Aller au contenu

Poème de la prison/Ballade XLIII

La bibliothèque libre.
Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 59-60).

BALLADE XLIII.

     Mon cueur est devenu hermite
En l’ermitage de Pensée ;
Car Fortune la tresdespite
Qui l’a haÿ mainte journée,
S’est nouvellement aliée,
Contre lui, avecques Tristesse,
Et l’ont banny hors de Lyesse ;
Place n’a où puist demourer,
Fors ou bois de Merencolie,
Il est content de s’i logier ;
Si lui dis je que c’est folie.
     Mainte parolle lui ay ditte,
Mais il ne l’a point escoutée ;
Mon parler riens ne lui proufite,
Sa voulenté y est fermée,
De legier ne seroit changée.
Il se gouverne par Destresse
Qui, contre son prouffit, ne cesse,
Nuit et jour, de le conseillier ;
De si près lui tient compaignie
Qu’il ne peut ennuy delaissier,
Si lui dis je que c’est folie.
     Pource sachiez, je m’en acquitte,
Belle tresloyaument amée,
Se lectre ne lui est escripte
Par vous, ou nouvelle mandée,

Dont sa doleur soit allégée,
Il a fait son veu et promesse
De renoncer à la richesse
De Plaisir et de Doulx Penser,
Et après ce, toute sa vie,
L’abit de Desconfort porter ;
Si lui dis je que c’est folie.


ENVOI

     Se par vous n’est, Belle sans per,
Pour quelque chose que lui dye,
Mon cueur ne se veult conforter ;
Si lui dis je que c’est folie.