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Poème de la prison/Ballade LIII

La bibliothèque libre.
Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 70-71).

BALLADE LIII.

     Le premier jour du mois de May
S’acquitte vers moy grandement ;
Car, ainsi qu’à présent je n’ay
En mon cueur que deuil et tourment,
Il est aussi pareillement
Troublé, plain de vent et de pluie ;
Estre souloit tout autrement,
Ou temps qu’ay congneu en ma vie.
     Je croy qu’il se met en essay
De m’acompaignier loyaument ;
Content m’en tiens, pour dire vray ;
Car meschans, en leur pensement,
Reçoivent grand allegement,
Quant en leurs maulx ont compaignie ;
Essayé l’ay certainement.
Ou temps qu’ay congneu en ma vie.

     Las ! j’ay veu May joyeux et gay
Et si plaisant à toute gent
Que raconter au long ne sçay
Le plaisir et esbatement
Qu’avoit en son commandement ;
Car Amour, en son abbaye,
Le tenoit chief de son couvent,
Ou temps qu’ay congneu en ma vie.


ENVOI

     Le temps va je ne sçay comment,
Dieu l’amende prouchainement !
Car Plaisance s’est endormie
Qui souloit vivre lyement,
Ou temps qu’ay congneu en ma vie.