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Poème de la prison/Ballade LV

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Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 73-74).

BALLADE LV.

     Helas ! helas ! qui a laissié entrer
Devers mon cueur Doloreuse Nouvelle ?
Conté lui a plainement, sans celer,
Que sa Dame, la tresplaisant et belle,
Qu’il a long temps tresloyaument servie.
Est à présent en griefve maladie ;
Dont il est cheu en desespoir si fort
Qu’il souhaide piteusement la mort
Et dit qu’il est ennuyé de sa vie.
     Je suis alé pour le réconforter.
En lui priant qu’il n’ait nul soussy d’elle,
Car, se Dieu plaist, il orra brief conter
Que ce n’est pas maladie mortelle,
Et que sera prochainement guerie.
Mais ne lui chault de chose que lui die,
Ainçois en pleurs a tousjours son ressort
Par Tristesse qui asprement le mort.
Et dit qu’il est ennuyé de sa vie.
     Quant je lui dy qu’il ne se doit doubter,
Car Fortune n’est pas si trescruelle,
Qu’elle voulsist hors de ce monde oster
Celle qui est des princesses l’estoille,
Qui partout luist des biens dont est garnie ;

Il me respond qu’il est foul qui se fie
En Fortune qui a fait à maint tort.
Ainsi ne voult recevoir reconfort
Et dit qu’il est ennuyé de sa vie.


ENVOI

     Dieu tout puissant, par vostre courtoisie
Guérissez la, ou mon cueur vous supplie
Que vous souffrez que la mort son effort
Face sur lui, car il en est d’accort
Et dit qu’il est ennuyé de sa vie.