Poème de la prison/Ballade VII
De jamais n’amer par amours
J’ay aucunes fois le vouloir,
Pour les ennuieuses dolours
Qu’il me fault souvent recevoir ;
Mais en la fin, pour dire voir,
Quelque mal que doye porter,
Je vous asseure, par ma foy,
Que je n’en sauroye garder
Mon cueur qui est maistre de moy.
Combien qu’ay eu d’estranges tours,
Mais j’ai tout mis à Non Chaloir,
Pensant de recouvrer secours
De Confort ou d’un doulx Espoir.
Helas ! se j’eusse le povoir
D’aucunement hors m’en bouter,
Par le serment qu’à Amours doy,
Jamais n’y lairoye rentrer
Mon cueur qui est maistre de moy.
Car je sçay bien que par doulçours
Amour le scet si bien avoir,
Qu’il vouldroit ainsi tous les jours
Demourer sans jà s’en mouvoir.
N’il ne veult oir ne savoir
Le mal qu’il me fait endurer ;
Plaisance l’a mis en ce ploy,
Elle fait mal de le m’oster
Mon cueur qui est maistre de moy.
Il me desplaist d’en tant parler,
Mais, par le Dieu en qui je croy,
Ce fait desir de recouvrer
Mon cueur qui est maistre de moy.