Poèmes épars (Lenoir-Rolland)/Bluette

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Texte établi par Casimir HébertLe pays laurentien (p. 45-46).

1853
Bluette

Pourquoi retenir tes cheveux
Dans les fils noirs d’une résille ?
Pourquoi voiler tes doux yeux bleus
Avec les plis d’une mantille ?
Tes longs cheveux, filaments d’or,
Sont bien plus beaux, plus beaux encor,
Quand, libres, ils flottent par ondes !
Ton œil, miroir de ton sein blanc,
Ton œil que tu lèves en tremblant,
Luit, plus doux, sous des tresses blondes !

II

Une larme perle souvent
Aux cils de ta blanche paupière,
Quand sur le mousseau blanc de pierre,
Tu reviens t’asseoir en rêvant !
Que d’amoureux aux cœurs volages,
Cachés alors sous les ombrages,
Convoitent ta pâle beauté !
Peureuse enfant ! fille imprudente !
Prends garde à leur prunelle ardente
D’où rayonne la volupté !

III

Tu fais bien d’être pure et sage ;
Et de ne pas même écouter,
Les gais propos qu’il est d’usage
De dire et souvent de chanter !
Pourtant, si ton âme est avide
Des choses qui comblent le vide
Que tes pleurs y font chaque jour,
Ton âme naïve et charmante,
Au mal sans nom qui la tourmente,
Ne doit opposer que l’amour !