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Pierre qui roule (Tremblay)/00

La bibliothèque libre.
Librairie Beauchemin, Limitée (p. 5-6).

PRÉFACE


Ce livre n’est pas comme Gil Blas qui raconte des aventures et des traverses survenues à dix ou vingt personnes, mais que l’écrivain reporte toutes sur un même homme ; nous avons ici une variété de faits, de changements, de transformations qui dépasse l’ordinaire parce que chacune de ces situations se rattache, ou plutôt appartient à l’unique personnage qui parle durant toute la narration ; il faut ajouter que de ses dires on pourrait invoquer des centaines de témoins. Donc, rien d’imaginé, mais ce n’en est que plus intéressant.

La longue énumération de tant d’essais, de réussites, de revers, de coups heureux, de mécomptes, de surprises, de hauts et de bas ferait sourire le lecteur qui dirait : « Je vois cela : pierre qui roule n’amasse point de mousse. » Détrompez-vous, notre « roule-ta-bosse » a ramassé mieux que de la mousse.

Mais, par exemple ! n’allez pas croire que cela est arrivé bien uniment et comme à tout le monde ; n’allez pas supposer non plus que des talents exceptionnels ont favorisé l’auteur de ces exploits et de ces défaites, il avait du talent c’est vrai, ou, si vous voulez, un bon outil dans la main et possédait l’art de s’en servir, cependant le grand ressort de sa carrière c’est l’emploi de l’énergie. Des talents, il s’en trouve partout, à la manière des fleurs des champs ; savoir les utiliser est chose rare, attendu que l’énergie est encore plus rare et que, sans elle, on ne peut rien. Je vous révèle le secret du livre : de l’énergie et du talent en général.

Nous ne sommes pas en présence d’une fantaisie de conteur ou d’un effort pour piquer la curiosité du public, ni d’un enchaînement de circonstances dramatisées selon l’habitude du théâtre ou du roman, c’est un simple récit qui se déroule de lui-même et ne cache, en vérité, que cette explication : « Je m’en suis tiré en y mettant mon énergie. » La leçon est longue, grande, et digne d’être méditée.

Il n’est pas quesetion de soutenir que « rien n’est impossible, » mais je dis nettement que « rien n’est difficile » — il suffit de se mettre à l’œuvre.

Benjamin SULTE.