Poème de la prison/Ballade XXVII

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Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 42).


BALLADE XXVII.

     Ardant désir de véoir ma maistresse
A assailly de nouvel le logis
De mon las cueur, qui languist en tristesse.
Et puis dedens par tout a le feu mis.
En grant doubte certainement je suis
Qu’il ne soit pas legierement estaint,
Sans grant grâce. Si vous pry, Dieu d’Amours
Sauvez mon cueur, ainsi qu’avez fait maint,
Je l’oy crier piteusement secours.
     J’ay essayé par lermes à largesse
De l’estaindre ; mais il n’en vault que pis ;
C’est feu gregeois, ce croy je, qui ne cesse
D’ardre, s’il n’est estaint par bon avis.
Au feu, au feu, courez, tous mes amis !
S’aucun de vous, comme lasche, remaint
Sans y aler, je le hé pour tousjours ;
Avanciez vous, nul de vous ne soit faint.
Je l’oy crier piteusement secours.
     S’il est ainsi mort par vostre peresse,
Je vous requier, au moins, tant que je puis,
Chascun de vous donnez lui une messe,
Et j’ay espoir que brief ou paradis
Des amoureux sera moult hault assis,
Comme martir et treshonnoré saint,
Qui a tenu de Loyauté le cours :
Grant tourment a, puis que si fort se plaint ;
Je l’oy crier piteusement secours.