

Dichtung und Wahrheit ! voilà bien le traité de la vie contemplative, livre éminemment subjectif, mélange bizarre de vérité et de traits fuyants, sans consistance, décelant l’œuvre d’imagination, roman philosophique, ou, si l’on veut, tableau fait par un homme qui voyait le monde a travers ses rêves. C’était bien le cas de Philon. Ses thérapeutes sont tous des Philon, nobles, polis[28], pleins d’antipathie pour les pédants grossiers, parfaits de manière. Nulle part on ne sent le peuple, la foule laïque. Cela n’a jamais sérieusement existé. Ce couvent philosophique où, dans une cellule large de quelques mètres carrés, on eût philosophé depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, eût été une annexe de la Morgue. Les gens bien élevés qui s’y seraient enfermés seraient morts en quelques semaines d’inanition et de névrose.

Nous pensons donc que le traité de la Vie contemplative fut écrit par Philon comme un appendice du traité Que tout honnête homme est libre[29] où il est longuement question des esséniens de Palestine. Cette brillante manifestation du judaïsme, si analogue à ses idées, excite chez lui une sorte de jalousie, et lui inspire le désir de montrer que l’Égypte n’était pas, sous ce rapport, au-dessous de la Palestine. Avec quelques éléments réels, il dressa un tableau que l’histoire aurait tort d’accepter comme un vrai document. Dans l’exposé de l’essénisme, il ne faut faire aucun usage du traité de la Vie contemplative : le mot même de thérapeute doit être banni d’une histoire du judaïsme comme désignant un institut distinct, ayant existé en dehors des aspirations de Philon. Ce qui sort de ces pages singulières, c’est le portrait de Philon lui-même, dans ses plus fines nuances : homme du monde délicat, cœur excellent, épris de l’amour du vrai et du bien, une des âmes, à l’égal de Spinoza, les plus spéculatives et les plus désintéressées qui aient jamais existé. Comme les cigales dont il parle, il vécut bien d’air et de chant. Philon fut vraiment un de nos frères : nous aimons le petit couvent philosophique de Mariout comme un joujou cassé de notre enfance. L’objet était mince ; mais l’effort était beau ; surtout si l’on pense que ce créateur religieux était un simple laïque riche, nullement un prêtre. L’activité religieuse en dehors du sacerdoce officiel, voilà toute l’histoire d’Israël.

Les ressemblances des thérapeutes de Philon avec les moines chrétiens[30] sont frappantes. On a eu tort d’en conclure l’identité : mais le principe était le même. Les chartreux ont à peu près réalisé ce que rêvait Philon sur les bords du lac Mariout.


ERNEST RENAN.
  1. Ceci a été raconté dans les Apôtres, p. 194 et suiv.
  2. Origines du christianisme, VI, p. 386 et suiv.
  3. Orig. du christ., VII. p. 107 et suiv.
  4. L’emploi sacramentel du mot Logos n’a que des attaches indirectes avec le platonisme, en particulier avec le Timée.
  5. Orig. du Christ., VI, p. 67.
  6. Pour Philon, Ayo:est synonyme de idézi.
  7. Mémera, « parole ».
  8. Comparez le Komix (qol-pi-yah) de Sanchoniathon ; en iranien, l’Honover.
  9. Orig. du christ., VI, p. 68 et suiv.
  10. Ibid. ; en général, voir l’index, aux mots Logos et Verbe.
  11. Voir surtout ce qui concerne le Logos de saint Justin. Orig. du christ., VI. 387 et suiv.
  12. C’est le sens du mot zz0ozó ; à cette époque : commun, en dehors des sectes : le contraire de particulier. Le sens de « répandu partout » est venu plus tard.
  13. Du moins, il ne se sert jamais des mots Messiz ni Xpestós.
  14. Nombres, xxi, 7
  15. Gen., xv, 12.
  16. L’Apologie des Juifs de Philon ne nous est connue que par Eusèbe. Sur le Traité de la vie contemplative, voir ci-dessous, ch. III.
  17. L’ouvrage de Philon sur l’état des Juifs sous Tibère, Caligula et Claude et sur la part qu’il prit à ces événements formait 5 livres dont le 3e (In Flacc.) et le 4e (Leg. ad Caium) ont seuls été conservés. Voir les Apôtres, p. 194-197.
  18. C’était le sujet des l’ofetiz.
  19. Le premier de ces deux traités est perdu. Philon eut aussi l’intention d’écrire un traité sur la « souveraineté du Sage » (Quod omnis probus liber. § 3).
  20. Orig. du Christ., VII, p. 434-435.
  21. Nous tenons pour certain que le traité Isp ! to Heo bacpytixos ízétmy zazov est de Philon. Le style, les pensées sont absolument du penseur alexandrin. Notez la haine contre les éranes (§§ 5-7), qui n’a plus de sens au iiie siècle. Les ascètes dont il est question dans la Vie contemplative sont des ascètes profondément juifs ; ils n’ont pas un seul trait spécialement chrétien. On voudrait songer à des bouddhistes ; impossible. Un pastiche philonien si bien réussi, au iiie siècle, serait un fait unique dans l’antiquité. Les faussaires ne s’appliquaient jamais à imiter le style de l’auteur à qui ils prêtaient des compositions apocryphes.
  22. Le lac Mariout, Marœotis des anciens.
  23. Trait bien philonien. Cf. le traité lUf : xo^ 6£07t£[x : îioù ; stvatToù ; ovs’.poj ;.
  24. Comme les esséniens. En général, la messe des thérapeutes ressemble fort à celle des esséniens.
  25. On dirait que Philon veut ici caractériser sa propre manière et faire l’apologie de sa prolixité.
  26. Πα
  27. Comparez les catochites ou reclus du Sérapéum. Orig. du christ., II, 79, 325 ; VI, 188, note 2.
  28. "AvÔpwTzoï àdtsiot xai sùyaviiç, § 9, deux fois.
  29. Un trait remarquable c’est la préoccupation de l’esclavage dans De Vita cont., (surtout § 2 et § 9), préoccupation dominante aussi dans Quod Omnis Probus Liber.
  30. Genre de vie, costume, humilité (§ 4 fin), etc.