Phyllis (Hungerford)/04

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Traduction par Alice Pujo.
Éditions du Petit Écho de la Mode (p. 22-23).

IV


À mon retour à la maison, à ma grande joie, je trouvai Roland, mon frère aîné.

Il était arrivé en mon absence, sans être attendu. Nos distractions sont si rares, que nous l’accueillîmes avec des transports de joie.

Maman elle-même, dont le caractère est resté étonnamment jeune étant donné le nombre d’années vécues sous la férule de papa, maman était rayonnante de plaisir.

— Je vous dirai, expliqua Roland, que j’ai horreur d’écrire. C’est pourquoi je vous ai ménagé cette petite surprise.

— Comment as-tu pu revenir si tôt ? demandai-je à mon frère.

— Permission de faveur, petite sœur. Mon colonel a un faible pour moi, et je l’en remercie en ayant à mon tour un faible pour sa fille. Mais, — il se tourna vers maman, — je ne prendrai aucun engagement avant d’avoir votre consentement.

— Vilain hypocrite ! murmura maman avec tendresse, comme si je pouvais refuser à mon mauvais sujet mon consentement à un si beau mariage.

— Hé ! hé ! pas mauvais ! La petite est une jolie enfant et elle est richement dotée. Enfin, nous en reparlerons à ma prochaine permission.

— Roly, fis-je avec ma grâce habituelle, pourquoi es-tu venu cette fois-ci ?

— Mais, pour vous voir tous, trop aimable Phyl, et surtout pour voir l’amoureux de Dora.

Dora se mit à rire en rougissant.

Je continuai innocemment ;

— Je viens justement de le rencontrer au bord de la rivière. C’est malheureux que je n’aie pas eu l’idée de le ramener avec moi.

— Mère, fit Roly en plaisantant, trouvez-vous qu’il soit convenable que Phyl donne des rendez-vous à son beau-frère ? Est-il possible. Dora, que tu n’aies pas senti la trahison dans l’air ? Une aussi délicieuse personne que Phyl, aux attraits bien connus !

— Que faisait-il au bord de la rivière ? me demanda Dora souriant toujours. Elle est bien trop sûre du pouvoir de sa beauté pour craindre quoi que ce soit.

— Rien. Il promenait son chien. Nous avons un peu causé et il m’a avertie qu’il viendrait vendredi.

— C’est après-demain. Bon, je lui demanderai quelles sont ses intentions, dit Roland en prenant un air important des plus comiques. C’est très heureux que je sois là, on ne doit jamais laisser traîner ce genre de choses. Je me sens une responsabilité d’aîné qui m’oblige à soutenir les intérêts de ces pauvres filles. Il faudra amener ce galant à faire sa déclaration.

— Eh bien ! moi, fit Billy brusquement, je suis sûr que Mark Carrington ne se soucie pas plus de Dora que de sa première pantoufle. Il aime bien mieux causer avec Phyl.

Dora haussa ses charmantes épaules, et Roland fit entendre un petit sifflotement qui exprimait le mépris.

Billy devenant psychologue… C’était à rire !