Pierre-Maurice Masson

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Pierre-Maurice Masson
Revue des Deux Mondes6e période, tome 33 (p. 448-455).
PIERRE-MAURICE MASSON

Lui aussi ! Ce jeune maître, — car c’en était un, — dont la Sorbonne s’apprêtait à applaudir les thèses courageusement achevées dans les tranchées lorraines, cet être si délicieusement vivant, aujourd’hui mort, tué net par un éclat d’obus ! Cette fine et riche nature, ce cœur généreux et ardent, cette pensée robuste et agile, ce souple talent si plein d’avenir, cette œuvre déjà imposante [1] : tout cela brisé, ruiné, enseveli... Qu’on me pardonne d’exprimer naïvement ma douleur ! Si personnelle qu’elle me soit, j’ai le sentiment que, comme toutes nos douleurs d’aujourd’hui, elle est un peu collective. Depuis douze années que je le connaissais, j’aimais tendrement Maurice Masson, d’une affection presque fraternelle ; mais je n’aimais pas seulement son âme délicate et charmante, j’aimais sa haute distinction d’esprit, et je n’étais pas le seul à voir en lui l’une des personnalités représentatives de sa génération. La Sorbonne, en conférant solennellement au candidat qu’elle n’avait pu entendre l’honneur d’un doctorat posthume, vient de témoigner que nous ne nous étions point trompés...

Pierre-Maurice Masson était Lorrain. Il appartenait à l’une de ces familles de la bonne bourgeoisie provinciale où se conservent jalousement les fortes traditions morales et religieuses, et qui sont l’honneur solide et trop méconnu de notre race. Le sens pratique des affaires y va de pair avec le goût des choses de l’esprit. Le père était un peu artiste ; il peignait, dessinait. On vit sans déplaisir l’enfant s’orienter vers une profession libérale. En 1900, après de fortes études à Nancy, puis au lycée Louis-le-Grand, il entrait à l’Ecole normale.

Ce qu’était l’Ecole normale d’alors, je suis trop imparfaitement informé pour le dire avec une entière précision. Tout me fait croire que, suivant l’usage, on y menait une vie de fécond travail, d’ardentes et libres discussions, de chaude amitié. Les tempéramens les plus opposés s’y développaient sans contrainte. Parmi ses aînés, Maurice Masson y connut le socialiste Albert Thomas, notre secrétaire d’Etat aux munitions, et parmi ses cadets, Emile Clermont, le subtil auteur de Laure, comme lui, hélas ! tué à l’ennemi. Plusieurs de ses camarades de promotion ont déjà tenu les promesses qu’ils faisaient concevoir : Paul Hazard, Pierre Villey, — noms connus de nos lecteurs, — le philosophe Jacques Chevalier, l’historien Maurice Legendre. Dans ce milieu très ouvert et très vivant pénétraient et s’exerçaient les influences les plus diverses : celle de Jaurès et celle de Brunetière, celle de M. Boutroux, de M. Bergson, d’Edouard Le Roy, celle aussi de M. Loisy. Le problème religieux y était souvent posé et discuté. Il semble bien que, d’assez bonne heure, Maurice Masson, catholique complet, s’y soit formé, sur ces hautes questions, une sorte de philosophie qui correspondait aux multiples besoins de sa nature, à la fois très simple et très élevée : quelque chose comme un stoïcisme chrétien, qui du reste est allé en s’attendrissant de plus en plus. En tout cas, il s’était profondément épris de Vigny, qui lui a inspiré son premier article. Et dès lors, sans y tâcher, par sa simple manière d’être, tout ensemble enjouée et grave, il faisait sentir non seulement à ses camarades, mais à ses maîtres eux-mêmes, avec la précoce vigueur de sa pensée et de son talent, l’ardeur et la richesse de sa vie morale.

La variété de ses goûts et de ses aptitudes n’était pas sans danger pour le choix définitif d’une discipline intellectuelle. Un moment, je crois que la philosophie l’a tenté. Mais s’il aimait les idées, il aimait aussi la vie, et son imagination n’était point indifférente aux choses concrètes, au décor mouvant du monde. De plus, il était passionné d’érudition, d’information exacte et précise, et, à l’école de M. Bédier, de M. Lanson, il s’était initié a toutes les exigences, à tous les scrupules de nos modernes méthodes critiques. Bref, à bien des égards, il avait un tempérament d’historien. Il crut tout concilier en se tournant du côté des études d’archéologie, d’épigraphie et d’exégèse, et, son amour des voyages aidant, il rêva d’entrer à l’Ecole d’Athènes. L’excellent Georges Perrot, qui l’aimait et l’estimait beaucoup, voyait en lui un de ses futurs « Athéniens. » La destinée a disposé de Maurice Masson autrement.

L’occasion vint s’offrir en effet à lui d’occuper la chaire de littérature française moderne de l’Université de Fribourg en Suisse. Après quelques hésitations, il accepta. Dans ce champ d’études, qui n’était d’ailleurs point nouveau pour lui, il s’avisa bien vite qu’il trouverait aisément l’emploi de toutes ses facultés et de toutes ses préoccupations. Surtout, l’homme d’action, le soldat qu’il y avait en lui, comprit que, dans ce poste de confiance qui lui était proposé, il aurait une œuvre particulièrement utile à poursuivre et à réaliser. Il accepta.

Fondée en 1889 par un homme d’Etat supérieur, qui aura une belle page dans l’histoire de son pays, M. Georges Python, l’Université de Fribourg est l’une des institutions les plus originales de notre temps. Université catholique, sans exclusivisme d’ailleurs, et puisque aussi bien le canton de Fribourg est catholique, mais Université d’Etat, au même titre que les Universités de Genève, de Lyon ou d’Upsal, l’Université de Fribourg a pour caractère essentiel d’être une Université internationale. Réunir et grouper autour de l’idée catholique des représentans qualifiés des diverses méthodes d’enseignement et des différentes « cultures » nationales, créer pour les étudians de tous les pays un centre, peut-être unique, d’études, d’observations et d’expériences : telle avait été la généreuse et haute pensée de son fondateur. En fait, par la faute des circonstances, par la faute aussi de nos Français, trop casaniers, il s’était souvent produit une certaine rupture d’équilibre dans la « répartition » des nationalités et des influences ethniques. Ai-je besoin d’ajouter que cette rupture d’équilibre s’était toujours faite au profit de l’envahissante Allemagne ? Il y a vingt-quatre ans de cela, l’Université de Fribourg ne possédait qu’un seul professeur français laïque ; à la Faculté des Lettres, en face de neuf professeurs allemands, il n’y avait ni un Italien, ni un Français, pas même dans la chaire de littérature française. Et comme si la part du lion ne leur suffisait pas, quelques professeurs allemands s’avisèrent même un jour de tenter, contre le gouvernement du pays qui les hospitalisait, un véritable petit coup d’Etat, qu’ils soulignèrent par une bruyante démission collective et par une fort inélégante brochure. Ils préludaient à « l’avant-guerre ! »

C’est dans ce milieu très cosmopolite, passionnément curieux, excitant et vivant, que Maurice Masson fut appelé à évoluer. Il s’y adapta avec une remarquable souplesse. Mettant à profit l’expérience de ses devanciers, il se rendit un très juste compte des conditions et des limites de son action. Il comprit qu’il ne suffisait pas de faire consciencieusement d’excellens cours et de diriger dans leurs travaux les étudians qui s’adressaient à lui, mais qu’il fallait se répandre au dehors, produire, s’encadrer dans les organisations locales, tâcher d’y rendre service, bref, ne perdre aucune occasion de témoigner discrètement pour la pensée et pour la vie françaises. Ce programme, que la concurrence allemande rendait parfois plus méritoire et plus difficile à réaliser qu’on ne pense, nul ne mit plus de généreuse ardeur que ce jeune homme de vingt-cinq ans à le concevoir et à le remplir. Et que cette lente action continue et collective ait produit ses fruits, c’est ce qu’on ne saurait nier. Les sympathies de la population fribourgeoise pour notre cause auraient été moins vives, si elle n’avait pas vu à l’œuvre quelques Français authentiques. Et, d’autre part, si j’en juge par divers aveux que j’ai pu recueillir, les professeurs et étudians allemands qui sont passés par Fribourg ont dû être moins surpris que la plupart de leurs compatriotes de la vitalité française.

Maurice Masson fut, tout de suite, un remarquable professeur. Il parlait bien, avec une vivacité pressante, ingénieuse et spirituelle qui attirait et retenait l’attention. Et sa parole était nourrie et précise. Il avait lu, ce qui s’appelle lu, les œuvres dont il parlait, et il s’efforçait toujours de présenter à ses auditeurs le dernier état des questions que chacune d’elles soulevait. Il s’en serait voulu, par exemple, de faire un cours sur Lamartine, sans avoir exploré au préalable les manuscrits de la Bibliothèque nationale. Et ainsi du reste. Travailleur infatigable, il acquérait ainsi au jour le jour cette étonnante érudition dont chacun de ses écrits porte la trace. Et par la nature de son enseignement, comme par les directions qu’il donnait à ses étudians, il prouvait assez clairement que la science française, pour la précision, la méthode... et l’agrément, ne le cédait peut-être en rien à la docte science allemande,

Ces recherches, ces lectures, après avoir alimenté de suggestives et vivantes leçons, aboutissaient peu à peu à des articles et à des livres. Quelques-uns de ces articles » ont paru ici même : on en a goûté l’élégante construction, la solidité substantielle, la forme aisée, allante, joliment française. Le XVIIIe siècle avait attiré de bonne heure Maurice Masson, et la grâce piquante de ses écrivains s’était transmise à leur historien. En arrivant à Fribourg, il avait déjà arrêté l’important sujet d’étude auquel il allait vouer son principal effort. Analyser dans ses origines historiques et psychologiques la conception religieuse de Rousseau, en suivre comme à la trace les transformations successives, en retracer les destinées littéraires et morales, il lui avait paru qu’il y avait là un de ces sujets complexes, intéressans, féconds en aperçus de toute sorte, comme il les aimait, et où il pourrait se mettre tout entier. Il s’y consacra pendant dix ans, en effet, mais non sans se permettre, au gré des occasions ou des circonstances, des échappées, des incursions dans des régions plus ou moins voisines. Fénelon et Mme Guyon, Vigny, Mme de Tencin, Angellier, Lamartine, Chateaubriand lui inspirèrent tour à tour des études plus ou moins détaillées, toutes ingénieuses et pénétrantes. A deux reprises, pour son Vigny et pour son Lamartine, l’Académie lui avait décerné le prix d’éloquence. Brunetière disait des pages sur Alfred de Vigny qu’elles lui rappelaient les premiers articles de Sainte-Beuve. Et quant aux thèses sur Rousseau, heureusement achevées et qui viennent de paraître, elles sont, au témoignage d’un juge compétent et sévère, M. Lanson,


le travail le plus considérable, le plus riche, le plus fort qui, depuis des années, ait été donné sur Jean-Jacques Rousseau... Il n’y a, dit encore M. Lanson, il n’y a pour ainsi dire pas de problème relatif à la vie, au caractère et à l’œuvre de Rousseau, ni de problème relatif à l’évolution du sentiment religieux entre Fénelon et Chateaubriand, — pas un problème philologique, historique, psychologique, esthétique, — qui ne soit touché dans ce beau livre, et qui n’y reçoive une solution toujours neuve par quelque endroit, toujours ingénieuse et sérieuse, parfois définitive.


Je reviendrai sur cet important travail. Je ne puis en noter aujourd’hui que ce qui a trait à la physionomie morale et littéraire de son auteur. Or, ce qui fait l’originalité du livre de Maurice Masson sur Rousseau, comme aussi bien de toute son œuvre critique, c’est qu’il est à la fois le livre d’un érudit, — du plus consciencieux et du plus minutieusement exact des érudits, — d’un historien philosophe et psychologue aussi curieux des grandes idées générales que des âmes individuelles, et enfin d’un véritable écrivain. Masson porte allègrement tout le poids de sa science, parce qu’il la pense et qu’il la juge, et en même temps, il se refuse à être ennuyeux, et il a trop de goût pour n’avoir pas le vif sentiment du style. De là l’agréable sécurité qu’on éprouve à le lire : il instruit, et il plaît ; sa langue fine, agile, nerveuse, élégante et élancée comme sa personne, est parmi les meilleures de celles qu’on parle aujourd’hui.

C’étaient là de bien beaux dons ; et ses maîtres et ses amis attendaient beaucoup d’un esprit aussi riche et aussi bien muni. La vie, au total, lui avait été facile et ne l’avait point gâté : il restait bon, simple, dévoué, délicat. Ce Lorrain, très justement fier de sa province natale, était entré dans une famille lorraine : il avait épousé l’une des filles d’un membre de l’Institut, mort récemment, M. René Zeiller, dont les beaux travaux sur le sol lorrain nous ont enrichis d’un nouveau trésor souterrain. Il achevait la rédaction de ses thèses, quand la guerre survint et « le mit à son poste de combat. » Il partit, non sans tristesse, mais plein d’ardeur et d’espoir. Il était sergent de territoriale.. Il resta longtemps dans un fort de Toul, se réacclimatant au métier militaire qu’il avait toujours aimé. Les heures s’écoulaient, souvent longues et monotones. Il aspirait à une vie plus active qui, peut-être en le rapprochant du danger, opérerait entre ses hommes et lui une fusion plus complète. Il souffrait parfois de l’indigence d’amitié. Il écrivait de longues lettres, d’un tour exquis, et parmi lesquelles il en est d’admirables. J’espère qu’on en publiera quelques-unes : elles feront mieux connaître cette âme d’élite, et elles prolongeront son action.

Il y avait en lui l’étoffe d’un vrai chef, et l’on s’en aperçut assez vite. On le nomma sous-lieutenant, et on l’envoya au front. Il fut enchanté de « faire en guerre œuvre plus guerrière » et s’accommoda à merveille de la dure vie de « troglodyte des tranchées » qu’il décrivait en termes pleins d’humour et de saveur pittoresque. « J’ai plus de responsabilités, disait-il, je prends mon métier au sérieux, et je passe toute ma journée à surveiller mes hommes, et à tâcher de les connaître, pour en tirer le meilleur parti, en leur rendant la vie aussi supportable que possible. » Il y parvenait fort bien d’ailleurs, et ses hommes adoraient cet officier si brave, si gentiment paternel, et dont l’élégante beauté virile portait si crânement l’uniforme.

Cependant cette vie d’ « ermite vaseux « comportait quelques loisirs. L’idée vint à Maurice Masson de les mettre à profit pour achever la rédaction, l’impression et la correction de son Rousseau. Avec une activité un peu fébrile qui nous étonnait et nous inquiétait parfois, à la manière d’un pressentiment funèbre, mais avec une liberté et une sérénité d’esprit que nous admirions, et où il entrait de la bravoure, de la coquetterie, et une subtile ironie à l’égard des « Boches, » il se mit à la besogne. Au fond de son « trou inconfortable » transformé en cabinet de travail, il corrigeait ses épreuves, et il « narguait les obus. » « Et pourtant, ils tombent dru, ajoutait-il, et depuis que je vous ai commencé ce petit mot, voilà trois fois déjà que ma bougie s’est éteinte sous le souffle des torpilles qui viennent éclater sur mon toit. Avouez qu’il est plaisant, au milieu d’un pareil sabbat, de s’amuser à distinguer encore les deux Jean Sarrazin... » La thèse achevée, — « ce livre qui aura été pour lui, ainsi qu’il le disait joliment, comme la bague-souvenir que l’on cisèle en campagne, » — il se faisait une fête de venir, en soldat, « l’épée au poing, » la soutenir à la Sorbonne. La date était fixée. L’offensive allemande vint ruiner ce, beau projet, et précipiter le fatal dénouement.

Car notre ami, affecté à un régiment de réserve, et bientôt nommé lieutenant, avait été envoyé, il y a quelques mois, dans l’un des secteurs les plus tragiquement célèbres du front. « Mathématiquement, disait-il, si nous restons trois mois là-haut, mon tour doit venir. » Il n’avait pas d’illusions. Il multipliait les lettres, comme si, sentant sa fin prochaine, il voulait, en se faisant tout à tous, donner à ceux qu’il aimait le plus possible de lui-même. Son âme s’élevait, s’épurait encore. Lui qui, s’il s’était écouté, aurait pu aisément être un peu « aristocrate, » il ne tarit pas sur l’affection admirative que lui inspirent ses soldats ; il s’en voudrait de quitter ces « héros inconsciens ; » il « les remercie intérieurement pour le réconfort que leur seule vue lui donne ; » et quand il va « s’asseoir au parapet, près de l’un d’eux, » quand, « reçu avec un bon sourire d’amitié et de confiance, il regarde ces yeux paisibles que le danger n’effraie pas, » il se dit « content d’être à la fois le chef et le camarade de tels hommes. » Et la mort qui frappe à coups redoublés parmi ses proches lui inspire ces hautes pensées :


Heureusement, toutes ces tristesses mêmes portent avec elles leur remède, et presque une certaine joie. Avant-coureurs de la vie éternelle ces nobles âmes qui ont su faire leur sacrifice avec tant de générosité restent près de nous comme des aides et des amis. On se sent porté par leur exemple, et l’on veut demeurer dignes d’eux... Jamais... je n’ai mieux éprouvé au dedans de moi la présence efficace de X... que depuis que le lien terrestre est brisé entre nous. Dans la maisonnette solitaire ou je t’écris ceci, je me sens entouré affectueusement par d’invisibles entraîneurs... Tous me disent que la mort n’est pas si dure, et qu’il y a des choses qui valent mieux que la vie. Je ne le désire certes pas, mais je n’ai pas peur de les suivre...


Et encore :


Pouvant disposer de sa vie, S... a jugé que son devoir était de faire plus que son devoir, et qu’une vie, si utile qu’elle fût, ne vaudrait pas l’exemple qu’il donnerait en la perdant, car une mort comme celle-là fait germer la vie derrière elle.


La veille de sa mort, il écrivait enfin à M. Rébelliau :


Pour l’instant, ce n’est point de livres qu’il s’agit. Il s’agit de tenir et de fixer la victoire, et, en attendant, de croire en elle. Je n’oublie point de quelles tristesses vous la paierez ; vous savez aussi les nôtres. Mais n’est-ce point la meilleure façon de rester fidèle à ceux qui sont morts pour la France en péril que de penser moins à eux qu’à la France, tant que le péril durera ?


Le lendemain, 16 avril, au moment d’un bombardement terrible, plus pressé de s’assurer que chacun était à son poste que de regagner son abri, mais « jugeant que son devoir était de faire plus que son devoir, » il donnait sa vie pour cette France qu’il avait si vaillamment servie et si passionnément aimée.

Et maintenant, dans le petit cimetière du front dont il avait envoyé la photographie aux siens, il repose, en attendant le grand réveil de la victoire française. Soldat, professeur, écrivain, suivant le mot du poète qu’il aimait, mais transfiguré par l’espérance chrétienne, il a fait énergiquement, jusqu’au bout, jusque sous le feu de l’ennemi, sa longue et lourde tâche. Il est mort de la plus belle mort que puisse souhaiter un écrivain français. Il nous laisse, avec un admirable exemple, une œuvre forte, variée, suggestive, une haute, pure et tendre mémoire. Ne le plaignons pas, puisqu’il ne voulait pas être plaint. Envions-le plutôt. Imitons-le. Continuons-le. Travaillons.


VICTOR GIRAUD.

  1. Fénelon et Mme Guyon, Hachette, 1907 ; — Alfred de Vigny, Bloud, 1908 ; — Une vie de femme au XVIIIe siècle : Mme de Tencin, Hachette, 1909 ; — Lamartine, Hachette, 1910 ; — La Profession de foi du Vicaire savoyard de Jean-Jacques Rousseau, édition critique, Hachette, 1914-1916 ; — La Religion de Jean-Jacques Rousseau, 3 vol., Hachette, 1916.